Ottawa songe à des sièges de plus pour le Québec
Stephen Harper a entendu la mise en garde du gouvernement Charest sur le danger d'un déséquilibre pouvant profiter aux souverainistes
Hélène Buzzetti 26 mai 2011 Canada
Ottawa — Le nouveau gouvernement conservateur jongle avec l'idée d'accorder un ou deux sièges de plus au Québec à la Chambre des communes, selon ce qu'a appris Le Devoir. Les troupes de Stephen Harper espèrent ainsi rendre plus acceptable dans la province l'octroi d'une trentaine de sièges ailleurs au pays et, surtout, ne pas alimenter la rhétorique souverainiste.
Le gouvernement conservateur a tenté à deux reprises de faire adopter au Parlement un projet de loi augmentant le nombre de députés fédéraux en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique. Chaque fois, la législation a fait l'objet d'un barrage de l'opposition et du gouvernement de Jean Charest, qui n'accepte pas de voir le poids relatif du Québec réduit à la Chambre des communes. Avec leur toute nouvelle majorité, les conservateurs devraient revenir à la charge sous peu.
Selon des informations circulant dans l'appareil fédéral, les conservateurs considèrent la possibilité de donner aussi au Québec quelques sièges supplémentaires, et même peut-être de réduire le total accordé dans le reste du pays, de manière à ce que le Québec maintienne à 23 % son poids relatif. On pense à un ou deux sièges, selon le total de sièges ajoutés. Une autre source prévient qu'il s'agira «d'ajustements mineurs». Pas question d'accorder huit sièges comme le réclamait le Bloc québécois, par exemple.
Dans sa première mouture (2007), le projet de loi conservateur créait 22 sièges de plus: 10 en Ontario, 7 en Colombie-Britannique et 5 en Alberta. Québec en aurait conservé 75 sur un nouveau total de 330, ou 22,7 %. À l'heure actuelle, il détient 24,4 % des sièges, pour une population représentant 23 % du total canadien. Devant les critiques de l'Ontario, Ottawa était revenu à la charge en 2010 en proposant plutôt d'ajouter 30 sièges, dont 18 à l'Ontario. Le Québec aurait vu son poids relatif à la Chambre des communes passer à 22,2 %.
Le Parti libéral de Michael Ignatieff se disait ouvert à deux ou trois sièges de plus, tandis que le NPD proposait de maintenir le poids relatif du Québec sans s'engager sur un moyen précis pour y parvenir.
L'élection d'un gouvernement majoritaire à Ottawa a changé la donne politique. Stephen Harper a maintenant les coudées franches pour faire adopter certaines des réformes lui tenant à coeur, que ce soit la nouvelle répartition des circonscriptions fédérales, l'abolition du registre des armes à feu ou encore la réforme du Sénat. Mais à Québec, on craint que certaines positions conservatrices ne soient utilisées par les troupes péquistes de Pauline Marois pour favoriser son élection, puis la tenue d'un référendum sur la souveraineté du Québec.
«Si elle remporte l'élection, elle va trouver des éléments de crise, créer une crise et aller en référendum. C'est ce qu'elle va faire; alors, M. Harper devra, lui, être conscient que, pour le Canada, il a intérêt à conserver un gouvernement fédéraliste à Québec», explique une source à Québec. Des élections provinciales au Québec auront lieu au plus tard à l'automne 2013, soit pendant le mandat majoritaire de Stephen Harper.
Dans cette optique, les troupes de Jean Charest considèrent l'élection fédérale du 2 mai dernier comme l'occasion d'une «remise à niveau» des relations entre les deux gouvernements. «On a eu nos différends dans le passé, mais l'élection peut servir de remise à niveau et, maintenant, regardons vers l'avenir car, que tout le monde se tape dessus pour se taper dessus, ça n'aide personne.»
D'ailleurs, on reconnaît que le ton du gouvernement à Québec à l'endroit d'Ottawa s'est adouci. Jean Charest n'a pas martelé une «liste d'épicerie» pendant la campagne électorale fédérale et, quand il a présenté ses quelques enjeux principaux, il l'a fait «avec un positionnement qui était plus fédéraliste que d'habitude», reconnaît-on à Québec. C'était voulu. «Mme Marois radicalise son option, alors le choix sera très clair la prochaine fois. On est fédéralistes, nous.»
Au lendemain de l'élection du 2 mai, Stephen Harper s'était réjoui de l'appui massif des Québécois à des formations politiques fédéralistes. «Notre façon de gérer la fédération a grandement aidé à ce changement au bénéfice du pays», avait-il déclaré. Son ex-ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, avait tenu un discours fort différent la semaine suivante. La souveraineté «reste une option, avait-il dit. On doit rester conscients de cela dans chaque décision que l'on prendra dans le futur.»
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