Publié le 14 juillet 2010 à 05h00 | Mis à jour le 14 juillet 2010 à 08h42
Procréation assistée gratuite: un choix irréfléchi
Brigitte Breton
Le Soleil
(Québec) C'est un choix strictement politique que fait le gouvernement Charest en rendant gratuits les traitements de procréation assistée. Ce n'est nullement un choix «logique et rationnel» comme le prétend son ministre de la Santé et des Services sociaux, Yves Bolduc.
Si les libéraux étaient logiques et rationnels, ils auraient suivi l'avis de la Commission de l'éthique de la science et de la technologie, du Collège des médecins et de la Fédération du Québec pour le planning des naissances. Avant de mettre en place un programme gratuit, alors que le système de santé peine déjà à remplir ses missions de base, ils auraient également pris en considération les réserves de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, qui regroupe les gynécologues, les obstétriciens et les pédiatres.
Bien que reconnaissant la légitimité du désir d'enfant et la douleur des couples infertiles, la Commission de l'éthique de la science et de la technologie a indiqué dans un avis au ministre qu'il n'existe pas de «droit à l'enfant» et que le gouvernement n'a pas à accéder aux demandes de tous les couples qui veulent un bébé.
Le président du Collège des médecins, Yves Lamontagne, a déjà soutenu que Québec prend une décision politique qui ne répond pas aux besoins réels. La Fédération du Québec pour le planning des naissances a aussi critiqué les priorités d'un gouvernement qui impose des mesures régressives à l'ensemble de la population, mais qui se permet néanmoins d'allouer plus de 60 millions $ par année à des technologies dont le taux de succès est d'environ 30 %.
La sortie mardi des médecins spécialistes n'a rien pour rassurer sur la logique et la rationalité de la décision gouvernementale. Les gynécologues et les obstétriciens s'inquiètent du manque de ressources qui peut mettre en danger la sécurité des femmes. Les pédiatres se montrent de leur côté moins optimistes que le ministre Bolduc sur la réduction des grossesses multiples plus risquées pour la santé des mères et des enfants.
L'ancien ministre de la Santé Philippe Couillard s'était opposé à introduire la gratuité des traitements de procréation assistée. Manifestement, Yves Bolduc n'a pas pu résister aux demandes de l'Association des couples infertiles du Québec et de l'animatrice Julie Snyder qui profitaient de l'appui des adéquistes et des péquistes.
C'est vrai qu'il peut paraître odieux de refuser un traitement à une femme éprouvée par son incapacité à enfanter. Il ne faut cependant pas perdre de vue que la maternité et la paternité sont accessibles par le biais de l'adoption. C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé la Commission de l'éthique de la science et de la technologie au ministre de la Santé. Par souci d'équité, le gouvernement va-t-il assumer les frais d'adoption aux parents infertiles qui font ce choix?
Le Québec éprouve déjà des difficultés à limiter la progression des dépenses en santé et en services sociaux. Pour ne pas que ce poste budgétaire gruge une part encore plus grande des fonds publics, le gouvernement Charest a introduit au début du mois une contribution santé qui devra rapporter 945 millions $ par année à partir de 2012. Il jongle aussi avec l'idée d'imposer une franchise santé (un ticket modérateur) pour orienter la consommation des services et dénicher 500 millions $ supplémentaires, lisait-on dans le dernier budget Bachand.
Il est loin d'être logique et rationnel qu'un gouvernement demande à la population de payer plus pour les soins de santé et l'incite à ne pas en abuser, alors que son ministre remplit le panier de services en faisant fi des avis des organismes-conseils, des spécialistes qui identifient des besoins beaucoup plus pressants et des malades qui se butent à des listes d'attente.
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