Publié le 01 septembre 2011 à 05h30
Pour la meilleure enquête qui soit
Pierre Jury
Le Droit
Elle a du bon, l'idée de créer une « Unité des crimes majeurs » au sein de la Sûreté du Québec, dont la mission serait d'assumer la responsabilité de toutes les principales enquêtes. Dans un tel scénario, ce serait cette escouade spéciale qui tenterait d'élucider le meurtre de la collégienne Valérie Leblanc, dont le service funèbre a été célébré, hier, à Gatineau.
L'idée d'une telle équipe d'élite spécialisée dans les enquêtes de meurtres et autres crimes majeurs a été évoquée par le sénateur Pierre-Hughes Boisvenu, plus tôt cette semaine.
Le nouveau sénateur, nommé par le gouvernement conservateur de Stephen Harper, a épousé plusieurs causes controversées au fil du temps : il croit que les statistiques démontrant une baisse de la criminalité au Canada sont « manipulées », a milité pour l'imposition de peines minimales plus longues et la fin des libérations conditionnelles « automatiques » au sixième de la peine.
LeDroit n'a pas toujours partagé l'avis de ce militant pour les droits des victimes. Mais dans le cas présent, son argument a du sens et le gouvernement de Jean Charest, au Québec, ferait oeuvre utile en en examinant la faisabilité.
La complexité des enquêtes de meurtres, pour ne choisir que cet exemple, semble démontrer avec justesse qu'elles devraient échoir à des professionnels chevronnés qui ont une vaste expérience de ces tristes événements. Rien ne vaut donc comme une équipe de spécialistes qui ont un large bagage d'enquêtes similaires dans leur passé. Entre 50 et 60 meurtres surviennent au Québec à chaque année : une escouade spécialisée qui profiterait d'un tel volume de cas développerait des réflexes mieux aiguisés qu'une équipe locale d'enquêteurs qui n'ont qu'un ou deux cas à se mettre sous la dent à chaque année.
Ceci n'est pas un désaveu des forces policières municipales. Ceci n'entache pas le dévouement des enquêteurs, leur formation, leur talent, leur expertise. Simple question mathématique : plus on fait d'enquêtes similaires, meilleur on devient. Cela vaut pour les médecins spécialistes qui développent des techniques poussées, cela vaut pour des développeurs de jeux vidéo qui font de l'animation 3D, cela vaut pour les pilotes d'avions ou de grues.
La proposition du sénateur Boisvenu a été mal reçue.
Le chef du Service de police de Gatineau, Mario Harel, a réitéré, lors d'une rare sortie publique, mardi, son « entière confiance » en ses enquêteurs qui ne ménageaient aucun effort pour résoudre l'énigme derrière le meurtre crapuleux de Valérie Leblanc. Son ton a dû être apprécié de ses troupiers avec lesquels il était en rogne pour des raisons de relations de travail, il n'y a pas si longtemps.
Deux syndicats de policiers ont aussi vivement réagi à cette suggestion. Dans leur cas, il faut s'interroger s'ils avaient le bien commun à coeur, ou surtout celui de leurs membres ?
La proposition du sénateur Boisvenu se résume finalement à inverser les pratiques en cours. Aujourd'hui, les corps policiers locaux sont en charge de toutes les enquêtes sur des événements survenus sur leur territoire. Pour des expertises spécialisées, ils n'hésitent pas à faire appel à d'autres forces : Sûreté du Québec, Gendarmerie royale, etc. À l'avenir, ce pourrait être la SQ qui tient les guides, les autres organisations venant en appui. Et à ce chapitre, il ne faut pas sous-estimer la connaissance poussée du territoire, de l'histoire et de la population locales qu'ont les polices municipales. Elles n'ont pas à craindre d'être évincées : elles joueraient encore des rôles-clés, mais pas au premier plan.
En bout de ligne, l'intérêt dans tout cela ne doit pas être la protection des chasses gardées, mais la protection du public. M. Boisvenu rappelle que 40 % des meurtres au Québec ne sont pas résolus. Voilà la réalité pour laquelle il faut se demander si les pratiques actuelles de résolutions de crimes sont les meilleures. Et envisager toute modification qui pourrait les rendre plus efficaces.
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