L'amour autrement = Nouvelle parution

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tuberale
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L'amour autrement



Katia Chapoutier



collaboration spéciale, La Presse





Elles sont peintres, il est sculpteur. Ils vivent à trois, ils s'aiment à trois depuis presque un quart de siècle, une expérience de vie hors du commun qu'ils ont décidé de raconter dans leur livre À trois, un laboratoire sentimental. Un récit... à trois voix!

Sur la couverture, ils sont là tous les trois. Elles pourraient être soeurs ou cousines. Mêmes yeux verts, même rouge à lèvres, même regard confiant et assuré. Elles sont, en fait, un peu plus que cela... Elles sont amoureuses et aimées du même homme. Polygamie? Bigamie? Ni l'un ni l'autre, mais bien l'histoire d'un triangle isocèle. Ils s'aiment à trois, ils s'aiment tous les trois et ce, depuis plus de 20 ans maintenant. Loin des histoires grivoises ou des fantasmes de pluralité, c'est bel et bien d'une histoire d'amour et d'une histoire de couple dont il s'agit.

Partir à leur rencontre est déroutant, presque inquiétant. Et puis, une fois chez eux, leur simplicité et leur chaleur humaine prennent toute la place. On découvre une maison-atelier agréable. Un rayon de soleil caresse la table familiale. La gêne imaginée n'est pas au rendez-vous. L'une vous offre un café, l'autre des petits gâteaux, et le troisième s'assure de votre bien-être. Mais qui sont-ils?


Ils sont trois artistes qui ont découvert un système de vie à part. Au-delà du face à face du couple traditionnel, ils ont choisi un système proche de la république. Une sorte de couple traditionnel avec un troisième oeil conciliant, arbitre, réparateur. Un troisième oeil assumé à tour de rôle.


Trouver son choix de vie


«Nous défendons le fait que chacun doit trouver son choix de vie, il n'est pas question de faire de prosélytisme. Cela nous convient à nous, ce n'est bien sûr pas une vie pour tout le monde», explique Jean-François Briant.

Élevé par sa mère et sa grand-mère, il était le candidat idéal pour ce type d'histoire d'amour. «Avoir une double référence féminine est évidemment quelque chose que j'ai vécu dans mon enfance. Quand Catherine a proposé de trouver quelqu'un de la gent féminine qui nous accompagne dans la vie, même si au départ j'étais choqué, j'ai pu l'accepter plus facilement.»

En effet, ils sont en couple depuis deux ans lorsque sa compagne Catherine Stoessel lui avoue son penchant pour le sexe féminin. Après réflexion, elle lui propose cette aventure improbable de vivre à trois. Suit alors la quête de la troisième personne. Quelques mois plus tard, ils rencontrent Mireille Crétinon. Elle s'avère méfiante, voire réfractaire, puis, peu à peu, se trouve séduite par le couple pour finalement les aimer tous les deux. Différemment, bien sûr, mais tout autant.

«Ce qui était aussi intéressant dans cette histoire, c'est que nous venons tous les trois d'horizons sociaux très différents», souligne Jean-François. Différents certes, mais avec une passion commune: l'art. «Il est vrai que nous n'aurions pas pu vivre la même histoire, si on travaillait huit heures par jour, car notre choix de vie nécessite une disponibilité certaine», précise Catherine.

Si au départ, leur entourage se montre discret, c'est surtout parce qu'ils pensent à une lubie passagère. Et puis les années s'écoulent. Mireille a envie d'un enfant. Elle réussit à convaincre Catherine. Quelque temps après, ce sont deux garçons quasi gémellaires qui voient le jour.


Et l'amour dans tout cela?


«Au départ, cette histoire s'impose à nous, on est de jeunes étudiants, on réfléchit à comment aller plus loin dans notre couple, car on voit très vite qu'il faut quitter ce face à face qui peut tout neutraliser et créer un statu quo. À deux, on ne va pas arriver à dépasser le chacun pour soi. C'est là qu'on a l'idée de rajouter un troisième amour, explique Jean-François. C'est théorique et relié à l'expérience. Donc, ma définition de l'amour pour moi est plus proche des sentiments de l'amour, je me sens plus féminin à ce niveau. Et puis s'ajoute à cela notre notion d'artiste. Un artiste n'a pas l'envie de posséder l'autre. Il est indépendant et cherche un autre indépendant.»

«Et puis quand on est artiste, on a énormément besoin d'être aimé à la base. Et ce besoin d'être aimé par le plus grand nombre de gens possible engendre une grande exigence au niveau de l'amour. Quand j'ai rencontré Jean-François, j'avais cet amour masculin qui m'a bouleversé, rapidement je me suis demandé pourquoi je n'aurais pas droit également à un amour féminin. L'amour avec une femme est différent, plus énigmatique et sentimental», précise Catherine.

«L'amour, pour moi, est une exaltation des sentiments, et dans la vie on ne peut pas vivre sans amour. Cela peut être plusieurs personnes qui suscitent cette exaltation. Mais si dans notre cas, on a limité à un homme et une femme, c'est que l'on ne peut pas non plus donner à un nombre infini. On est donc obligé de structurer», ajoute Mireille.


Et la jalousie...


Quant à la jalousie, elle est bien sûr présente, mais pas forcément là où on l'on pourrait le croire. En effet, si chacun a su trouver sa place relativement rapidement, c'est dans la reconnaissance professionnelle que la jalousie s'est immiscée plus facilement. «Certaines jalousies ont pu se manifester quand on avait des collectionneurs en commun, cela devenait alors très complexe. Au départ, nous avions des ateliers collectifs et c'était très dur à vivre, car quelqu'un venait pour votre travail et jetait un coup d'oeil aux autres, et là nous avions du mal à gérer. Quand on a eu chacun notre atelier, cela a beaucoup simplifié les choses», se souvient Jean-François.

Il a quand même fallu du temps pour accepter que des créations plaisent plus à certains qu'à d'autres. «Aujourd'hui, nous envisageons de faire un livre dans lequel nos 25 ans d'oeuvres seraient mis en parallèle. Afin de voir les interférences entre nos vies. Par exemple, les naissances des enfants ont provoqué certains portraits des uns et des autres», raconte Jean-François.

Les deux fils, grands adolescents, passent dire bonjour, à la fin de l'entrevue. Ouverts, décontractés, ils sont ravis que leurs parents aient décidé de raconter leur histoire. «Au moins, ils n'auront plus à se justifier», dit Mireille en souriant.

Il est midi, le soleil est à son zénith. La petite famille va prendre la route pour rejoindre leur maison en Normandie. Une vie de famille assez classique en somme...
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