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Le dimanche 11 février 2007
Depuis son couronnement, Stéphanie Lapointe n'a pas concédé un pouce au strass et au côté fabriqué du showbizz. Elle ne porte pas de maquillage, ne s'est jamais teint les cheveux ni fait percer le nombril. Elle a le mot authentique estampillé sur le front.
Photo Robert Mailloux, La Presse
STÉPHANIE LAPOINTE
Un pied sur le frein, l'autre sur l'accélérateur
Nathalie Petrowski
La Presse
Jeune demoiselle rêveuse égarée au pays de la Star Académie, interprète qui brûle d'écrire, mais qui craint la surexposition, petit roseau frêle qui n'hésite pas à gravir le Kilimanjaro, Stéphanie Lapointe n'est jamais là où on l'attend. Elle le prouvera à nouveau à la fin du mois, en foulant la scène du Gesù, loin des studios Mel's, du Centre Bell et de leurs foules déchaînées. Portrait d'une jeune fille douce... et récalcitrante.
Certaines choses chez Stéphanie Lapointe sont totalement prévisibles. Le Café Byblos de la rue Laurier en est une. Depuis sa grande victoire à Star Académie en 2004, Stéphanie donne immanquablement rendez-vous aux journalistes au Byblos. Elle aurait pu changer d'endroit depuis trois ans, mais non. Chez cette jeune fille de Brossard, qui a vécu 21 ans dans la même maison avec ses parents, certaines habitudes ne meurent pas. Cela ne fait pas de Stéphanie un monument d'immobilisme pour autant. Voilà une jeune fille qui a beaucoup voyagé : en Tanzanie, au Laos et tout dernièrement au Vietnam. Qui a fait un DEC en sciences humaines au collège Édouard-Montpetit tout en s'éclatant dans une activité parascolaire de comédie musicale. Qui aime aussi bien chanter, jouer la comédie que tenir la caméra de son amoureux, le vidéaste Dominique Laurence, quand il tourne des clips pour Marie-Jo Thério ou Simple Plan. Voilà enfin une jeune fille bien de son temps dont la grand-mère maternelle fut une des premières divorcées du Québec.
Pour l'heure cependant, la jeune fille qui aura 23 ans le mois prochain vient de découvrir que le Byblos est fermé le lundi. Pas de problème. La solution de rechange se trouve quelques portes plus loin, aux Entretiens. Même ambiance granole, même odeur de thé au jasmin, même débauche de lumière et de plantes. Stéphanie Lapointe est peut-être prévisible, mais cela témoigne aussi d'un esprit cohérent qui, dès son arrivée à l'académie de Julie Snyder en 2004, a teinté ses faits et gestes.
Que Stéphanie ait voulu abandonner la partie en cours de route et quitter la machine Star Académie n'est pas étonnant. Elle a souvent le pied sur le frein. Qu'elle ait décidé de rester et de travailler fort, au point de gagner, non plus. Elle a toujours le pied sur l'accélérateur.
Dans tous les cas de figure, Stéphanie n'a jamais été une star académicienne comme les autres.
Encore aujourd'hui, le contraste entre elle et ses ex-camarades de scène et de dortoir est frappant. Depuis son couronnement, Stéphanie Lapointe n'a pas concédé un pouce au strass et au côté fabriqué du showbizz. Elle ne porte pas de maquillage, ne s'est jamais teint les cheveux ni fait percer le nombril. Rien chez elle depuis sa victoire n'a été refait, arrangé ou relooké. Elle a le mot authentique estampillé sur le front. Lorsqu'elle chante, on croit que chaque mot qui sort de sa bouche est un mot qui jaillit directement d'une source intérieure comme, c'est le cas pour tous les auteurs-compositeurs-interprètes. Erreur.
Même si Stéphanie donne l'impression qu'elle est la seule vraie artiste et auteure à être sortie de l'usine Star Académie, c'est en partie une illusion. Stéphanie n'a écrit qu'une seule chanson des 12 de son premier CD, Sur le fil. Exception faite de Love you, toutes les chansons sont signées Dave Richard, Catherine Durand ou Jean-Christophe Boies.
«Oui, mais attention, fait-elle remarquer, ce ne sont pas des chansons que je suis allée chercher chez l'éditeur comme on va magasiner un vêtement. Ces chansons-là m'appartiennent à un certain niveau puisque je les ai travaillées pendant des heures et des jours avec leurs auteurs. J'ai changé des mots, changé des accords. Et si je n'ai pas de crédit, c'est parce que j'estime qu'il appartient à ceux qui ont trouvé l'angle et la forme de la chanson.»
L'envie d'écrire
Subtilement et sans élever la voix, la douce et candide Stéphanie vient de se mettre en mode défensif. Elle croit que je lui reproche de n'avoir rien écrit alors qu'en réalité, je m'étonne seulement de la confusion artistique qui flotte autour d'elle. Quelques minutes plus tard, avec une candeur qui l'honore, elle avoue qu'elle crève d'envie d'écrire, mais qu'elle a peur. En fait, elle écrit mais elle n'ose pas exposer le fruit de son travail.
«L'autre jour, j'écoutais le CD de Viviane Audet et je me suis rendu compte que ses thèmes et ses préoccupations étaient proches des miens. Cela m'a tellement fait du bien que je suis allée au piano et je me suis immédiatement mise à écrire une chanson qui était un peu le bilan de mon année. Je me suis juré de la faire en rappel à mon spectacle, mais je n'ai pas été capable. Ni ce soir-là ni aucun autre soir. C'est trop personnel.»
Trop personnel ? N'est-ce pas le but de la démarche artistique ? Un artiste n'est-il pas censé creuser au plus profond de lui-même pour en extraire le métal précieux et intime qu'il donnera en offrande aux autres ? Comment peut-on rêver d'être artiste et craindre la surexposition ? Stéphanie Lapointe est d'accord. L'ennui, c'est qu'elle ne se sent pas prête. «Mes textes s'améliorent, affirme-t-elle timidement. Et si pour le prochain CD, je réussis à écrire quatre chansons qui se tiennent, je serai la plus heureuse des femmes. Et si ça ne se passe pas, ce ne sera pas plus grave que ça. Honnêtement.»
En fait, si j'entends bien ce que dit Stéphanie, ce n'est pas l'écriture qui pose problème, mais bien d'assumer ce qu'elle a écrit, sans égard pour la critique ou la comparaison. À ce chapitre pourtant, il y a loin de la coupe aux lèvres pour Stéphanie. Il suffit d'écouter la chanson Libre comme l'eau et surtout ce passage éloquent où Stéphanie chante : «Björk est bien meilleure que moi, ça fait peur. Je ne suis pas Ben Harper.»
Elle s'étonne que j'aie relevé ce passage qui pourtant la décrit bien. Elle s'explique.
«C'est Dave Richard qui m'a dit que ça me ferait du bien de chanter ça. Il avait senti cette tendance chez moi de toujours me comparer aux autres et forcément de me désoler. Faut dire que toute l'année qui a suivi ma victoire à Star Académie, je me suis sentie comme un imposteur. Je me suis mise à avoir honte d'avoir fait ça alors que je n'avais aucune raison d'avoir honte. Au contraire. Parce que peu importe par où tu passes, peu importe si tu entres dans le métier grâce à un coup de chance, l'important, c'est ce que t'en fais après.»
La comédienne
La meilleure illustration de cette capacité chez Stéphanie d'assurer la suite des choses, c'est le film Aurore, où elle a incarné avec une belle sensibilité la mère biologique de la petite martyre.
Stéphanie raconte qu'au départ, le réalisateur Luc Dionne ne voulait rien savoir d'elle. Ce dernier. en retraite d'écriture en Floride, le confirme au téléphone.
«C'est vrai. J'ai commencé par refuser de la voir en audition parce que je trouvais que l'engager, ça sentait trop la récupération. J'ai auditionné plusieurs comédiennes qui ne me donnaient pas ce que je cherchais. Puis Denise Robert m'a conseillé de la voir. Comme je n'avais plus rien à perdre, j'ai accepté. J'ai tout de suite su que c'était elle. Elle avait exactement la fragilité que je recherchais. Sur le plateau, j'ai découvert une actrice généreuse, travaillante comme 10, qui ne se plaint jamais, qui y va avec tout son coeur, mais aussi une petite fille brillante, qui fait les bons choix et qui comprend rapidement la game.»
Stéphanie Lapointe n'oserait jamais se lancer autant de fleurs. N'empêche. Elle est fière de ce qu'elle a fait dans Aurore comme dans Le négociateur. Et qu'on ne vienne surtout pas lui dire que tout ça lui est tombé tout cuit dans le bec comme l'a laissé entendre le comédien Christian Bégin dans une lettre ouverte contre les vedettes qui s'improvisent acteurs.
«D'abord, c'est moi qui ai demandé à passer des auditions. Je venais de terminer Star Académie, je ne voulais pas sortir un disque tout de suite. J'avais envie de prendre mon temps et d'essayer autre chose que la chanson. Je suis de cette génération qui a la possibilité de faire plein de choses et qui ne voit pas pourquoi elle s'en priverait. Je savais qu'il y avait des limites que je ne pourrais pas franchir, mais j'avais envie de tenter ma chance. J'ai passé beaucoup d'auditions. Et si vous ne m'avez pas vue dans Le secret de ma mère ou Saints-Martyrs-des-damnés, c'est parce je n'ai pas été choisie. Quant aux rôles que j'ai obtenus, je n'allais quand même pas pousser l'altruisme jusqu'à les refuser pour faire plaisir à Christian Bégin. De toute façon, l'histoire du cinéma est remplie de têtes d'affiche qui n'étaient peut-être pas des comédiens professionnels, mais qui ont fait des films pareil.»
Malgré son talent pour le cinéma, Stéphanie la comédienne a suspendu ses activités. Ces jours-ci, c'est Stéphanie la chanteuse qui a pris le relais. Cette dernière a passé l'été à faire les cafés, clubs et salles paroissiales du ROSEQ (Réseau des organisateurs de spectacles de l'est du Québec), le passage obligé de tout interprète québécois qui se respecte.
«Ça m'a fait un bien fou, raconte-t-elle. J'ai découvert que ce qui fait la magie d'un show, c'est un piano, une guitare et des gens qui ont envie d'être là. J'ai appris un tas de choses précieuses - comment communiquer avec le public, comment occuper la scène et s'y sentir bien. Et l'autre soir à Coaticook, dans une toute petite salle absolument merveilleuse, j'ai constaté que j'étais bien sur scène. Vraiment bien.»
Il y a quelques mois, Stéphanie a déclaré que sa rentrée montréalaise allait marquer un tournant dans sa vie. Ça passe ou ça casse, avait-elle lancé, ajoutant qu'une fois le spectacle terminé, elle déciderait si elle continue la scène ou si elle lâche tout pour faire de l'aide humanitaire.
Partir ou rester ? Le spectacle au Gesù n'a pas encore eu lieu, mais Stéphanie Lapointe sait déjà la réponse. Elle reste.