Tout lire >>LA DESCENTE AUX ENFERS
TRISTAN PÉLOQUIN ET CAROLINE TOUZIN
LA PRESSE
Tout s’est passé très vite, fin février dernier, lorsque les huissiers ont débarqué chez Claude Poirier en matinée pour les évincer, sa conjointe et lui, de leur maison de Candiac.
Si vite que des dizaines de sacs-poubelle remplis ont été laissés dans l’entrée de garage de la résidence. Ce sont les voisins, stupéfaits par les événements, qui les ont mis aux ordures, petit à petit. Quelques boîtes de carton vides laissées sur le côté du garage témoignent encore de l’éviction.
Ce jour-là, sa femme s’est empressée d’ouvrir la porte puisqu’elle attendait de la visite. Elle a eu une très mauvaise surprise en voyant les huissiers. Son mari l’a toujours tenue à l’écart de leurs finances.
Le couple marié depuis 20 ans a ainsi atterri en catastrophe dans un modeste motel de la Rive-Sud. « Tout va s’arranger », a indiqué M. Poirier à La Presse lorsque nous l’avons rencontré une première fois il y a un mois. L’homme de 76 ans était amaigri, vêtu d’un pantalon de travail usé à la corde. Le fumeur invétéré grillait une cigarette à l’extérieur du motel. Il a refusé d’en dire davantage.
Cinq semaines plus tard, rien n’est réglé, au contraire. Le chroniqueur judiciaire le plus célèbre du Québec vit toujours au motel. Sa maison de Candiac a été saisie et mise en vente.
« La maison, on va la reprendre. Tout va s’arranger. Ça peut arriver à n’importe qui d’avoir des problèmes », a-t-il répété à La Presse plus tôt cette semaine avant de mettre fin brusquement à notre entretien téléphonique.
Sa femme Andréa, elle, ne cache pas sa tristesse. « J’espère que Claude va s’en sortir. Je ne comprends pas ce qui se passe dans sa tête. Ç’a toujours été dur de savoir ce qu’il pensait », dit-elle en tentant de réprimer ses sanglots.
« C’est tellement difficile pour le moral. J’ai été heureuse avec lui. J’ai vécu beaucoup d’épreuves, mais celle-ci est vraiment dure. Regardez où je me retrouve. »
— Andréa, la femme de Claude Poirier, en balayant le motel des yeux
Leur coquette maison de brique rouge, achetée 485 000 $ en 2012, n’est qu’un des nombreux éléments d’actif de M. Poirier visés par une série de saisies ordonnées par les tribunaux ces derniers mois.
UNE PROMESSE COÛTEUSE
C’est son intérêt pour une autre résidence qui aurait précipité sa descente aux enfers il y a cinq ans.
Début août 2010, le Négociateur, qui anime à cette époque son émission quotidienne à LCN et tient une chronique au 98,5 FM, fait une offre d’achat sur une maison du boulevard Montcalm, toujours à Candiac. Le domicile appartient à Denis Bélisle, qui travaille aussi dans le domaine des médias. L’offre de 430 000 $ est acceptée et le vendeur a 16 jours pour libérer sa maison, selon les termes de la promesse d’achat.
Incapable de trouver du financement, Claude Poirier demande alors un report de la vente. « De promesse en promesse, de délai en délai, finalement, M. Poirier a requis de reporter à 2011 le transfert de propriété “pour des raisons d’ordre fiscal”, selon ses dires », lit-on dans le dossier de cour consulté par La Presse.
Neuf mois après la promesse d’achat, las d’attendre et incapable de parler à Claude Poirier, Denis Bélisle remet finalement son domicile en vente. Par la suite, M. Bélisle intente une poursuite de 85 000 $ contre Claude Poirier et son entreprise Gestion de la filière inc., pour « troubles, ennuis et inconvénients », dommages et préjudices, perte de valeur de sa maison et différents frais engagés.
ABSENT DU TRIBUNAL
Or, le chroniqueur judiciaire ne se présente pas au tribunal pour se défendre. Il ne mandate même pas d’avocat pour le représenter. Le tribunal le condamne à payer intégralement les 85 000 $.
Ce n’est qu’une fois condamné qu’il invoque son implication dans l’enquête policière sur la mort de Diane Grégoire – mère de famille disparue à l’hiver 2008 dont le corps a été retrouvé près de quatre ans plus tard – pour expliquer son absence au tribunal. Le juge a cependant balayé ses arguments d’un revers de main (voir autre texte).
L’avocat de M. Poirier, Me Antony Leclerc, dit aujourd’hui que son client a négligé sa cause. Il a eu des nouvelles de Claude Poirier une semaine avant le procès.
« On a mangé une volée royale parce qu’il n’était pas prêt, il n’avait pas de témoin, je n’ai pas pu le préparer. C’est un peu comme s’il croyait qu’il était Dieu. Il voulait jouer la carte de la personnalité connue. »
— Me Antony Leclerc, avocat de Claude Poirier
L’ENGRENAGE DES SAISIES
Peu après avoir été débouté en cour, Claude Poirier disparaît des ondes pour des raisons de santé – il a eu cinq pontages en plus d’être opéré pour une grave hernie.
L’engrenage des saisies s’engage inexorablement. En février et mars 2014, des brefs sont émis, autorisant la saisie d’une partie de son salaire chez Cogeco diffusion, qui exploite le 98,5 FM, ainsi que chez Groupe TVA, propriétaire de LCN.
« Nous n’avons pas été hyper agressifs dans nos démarches pour faire honorer le jugement, affirme l’avocat de Denis Bélisle, Me Michel Jeanniot. Mon client sympathise avec la situation précaire de M. Poirier. »
À ce jour, Denis Bélisle n’a pas touché la moindre somme qui lui est due par Claude Poirier. « Il a réussi, avec beaucoup de succès, à épuiser tous les recours qui étaient possibles pour repousser la cause. Il a mandaté trois ou quatre procureurs, qui ont tous fait des demandes de délai pour faire échec à nos démarches », affirme Me Jeanniot. Avec les intérêts et les frais cumulés depuis 2011, les 85 000 $ dus à son client atteignent aujourd’hui plus de 135 000 $.
AVOCAT IMPAYÉ
Claude Poirier a aussi des problèmes avec l’avocat qui l’a défendu, Me Antony Leclerc. Ce dernier a intenté il y a un an une poursuite de près de 10 000 $ contre son ancien client, pour défaut de paiement de ses honoraires. Il a gagné sa cause et dit s’apprêter à mandater, au cours des prochains jours, un huissier pour une nouvelle vague de saisies contre le chroniqueur judiciaire.
Parallèlement, des problèmes avec le fisc, qui semblent remonter à 2010, accentuent la descente aux enfers de Claude Poirier. L’Agence du revenu du Canada lui réclame aujourd’hui plus de 27 000 $ pour impôts impayés, Revenu Québec près de 47 000 $. Selon des sources, M. Poirier aurait négligé, à l’âge de 71 ans, de transférer ses REER dans un Fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), une opération obligatoire à cet âge. Son omission aurait exposé des sommes considérables à l’impôt du jour au lendemain.
Ses droits d’auteur sur les revenus futurs d’un livre à son sujet sont aussi saisis en novembre dernier chez Librex, une filiale de Québecor dont les bureaux sont au siège social du conglomérat. Deux commissions scolaires réclament des taxes non remboursées. Et son VUS de luxe est aussi saisi à l’été.
Claude Poirier est même contraint par la Régie du logement de payer 1280 $ à un entrepreneur de Belœil pour un logement de quatre pièces qu’il a loué 640 $ par mois en 2013, mais qu’il n’a pas été en mesure de payer.
DISPARITION
Jusqu’à ce jour, Claude Poirier n’a déposé aucune demande au Bureau du surintendant des faillites du Canada. Difficile d’expliquer comment celui qui a été considéré comme le « roi des ondes » du Québec en 2012 par la firme Influence Communication – avec en moyenne 7 heures et 40 minutes d’exposition médiatique par semaine – a pu se retrouver dans de telles difficultés financières. Son salaire, selon plusieurs sources, était de quelques centaines de milliers de dollars par année.
Peu avant Noël, alors que la vente sous contrôle judiciaire de sa maison venait d’être autorisée par les tribunaux, Claude Poirier a mystérieusement disparu pendant quelques jours. Devant l’absence de nouvelles, même à sa conjointe, un avis de disparition a failli être lancé par la police du Roussillon, indiquent des sources.
Claude Poirier est finalement réapparu peu avant que l’avis de recherche ne soit lancé.
Depuis peu, il a repris le micro occasionnellement à Radio 9, où il fait des chroniques judiciaires et parle de hockey. Il prépare également une série télé de 20 épisodes intitulée Claude Poirier : secrets judiciaires, dont la diffusion est prévue pour l’automne 2015 au nouveau canal Investigation.
— Avec la collaboration de Daniel Renaud, La Presse
Ou suivre ce lien, http://plus.lapresse.ca/screens/f2f6364 ... 257Ey-X_gs" onclick="window.open(this.href);return false;TRISTAN PÉLOQUIN ET CAROLINE TOUZIN
LA PRESSE
Tout s’est passé très vite, fin février dernier, lorsque les huissiers ont débarqué chez Claude Poirier en matinée pour les évincer, sa conjointe et lui, de leur maison de Candiac.
Si vite que des dizaines de sacs-poubelle remplis ont été laissés dans l’entrée de garage de la résidence. Ce sont les voisins, stupéfaits par les événements, qui les ont mis aux ordures, petit à petit. Quelques boîtes de carton vides laissées sur le côté du garage témoignent encore de l’éviction.
Ce jour-là, sa femme s’est empressée d’ouvrir la porte puisqu’elle attendait de la visite. Elle a eu une très mauvaise surprise en voyant les huissiers. Son mari l’a toujours tenue à l’écart de leurs finances.
Le couple marié depuis 20 ans a ainsi atterri en catastrophe dans un modeste motel de la Rive-Sud. « Tout va s’arranger », a indiqué M. Poirier à La Presse lorsque nous l’avons rencontré une première fois il y a un mois. L’homme de 76 ans était amaigri, vêtu d’un pantalon de travail usé à la corde. Le fumeur invétéré grillait une cigarette à l’extérieur du motel. Il a refusé d’en dire davantage.
Cinq semaines plus tard, rien n’est réglé, au contraire. Le chroniqueur judiciaire le plus célèbre du Québec vit toujours au motel. Sa maison de Candiac a été saisie et mise en vente.
« La maison, on va la reprendre. Tout va s’arranger. Ça peut arriver à n’importe qui d’avoir des problèmes », a-t-il répété à La Presse plus tôt cette semaine avant de mettre fin brusquement à notre entretien téléphonique.
Sa femme Andréa, elle, ne cache pas sa tristesse. « J’espère que Claude va s’en sortir. Je ne comprends pas ce qui se passe dans sa tête. Ç’a toujours été dur de savoir ce qu’il pensait », dit-elle en tentant de réprimer ses sanglots.
« C’est tellement difficile pour le moral. J’ai été heureuse avec lui. J’ai vécu beaucoup d’épreuves, mais celle-ci est vraiment dure. Regardez où je me retrouve. »
— Andréa, la femme de Claude Poirier, en balayant le motel des yeux
Leur coquette maison de brique rouge, achetée 485 000 $ en 2012, n’est qu’un des nombreux éléments d’actif de M. Poirier visés par une série de saisies ordonnées par les tribunaux ces derniers mois.
UNE PROMESSE COÛTEUSE
C’est son intérêt pour une autre résidence qui aurait précipité sa descente aux enfers il y a cinq ans.
Début août 2010, le Négociateur, qui anime à cette époque son émission quotidienne à LCN et tient une chronique au 98,5 FM, fait une offre d’achat sur une maison du boulevard Montcalm, toujours à Candiac. Le domicile appartient à Denis Bélisle, qui travaille aussi dans le domaine des médias. L’offre de 430 000 $ est acceptée et le vendeur a 16 jours pour libérer sa maison, selon les termes de la promesse d’achat.
Incapable de trouver du financement, Claude Poirier demande alors un report de la vente. « De promesse en promesse, de délai en délai, finalement, M. Poirier a requis de reporter à 2011 le transfert de propriété “pour des raisons d’ordre fiscal”, selon ses dires », lit-on dans le dossier de cour consulté par La Presse.
Neuf mois après la promesse d’achat, las d’attendre et incapable de parler à Claude Poirier, Denis Bélisle remet finalement son domicile en vente. Par la suite, M. Bélisle intente une poursuite de 85 000 $ contre Claude Poirier et son entreprise Gestion de la filière inc., pour « troubles, ennuis et inconvénients », dommages et préjudices, perte de valeur de sa maison et différents frais engagés.
ABSENT DU TRIBUNAL
Or, le chroniqueur judiciaire ne se présente pas au tribunal pour se défendre. Il ne mandate même pas d’avocat pour le représenter. Le tribunal le condamne à payer intégralement les 85 000 $.
Ce n’est qu’une fois condamné qu’il invoque son implication dans l’enquête policière sur la mort de Diane Grégoire – mère de famille disparue à l’hiver 2008 dont le corps a été retrouvé près de quatre ans plus tard – pour expliquer son absence au tribunal. Le juge a cependant balayé ses arguments d’un revers de main (voir autre texte).
L’avocat de M. Poirier, Me Antony Leclerc, dit aujourd’hui que son client a négligé sa cause. Il a eu des nouvelles de Claude Poirier une semaine avant le procès.
« On a mangé une volée royale parce qu’il n’était pas prêt, il n’avait pas de témoin, je n’ai pas pu le préparer. C’est un peu comme s’il croyait qu’il était Dieu. Il voulait jouer la carte de la personnalité connue. »
— Me Antony Leclerc, avocat de Claude Poirier
L’ENGRENAGE DES SAISIES
Peu après avoir été débouté en cour, Claude Poirier disparaît des ondes pour des raisons de santé – il a eu cinq pontages en plus d’être opéré pour une grave hernie.
L’engrenage des saisies s’engage inexorablement. En février et mars 2014, des brefs sont émis, autorisant la saisie d’une partie de son salaire chez Cogeco diffusion, qui exploite le 98,5 FM, ainsi que chez Groupe TVA, propriétaire de LCN.
« Nous n’avons pas été hyper agressifs dans nos démarches pour faire honorer le jugement, affirme l’avocat de Denis Bélisle, Me Michel Jeanniot. Mon client sympathise avec la situation précaire de M. Poirier. »
À ce jour, Denis Bélisle n’a pas touché la moindre somme qui lui est due par Claude Poirier. « Il a réussi, avec beaucoup de succès, à épuiser tous les recours qui étaient possibles pour repousser la cause. Il a mandaté trois ou quatre procureurs, qui ont tous fait des demandes de délai pour faire échec à nos démarches », affirme Me Jeanniot. Avec les intérêts et les frais cumulés depuis 2011, les 85 000 $ dus à son client atteignent aujourd’hui plus de 135 000 $.
AVOCAT IMPAYÉ
Claude Poirier a aussi des problèmes avec l’avocat qui l’a défendu, Me Antony Leclerc. Ce dernier a intenté il y a un an une poursuite de près de 10 000 $ contre son ancien client, pour défaut de paiement de ses honoraires. Il a gagné sa cause et dit s’apprêter à mandater, au cours des prochains jours, un huissier pour une nouvelle vague de saisies contre le chroniqueur judiciaire.
Parallèlement, des problèmes avec le fisc, qui semblent remonter à 2010, accentuent la descente aux enfers de Claude Poirier. L’Agence du revenu du Canada lui réclame aujourd’hui plus de 27 000 $ pour impôts impayés, Revenu Québec près de 47 000 $. Selon des sources, M. Poirier aurait négligé, à l’âge de 71 ans, de transférer ses REER dans un Fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), une opération obligatoire à cet âge. Son omission aurait exposé des sommes considérables à l’impôt du jour au lendemain.
Ses droits d’auteur sur les revenus futurs d’un livre à son sujet sont aussi saisis en novembre dernier chez Librex, une filiale de Québecor dont les bureaux sont au siège social du conglomérat. Deux commissions scolaires réclament des taxes non remboursées. Et son VUS de luxe est aussi saisi à l’été.
Claude Poirier est même contraint par la Régie du logement de payer 1280 $ à un entrepreneur de Belœil pour un logement de quatre pièces qu’il a loué 640 $ par mois en 2013, mais qu’il n’a pas été en mesure de payer.
DISPARITION
Jusqu’à ce jour, Claude Poirier n’a déposé aucune demande au Bureau du surintendant des faillites du Canada. Difficile d’expliquer comment celui qui a été considéré comme le « roi des ondes » du Québec en 2012 par la firme Influence Communication – avec en moyenne 7 heures et 40 minutes d’exposition médiatique par semaine – a pu se retrouver dans de telles difficultés financières. Son salaire, selon plusieurs sources, était de quelques centaines de milliers de dollars par année.
Peu avant Noël, alors que la vente sous contrôle judiciaire de sa maison venait d’être autorisée par les tribunaux, Claude Poirier a mystérieusement disparu pendant quelques jours. Devant l’absence de nouvelles, même à sa conjointe, un avis de disparition a failli être lancé par la police du Roussillon, indiquent des sources.
Claude Poirier est finalement réapparu peu avant que l’avis de recherche ne soit lancé.
Depuis peu, il a repris le micro occasionnellement à Radio 9, où il fait des chroniques judiciaires et parle de hockey. Il prépare également une série télé de 20 épisodes intitulée Claude Poirier : secrets judiciaires, dont la diffusion est prévue pour l’automne 2015 au nouveau canal Investigation.
— Avec la collaboration de Daniel Renaud, La Presse