Joseph Lannin, de Lac-Beauport, fut le premier patron de Babe Ruth dans le baseball majeur. Mais des problèmes cardiaques l'ont poussé à vendre le Bambino et ses Red Sox aux plus offrants, qui n'ont eu d'autres choix que de refiler leur joueur étoile aux Yankees pour renflouer leurs coffres. Les malheurs des Bostoniens ne faisaient que commencer...
Deux mille cinq cents dollars. Presque quatre fois le salaire moyen annuel d'un travailleur américain. L'homme de la rue qui touchait cette somme, en 1914, pouvait se considérer aussi chanceux qu'un gagnant à la loterie. Imaginez alors le sourire d'un adolescent orphelin à qui l'on allait donner autant d'argent... pour jouer au baseball!
George Herman Ruth avait peu d'éducation, mais il savait compter. Assez, du moins, pour savoir qu'il ne pouvait refuser les 2500$ qu'on lui offrait pour aller lancer et frapper des balles avec les Red Sox de Boston et leur club-école de Providence. Cet enfant de la rue, doté d'un talent exceptionnel et d'un charisme fou, était encore en probation à l'école industrielle St.Mary's de Baltimore lorsque Joseph Lannin, le propriétaire des Red Sox, lui demanda de signer son nom à côté du sien sur son premier contrat des ligues majeures.
Au terme d'une première saison phénoménale à Providence, Ruth fut rappelé à Boston et vit son salaire passer à 3500$. En acceptant l'offre de Joseph Lannin, Ruth confia se sentir "comme un aristocrate". Et c'est exactement ce que souhaitait Lannin: un Babe Ruth heureux et satisfait qui allait permettre à ses Red Sox de devenir une super-puissance du baseball majeur.
Les deux hommes étaient faits pour se rencontrer et se comprendre. Lannin, comme Ruth venait d'un milieu modeste. Né à Lac-Beauport, au Québec, le 23 avril 1866, il perdit ses parents en bas âge et se retrouva orphelin à 14 ans. Devant travailler pour subvenir à ses besoins, il est confronté à un marché de l'emploi difficile.
Comme des centaines de milliers d'autres Québécois des années 1880, Joseph Lannin choisit donc de traverser la frontière et d'aller chercher du travail là où il y en avait, dans les usines de textile de la Nouvelle-Angleterre. Il s'installe à Boston et se fait embaucher comme commis à l'hôtel Old Adams House pour 3$ par semaine. Comme Babe Ruth, Joseph Lannin a peu d'éducation, mais il sait compter. Et contrairement à Ruth, il sait aussi comment épargner.
Jeune adulte curieux, le Québécois se lie d'amitié avec les patrons de l'hôtel et apprend les rouages du marché de l'immobilier. Il investit ses économies, fait rapidement des profits et en seulement 20 ans, son empire d'hôtels, d'appartements et de terrains de golf en font l'un des hommes les plus riches de la capitale du Massachusetts.
Amateur de baseball
Ayant plus d'argent qu'il n'en a besoin pour vivre, Joseph Lannin décide d'assouvir une de ses passions et devient actionnaire de clubs de baseball. D'abord des Braves de Boston et des Grays de Providence, puis des Red Sox, qu'il achète pour 200,000$ en 1914.
Tout ce que Lannin touche semble se transformer en or, dans l'immobilier comme au baseball. En 1914, ses Grays de Providence et Babe Ruth remportent le titre de la Ligue internationale. L'année suivante, Ruth s'amène à Boston avec son contrat de 3500$ en poche et obtient un poste dans la rotation.
L'investissement de Lannin rapporte gros: la recrue de 20 ans présente une fiche de 18-8 et maintient une moyenne de .315, la deuxième meilleure du club après celle du légendaire Tris Speaker. En octobre, les Red Sox gagnent la Série mondiale. Le nouveau club-école de Lannin, les Bisons de Buffalo, gagne quant à lui les honneurs dans la Ligne internationale.
En 1916, les Red Sox terminent la saison régulière au premier rang avec une fiche de 91-63 et ce, malgré la vente de Tris Speaker aux Indians de Cleveland. Le vide est comblé par Babe Ruth qui, à 21 ans, s'impose en tant que meilleur joueur de la Ligue américaine. Au monticule, il conserve une moyenne de 1.75, plus d'un point sous la moyenne du circuit. En Série mondiale, le Bambino livre un des meilleurs duels de lanceurs de l'histoire et reste 14 manches au monticule dans un gain de 2-1 contre les Dodgers de Brooklyn. Lannin et Ruth remportent un deuxième titre en autant de saisons et deux légendes sont nées à Fenway Park.
L'euphorie de Lannin, par contre, ne durera que quelques jours. En brouille avec le commissaire Ban Johnson et aux prises avec des problèmes cardiaques, il se résout à mettre son club en vente. "Je suis trop partisan pour être propriétaire", se justifiera-t-il. Le 1er novembre 1916, à 18h, Lannin cède les Red Sox à Harry Frazee, Hugh Ward et G.M. Anderson pour 675,000$... et encaisse un profit de 475,000$ sur trois ans.!
Ce transfert de propriété s'avérera désastreux pour la franchise. Les fans des Red Sox bien informés vous diront même que ce sera la deuxième pire transaction de l'histoire du club... après la vente de Babe Ruth aux Yankees par Harry Frazee, en décembre 1919.
La dette de Frazee
Frazee, un homme d'affaires new-yorkais, s'était endetté jusqu'au cou pour acheter les Red Sox et selon différentes sources, ses dettes envers Lannin auraient excédé plusieurs centaines de milliers de dollars. De plus, Lannin était resté propriétaire du Fenway Park, que Frazee devait louer, et les deux hommes se sont retrouvés devant les tribunaux pour régler un différend de 30,000$.
Malgré une conquête de la Série mondiale en 1918, une année profitable aux guichets en 1919 et des spectacles musicaux qui connaissaient un certain succès à Broadway, Frazee dépensa des sommes folles en frais d'avocats pour résoudre ses problèmes avec Lannin et le Commissaire Ban Johnson, qui tentait de lui retirer la propriété des Red Sox. Au pied du mur, il accepta les 100,000$ des Yankees pour les services de Babe Ruth. Dans les premiers mois de 1920, Frazee refila sept autres joueurs aux Yankees, ce qui inspirera au Boston Herald une sévère manchette: "Le viol des Red Sox".
Joseph Lannin aura vécu huit autres années sans voir ses Red Sox chéris remporter une autre Série mondiale. En fait, 85 ans après le départ de Babe Ruth, les fans des Red Sox n'ont jamais célébré une conquête de la Série mondiale alors que ceux des Yankees, eux, ont vu les leurs défiler 26 fois dans les rues de New York.
Et encore en fin de semaine, dans la Red Sox Nation, on se demande ce qui se serait passé si Joseph Lannin, de Lac-Beauport, était resté le patron du Bambino.....
J'ai recopié un article de La Presse du samedi 16 octobre, paru sous la plume de Alexandre Pratt. --Message edité par nicki le 2004-10-16 16:17:13--
La Malédiction du Bambino
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Il faut qu'il y ait une fin à cette malédiction. Souhaitons que ce soit cette année....
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