Tout lire >>Pluton, comme on ne l’a jamais vue
Enfin ! Après neuf ans de voyage, la sonde américaine New Horizons devait survoler, à 12 500 km de distance, la planète naine Pluton, mardi 14 juillet. Quand l’engin a été lancé, en 2006, cet astre découvert en 1930 par l’Américain Clyde Tombaugh était encore considéré comme une planète. Mais quelques mois plus tard, les Etats-Unis devaient se rendre à l’évidence : la trajectoire et la nature étrange de Pluton ne permettaient plus de plaider pour le maintien de son statut au sein du club fermé des planètes du système solaire, dont aucune in fine n’aura eu pour découvreur un Américain.
Qu’importe cette frustration patriotique, avec New Horizons, la NASA ouvre un ultime chapitre de l’exploration de notre système solaire, en se portant au-delà de Neptune, dans la ceinture de Kuiper où gravitent des milliers d’astres rocheux et glacés, dont Pluton, actuellement distant de 4,7 milliards de kilomètres de la Terre, est un représentant majeur.
« Avec sa beauté étrange, Pluton ne nous déçoit pas ! », lançait Alan Stern (université de Boulder), le responsable scientifique de New Horizons, lundi 13 juillet, lors d’une ultime conférence de presse donnée depuis l’université Johns-Hopkins, dont le laboratoire de physique appliquée accueille le centre de commande de la mission. Lors des dernières 48 heures d’approche, alors que l’astre grossissait de minutes en minutes dans ses viseurs, la sonde enregistrait des données inédites. « Nous avons détecté de l’azote s’échappant de l’atmosphère, à des niveaux plus élevés que ce que prédisaient les modèles », a indiqué Alan Stern, qui s’est aussi félicité d’avoir confirmation d’une hypothèse ancienne : le pôle visible de l’astre « est bien gelé, couvert de glaces de méthane et d’azote ».
Impossibilité de freiner la sonde
Mais sans doute plus intrigant encore, l’équipe de New Horizons est parvenue à déterminer avec une plus grande précision le rayon de Pluton : avec 1 185 km (à 10 km près), la planète naine est plus grande que prévue ! Elle coiffe même au poteau un autre objet transneptunien, Eris, en lice pour le titre de plus grand d’entre eux. Si sa taille était mal connue, c’est parce que son atmosphère dense engendre des phénomènes semblables aux mirages terrestres, qui trompent les télescopes. Une planète naine plus grande, pour une masse identique, qui elle était bien connue, cela signifie qu’elle est moins dense. De quoi spéculer sur sa composition. Alan Stern a cependant mis en garde contre des interprétations trop hâtives des données qui seront envoyées au compte-gouttes par la sonde : « Nous avons vu avec Voyager que certains commentaires faits à la volée étaient finalement erronés ».
Pour les équipes mobilisées depuis plus de quinze ans sur la mission, « après cette route interminable », ces dernières 24 heures apparaissaient comme « irréelles », a aussi témoigné Alan Stern, qui n’en est pourtant pas à sa première émotion cosmique, puisqu’il est aussi responsable d’un instrument sur Rosetta. C’est que New Horizons, contrairement à la sonde européenne qui a pu se mettre en orbite autour de la comète « Tchouri », ne fait qu’un passage éclair près de Pluton et ses pseudo-lunes. Car les lois de la mécanique céleste sont implacables. Pour aller aussi loin en un temps raisonnable, les ingénieurs n’ont pas eu le choix : il a fallu propulser la sonde de 500 kg à une vitesse inégalée (presque 60 000 km/h), lors de son lancement, à l’aide de la plus puissante fusée américaine alors disponible, en sachant qu’il serait impossible de freiner arrivé près du but. Il aurait fallu pour cela emporter des tonnes de carburant.
New Horizons et ses sept instruments devront donc concentrer toutes leurs capacités d’observation dans les quelques heures que durera le survol. Pendant le moment crucial, les chercheurs n’auront de toute façon aucune prise sur le déroulement des opérations : à cette distance, il faut 4 h 30 pour faire parvenir une instruction à l’engin, et deux fois plus pour savoir s’il l’a bien reçue, et plus encore s’il l’a bien exécutée.
Chorégraphie millimétrée
image: http://s2.lemde.fr/image/2015/07/13/534 ... 3b61e1.png" onclick="window.open(this.href);return false;
La sonde américaine New Horizons devrait frôler Pluton, mardi 14 juillet, après neuf ans et demi de voyage vers des confins encore inexplorés de notre système solaire. Ici : vue prise par la sonde le 11 juillet.
« Cette mission était un défi », confiait son responsable Glen Foutain (université Johns-Hopkins) : il fallait maintenir une sonde grande comme un piano à queue opérationnelle au moment crucial, après neuf ans et demi de voyage. Mais surtout, naviguer au plus près de l’objectif. « C’est comme rentrer une balle de golfe en un coup dans un trou à Los Angeles avec un swing effectué à New York », a-t-il expliqué. New Horizons doit suivre une trajectoire qui la fera passer dans un « trou de serrure » de 150 km par 100 km de côté. S’il l’avait manqué, il ne pourrait pas pu passer pile dans l’ombre de Pluton pour observer son atmosphère dans les rayons du Soleil. Il raterait un rendez-vous identique avec Charon.
« On a si bien calculé cette trajectoire que je n’y crois pas moi-même », a plaisanté Glen Fountain. Il est vrai que Pluton fait le tour du Soleil en 248 ans, et que depuis sa découverte, il ne s’est écoulé qu’un peu plus d’une saison d’une année plutonienne. C’est bien court pour déterminer avec précision sa distance au Soleil. Mais la détection précoce par la sonde de Nix, l’un des satellites de Pluton, a aussi permis d’affiner les ultimes paramètres de navigation, pour se concentrer sur les observations.
Pour décrire celles-ci, Cathy Olkin (université de Boulder), qui a planifié la rencontre, évoque une « danse » : les capteurs de New Horizons sont fixes, il faut donc que la sonde effectue une chorégraphie millimétrée pour se tourner au bon moment vers chaque objectif : Pluton, Charon, mais aussi les quatre autres petits satellites Nix, Styx, Kerberos et Hydra. Au plus près de Pluton, sa meilleure caméra aura la capacité de voir des détails « correspondant à des arbres dans Central Park », a indiqué la chercheuse. « On verra le Soleil se lever, puis se coucher, sur Pluton puis Charon, pour étudier l’atmosphère du premier et savoir si le second en a une, puis on verra un croissant de Pluton éclairé par le Soleil, pour tenter d’y observer des nuages. »
Le futur est impératif : après la rencontre du 14 juillet, quelques images seront adressées par New Horizons à ses concepteurs, mais il continuera à se concentrer quelques jours sur les observations. Ensuite viendra le temps de la transmission des données récoltées. La sonde ne bénéficie pas du haut-débit : il faudra seize mois pour que toute sa moisson scientifique rejoigne la Terre.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/cosmos/article/20 ... UImGiot.99" onclick="window.open(this.href);return false;
Ou suivre ce lien : http://www.lemonde.fr/cosmos/article/20 ... uton-comme" onclick="window.open(this.href);return false;Enfin ! Après neuf ans de voyage, la sonde américaine New Horizons devait survoler, à 12 500 km de distance, la planète naine Pluton, mardi 14 juillet. Quand l’engin a été lancé, en 2006, cet astre découvert en 1930 par l’Américain Clyde Tombaugh était encore considéré comme une planète. Mais quelques mois plus tard, les Etats-Unis devaient se rendre à l’évidence : la trajectoire et la nature étrange de Pluton ne permettaient plus de plaider pour le maintien de son statut au sein du club fermé des planètes du système solaire, dont aucune in fine n’aura eu pour découvreur un Américain.
Qu’importe cette frustration patriotique, avec New Horizons, la NASA ouvre un ultime chapitre de l’exploration de notre système solaire, en se portant au-delà de Neptune, dans la ceinture de Kuiper où gravitent des milliers d’astres rocheux et glacés, dont Pluton, actuellement distant de 4,7 milliards de kilomètres de la Terre, est un représentant majeur.
« Avec sa beauté étrange, Pluton ne nous déçoit pas ! », lançait Alan Stern (université de Boulder), le responsable scientifique de New Horizons, lundi 13 juillet, lors d’une ultime conférence de presse donnée depuis l’université Johns-Hopkins, dont le laboratoire de physique appliquée accueille le centre de commande de la mission. Lors des dernières 48 heures d’approche, alors que l’astre grossissait de minutes en minutes dans ses viseurs, la sonde enregistrait des données inédites. « Nous avons détecté de l’azote s’échappant de l’atmosphère, à des niveaux plus élevés que ce que prédisaient les modèles », a indiqué Alan Stern, qui s’est aussi félicité d’avoir confirmation d’une hypothèse ancienne : le pôle visible de l’astre « est bien gelé, couvert de glaces de méthane et d’azote ».
Impossibilité de freiner la sonde
Mais sans doute plus intrigant encore, l’équipe de New Horizons est parvenue à déterminer avec une plus grande précision le rayon de Pluton : avec 1 185 km (à 10 km près), la planète naine est plus grande que prévue ! Elle coiffe même au poteau un autre objet transneptunien, Eris, en lice pour le titre de plus grand d’entre eux. Si sa taille était mal connue, c’est parce que son atmosphère dense engendre des phénomènes semblables aux mirages terrestres, qui trompent les télescopes. Une planète naine plus grande, pour une masse identique, qui elle était bien connue, cela signifie qu’elle est moins dense. De quoi spéculer sur sa composition. Alan Stern a cependant mis en garde contre des interprétations trop hâtives des données qui seront envoyées au compte-gouttes par la sonde : « Nous avons vu avec Voyager que certains commentaires faits à la volée étaient finalement erronés ».
Pour les équipes mobilisées depuis plus de quinze ans sur la mission, « après cette route interminable », ces dernières 24 heures apparaissaient comme « irréelles », a aussi témoigné Alan Stern, qui n’en est pourtant pas à sa première émotion cosmique, puisqu’il est aussi responsable d’un instrument sur Rosetta. C’est que New Horizons, contrairement à la sonde européenne qui a pu se mettre en orbite autour de la comète « Tchouri », ne fait qu’un passage éclair près de Pluton et ses pseudo-lunes. Car les lois de la mécanique céleste sont implacables. Pour aller aussi loin en un temps raisonnable, les ingénieurs n’ont pas eu le choix : il a fallu propulser la sonde de 500 kg à une vitesse inégalée (presque 60 000 km/h), lors de son lancement, à l’aide de la plus puissante fusée américaine alors disponible, en sachant qu’il serait impossible de freiner arrivé près du but. Il aurait fallu pour cela emporter des tonnes de carburant.
New Horizons et ses sept instruments devront donc concentrer toutes leurs capacités d’observation dans les quelques heures que durera le survol. Pendant le moment crucial, les chercheurs n’auront de toute façon aucune prise sur le déroulement des opérations : à cette distance, il faut 4 h 30 pour faire parvenir une instruction à l’engin, et deux fois plus pour savoir s’il l’a bien reçue, et plus encore s’il l’a bien exécutée.
Chorégraphie millimétrée
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La sonde américaine New Horizons devrait frôler Pluton, mardi 14 juillet, après neuf ans et demi de voyage vers des confins encore inexplorés de notre système solaire. Ici : vue prise par la sonde le 11 juillet.
« Cette mission était un défi », confiait son responsable Glen Foutain (université Johns-Hopkins) : il fallait maintenir une sonde grande comme un piano à queue opérationnelle au moment crucial, après neuf ans et demi de voyage. Mais surtout, naviguer au plus près de l’objectif. « C’est comme rentrer une balle de golfe en un coup dans un trou à Los Angeles avec un swing effectué à New York », a-t-il expliqué. New Horizons doit suivre une trajectoire qui la fera passer dans un « trou de serrure » de 150 km par 100 km de côté. S’il l’avait manqué, il ne pourrait pas pu passer pile dans l’ombre de Pluton pour observer son atmosphère dans les rayons du Soleil. Il raterait un rendez-vous identique avec Charon.
« On a si bien calculé cette trajectoire que je n’y crois pas moi-même », a plaisanté Glen Fountain. Il est vrai que Pluton fait le tour du Soleil en 248 ans, et que depuis sa découverte, il ne s’est écoulé qu’un peu plus d’une saison d’une année plutonienne. C’est bien court pour déterminer avec précision sa distance au Soleil. Mais la détection précoce par la sonde de Nix, l’un des satellites de Pluton, a aussi permis d’affiner les ultimes paramètres de navigation, pour se concentrer sur les observations.
Pour décrire celles-ci, Cathy Olkin (université de Boulder), qui a planifié la rencontre, évoque une « danse » : les capteurs de New Horizons sont fixes, il faut donc que la sonde effectue une chorégraphie millimétrée pour se tourner au bon moment vers chaque objectif : Pluton, Charon, mais aussi les quatre autres petits satellites Nix, Styx, Kerberos et Hydra. Au plus près de Pluton, sa meilleure caméra aura la capacité de voir des détails « correspondant à des arbres dans Central Park », a indiqué la chercheuse. « On verra le Soleil se lever, puis se coucher, sur Pluton puis Charon, pour étudier l’atmosphère du premier et savoir si le second en a une, puis on verra un croissant de Pluton éclairé par le Soleil, pour tenter d’y observer des nuages. »
Le futur est impératif : après la rencontre du 14 juillet, quelques images seront adressées par New Horizons à ses concepteurs, mais il continuera à se concentrer quelques jours sur les observations. Ensuite viendra le temps de la transmission des données récoltées. La sonde ne bénéficie pas du haut-débit : il faudra seize mois pour que toute sa moisson scientifique rejoigne la Terre.
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