Baisse de la qualité du sperme
Problème : On a indiqué que la concentration des spermatozoïdes produits par les hommes serait en baisse un peu partout dans le monde, et on soupçonne les substances chimiques environnementales d'être une des causes de ce déclin.
Contexte général : En 1992, une équipe de chercheurs danois a publié un rapport de synthèse de l'ensemble des articles scientifiques parus entre 1950 et 1992 et contenant des données sur la qualité du sperme. Ils ont constaté qu'il y a eu au cours de cette période une réduction de la concentration des spermatozoïdes contenus dans chaque éjaculat ainsi qu'une baisse du nombre d'éjaculats. Cette étude a suscité énormément d'attention et de critiques de la part de la communauté scientifique, mais elle n'en a pas moins conduit à une série d'études réalisées un peu partout dans le monde sur l'évolution de la qualité du sperme chez les humains.
Tendances : L'équipe de chercheurs danois a fait état d'une baisse de la qualité du sperme d'environ 2 % par année au cours des 50 dernières années. Des tendances similaires ont été signalées au Royaume-Uni, à Paris et ailleurs.
Cohérence des données : Une nouvelle analyse des données du rapport danois en a confirmé les conclusions originales. Toutefois, au cours des dernières années, de nombreux articles scientifiques ont fait état de résultats variables. Certains auteurs ont constaté une baisse de la qualité du sperme avec le temps, alors que d'autres n'ont relevé aucun changement ou ont même observé une augmentation de cette qualité. Certaines de ces études ont laissé constater l'existence de variations régionales dans la qualité du sperme. Par exemple, le sperme des hommes vivant dans le bassin hydrographique de la Tamise est de qualité inférieure à celui des hommes qui vivent à l'extérieur de cette région. Des différences régionales ont également été observées au Canada et aux États-Unis. Il convient de noter que dans certaines régions, la qualité du sperme s'écarte largement de celle observée dans d'autres régions géographiques pourtant comparables sur le plan de la contamination environnementale. L'absence de lien entre la numération des spermatozoïdes et la fécondité vient encore compliquer l'analyse des effets de la contamination environnementale sur la qualité du sperme. Par exemple, le temps nécessaire aux couples pour obtenir une grossesse ne semble pas avoir augmenté dans les régions où on avait signalé une baisse de la qualité du sperme.
Preuves expérimentales : Des études réalisées sur des rongeurs ont montré que diverses substances chimiques industrielles sont capables d'influer sur la qualité du sperme.
Plausibilité biologique : On a démontré que l'exposition à diverses substances chimiques peut entraîner une baisse de la qualité du sperme chez les hommes soumis à des concentrations élevées de ces substances sur leurs lieux de travail. Par exemple, l'exposition au pesticide Képone (chlordécon) et au nématocide dibromochloropropane (DBCP) entraîne une baisse du nombre de spermatozoïdes et même, dans certains cas, leur disparition complète. Dans le cas du DBCP, on a déterminé que l'effet de réduction de la concentration des spermatozoïdes était dû à la destruction, par le contaminant, des cellules germinales qui en sont les précurseurs. Ces données démontrent que l'exposition aux contaminants peu réduire la qualité du sperme et qu'elle peut avoir un effet nocif sur une cible endocrine, mais on n'a pas encore réussi à élucider le mécanisme endocrine responsable du phénomène. Les rapports faisant état d'une baisse de la qualité du sperme n'ont pas mesuré l'exposition, et il est donc difficile de déduire de ces études que les résultats énoncés sont liés d'une manière ou d'une autre à la présence de contaminants chimiques. De plus, s'il reste possible que des substances chimiques environnementales entraînent des changements de la qualité du sperme, les mécanismes de cet effet ne sont toujours pas élucidés.
Les expériences réalisées sur des animaux ont montré que certaines substances chimiques comme le méthoxychlore et les PCB réduisent la numération des spermatozoïdes dans l'épididyme et la concentration quotidienne de spermatozoïdes chez les animaux testés. Toutefois, on n'a pas ici non plus élucidé les mécanismes de l'effet observé. Deux articles donnent à ce propos un aperçu de la plausibilité biologique d'un mécanisme endocrine qu'il conviendrait maintenant de tester.
Outre les contaminants environnementaux, de nombreux autres facteurs influent sur la qualité du sperme. Par exemple, on a déjà fait état de l'existence d'un rapport entre la qualité du sperme d'une part, et la consommation de médicaments prescrits, le tabagisme, l'âge, la chaleur et l'exposition à des solvants d'autre part.
Conclusion : Le poids de la preuve donne à conclure que les substances chimiques anthropiques peuvent induire des changements de la qualité du sperme humain. Toutefois, l'existence d'un tel effet n'a pas encore été démontrée dans la population générale, et l'intervention d'un quelconque mécanisme endocrine reste toujours à prouver.