Publié le 07 novembre 2010 à 15h16 | Mis à jour le 07 novembre 2010 à 15h16
De mal en pis dans les urgences
Jocelyne Richer
La Presse Canadienne
Québec
Depuis l'élection du gouvernement libéral en 2003, la médecine de corridor n'a cessé de prendre de l'ampleur au Québec. Et la situation continue d'empirer dans les hôpitaux déjà reconnus pour afficher les pires performances du réseau, selon les données les plus récentes compilées par La Presse Canadienne.
Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a entrepris en février 2009, une tournée des 11 hôpitaux où les malades fracassaient des records de durée de séjour dans le corridor. Il voulait identifier les causes et implanter des solutions.
Pourtant, près de deux ans plus tard, en septembre 2010, on constate que, sauf exceptions, cela va plutôt de mal en pis, selon les chiffres obtenus du ministère de la Santé, en vertu de la Loi d'accès à l'information.
Trois indicateurs ont été retenus pour mesurer la progression survenue entre février 2009 et septembre 2010: le nombre de patients sur civière, la durée moyenne du séjour passé dans le corridor et le nombre total de séjours sur civière de plus de 48 heures.
Ainsi, malgré l'intervention du ministre Bolduc, on constate que les 11 hôpitaux visés dépassent encore, et de beaucoup, la moyenne nationale de 17,6 heures de séjour sur civière.
La moyenne des 11 se situe à 24,4 heures, et c'est l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, à Montréal, qui remporte la palme, alors que la durée moyenne de séjour sur une civière y dépasse de près du double (32,3 heures) la moyenne nationale.
Quant au nombre total de malades qui en sont réduits à se faire soigner dans un des corridors de ces établissements, il a lui aussi augmenté, passant de 13 531 à 13 893, en hausse de près de 3%.
Et ce séjour dans le corridor peut parfois être plus long que prévu. Celui de 2103 malades, qui ont cherché des soins dans le «club des 11» en septembre dernier, a duré plus de deux nuits.
En fait, du total des hôpitaux jugés problématiques en février 2009, cinq affichent près de deux ans plus tard un nombre accru de séjours de plus de 48 heures, quatre fonctionnent avec une durée moyenne de séjour encore plus longue qu'avant et sept comptent un plus grand nombre de patients sur civière dans le corridor.
Médecins préoccupés
La situation préoccupe au plus haut point les médecins qui composent avec cette réalité jour après jour. L'Association des médecins d'urgence juge l'état des lieux «déplorable».
«On est inquiet de la situation. On voit qu'il y a beaucoup d'efforts de faits, beaucoup de visites (du ministre). Il y a des problématiques très ponctuelles qui sont adressées, mais la problématique dans son ensemble n'est que peu adressée et c'est ce qui nous inquiète», a commenté en entrevue la présidente de l'association, le Dr Geneviève Bécotte, après avoir pris connaissance des données.
Et quand Québec intervient pour désamorcer une crise, «on ne touche que la pointe de l'iceberg», déplore le Dr Bécotte, qui dit n'observer aucune amélioration dans les salles d'urgence.
Pourtant, en 2005, le ministère de la Santé s'était engagé à éliminer les séjours de plus de 48 heures d'ici 2010. En 2003, les libéraux de Jean Charest s'étaient même engagés à éliminer toute forme d'attente en santé.
La semaine dernière, en Chambre, pressé de questions de l'opposition, le ministre de la Santé a tenté de minimiser le problème. «Quand un patient est à l'urgence, il demeure quand même dans un contexte sécuritaire, parce qu'il y a des spécialistes autour et il y a de l'urgence autour», a-t-il dit.
Du «club des 11», trois hôpitaux de la grande région de Montréal, déjà reconnus pour être les champions toutes catégories de la médecine de corridor, ont atteint de nouveaux sommets: l'Hôpital de Saint-Eustache, le Centre hospitalier régional de Lanaudière et l'Hôpital Pierre-Le-Gardeur, dans Lanaudière.
Par exemple, à l'Hôpital de Saint-Eustache, le nombre de séjours sur civière en salle d'urgence durant plus de 48 heures a presque triplé, passant de 89 à 257.
Toujours à Saint-Eustache, le nombre moyen d'heures passées sur une civière de l'urgence a fait un bond de plus de six heures, passant de 19 heures à 25,5 heures. Pendant ce temps, le nombre de patients sur civière est passé de 1272 à 1304.
Deux hôpitaux de Lanaudière (le Centre hospitalier régional et Pierre-Le-Gardeur) ont eux aussi, vu les choses se dégrader, quant au nombre de patients sur civière, à la durée moyenne de séjour et au nombre de séjours de plus de 48 heures.
Saint-François-D'Assise
Outre ceux déjà mentionnés, les autres hôpitaux étiquetés comme étant les moins performants sont, à Montréal, l'Hôpital Santa Cabrini et l'Hôpital Notre-Dame, l'Hôpital de Hull et l'Hôpital de Gatineau, en Outaouais, le Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, l'Hôpital Saint-François-D'Assise à Québec et le Centre hospitalier de Granby.
Ces deux derniers hôpitaux sont les seuls à présenter une meilleure performance qu'en 2009.
Mais encore là, la partie est encore loin d'être gagnée. À Saint-François-D'Assise, la durée moyenne du séjour sur civière est passée de 25 à 21 heures (soit trois heures de plus que la moyenne nationale), le nombre de séjours de plus de 48 heures a chuté de 186 à 111 et le nombre de patients sur civière de 1316 à 1253.
À Granby, le nombre de «plus de 48 heures» est passé de 199 à 59 et le nombre moyen d'heures de séjour de 29 à 20 heures.
À Trois-Rivières, le nombre de patients sur civière a augmenté (de 1780 à 1835), mais on note une légère amélioration quant à la moyenne d'heures (de 22,5 à 19,7) et au nombre de «plus de 48 heures» (de 225 à 132).
Dans l'Outaouais, la quantité de séjours de plus de deux nuits a fait un bond à la fois à l'Hôpital de Hull (de 77 à 129) et à celui de Gatineau (de 113 à 134).
À l'échelle du Québec, le nombre de malades obligés de passer plus de deux nuits sur une civière augmente d'année en année, passant de 41 601, en 2004, à plus de 50 000 en 2009.
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