Commission d'examen des troubles mentaux
Au tour de Turcotte de témoigner
Éric Thibault | Le Journal de Montréal
12 janvier 2012
La Commission d'examen des troubles mentaux reprendra ses travaux aujourd'hui afin de déterminer si Guy Turcotte peut ou non quitter l'Institut Pinel.
L'ex-cardiologue de Saint-Jérôme aura alors l'occasion de présenter ses arguments pour recouvrer sa liberté. Il devrait se faire entendre, en plus de compter sur les témoignages favorables de membres de sa famille et du psychiatre Louis Morrissette.
Le 5 juillet, sa responsabilité criminelle a été écartée pour les meurtres de ses enfants Olivier, 5 ans, et Anne-Sophie, 3 ans, poignardés à 46 reprises. Le jury a conclu que son jugement était altéré par ses troubles mentaux, ses idées suicidaires et son intoxication au méthanol, en février 2009.
En novembre, le psychiatre Pierre Rochette et le psychologue Guy Desjardins, chargés d'évaluer la dangerosité et l'état mental de Turcotte à cet hôpital psychiatrique, ont suggéré à la CETM son maintien en détention. Ils ont déclaré que Turcotte recevait des «lettres et photos d'admiratrice», qu'il songeait à ravoir des enfants et qu'il n'avait entrepris aucune thérapie pour expliquer ses gestes «d'une extrême violence».
Une seule libération
Sur 15 patients internés à l'Institut Pinel après avoir été jugés non responsables de meurtre pour cause de troubles mentaux, un seul a pu obtenir sa libération en 2011.
C'est ce que révèle l'ensemble des décisions rendues cette année par la Commission d'examen des troubles mentaux et que le Journal de Montréal a consultées.
En février dernier, le tribunal administratif a permis à un anglophone de 63 ans de retourner vivre dans la société après avoir passé les 39 dernières années enfermé dans cet hôpital psychiatrique de Montréal.
Le sexagénaire en question, dont l'identité n'a pas été précisée par la Commission, est également l'auteur du seul meurtre à y avoir été commis depuis une quarantaine d'années.
Le crime -dont il a été acquitté «pour cause d'aliénation mentale», selon le terme juridique de l'époque -remonte au 18 février 1973. Il avait étranglé un autre patient qui était entré dans sa chambre pour lui voler des cigarettes.
Alors âgé de 24 ans, l'agresseur séjournait déjà à l'Institut Pinel depuis un an parce qu'il était atteint de schizophrénie paranoïde chronique. Cinq ans plus tard, il récidivait en étranglant un autre patient, qui a toutefois survécu.
L'homme bénéficiait de permissions de sorties temporaires dans un centre d'hébergement spécialisé depuis un an, au moment où la Commission a autorisé sa remise en liberté totale.
«Son état clinique est demeuré stable tout au long de l'année. Aucun épisode agressif n'a été observé. Le risque de violence est faible», a fait valoir son psychiatre traitant aux commissaires Danielle Allard, Ginette Grégoire et Jean Audet.
Les commissaires ont toutefois noté que le sexagénaire «demeure sous l'emprise d'un délire d'influence» dont les effets sont contrôlés par la médication. L'homme se dit toujours hanté par «un fantôme».
Un cas singulier
Détenu depuis 19 ans, John Curphey n'a pas eu la même veine. Son cas est sans doute l'un des plus singuliers traités par la justice québécoise.
Le 18 novembre 1985, à l'âge de 25 ans, il poignardait sa mère avec des ciseaux alors qu'il était en proie à des «hallucinations auditives qui lui ordonnaient de la tuer», à Sherbrooke.
Le tribunal l'avait confié à l'Institut Pinel en raison d'un diagnostic de schizophrénie paranoïde.
En 1990, il était libéré pour aller vivre dans un foyer supervisé. Le 12 août 1992, au cours d'une permission de visite chez sa grand-mère, il poussait celle-ci en bas d'un balcon. La dame est décédée huit jours plus tard.
Curphey a de nouveau été acquitté pour cause d'aliénation mentale, cette fois d'une accusation d'homicide involontaire. Il avait négligé de prendre ses médicaments et son geste était attribuable à une crise psychotique, a relaté la Commission.
Le 29 septembre dernier, les commissaires Dominique Audet, Louis Roy et Joseph Anglade ont ordonné son maintien en détention à l'Institut Pinel, estimant qu'il représentait toujours «un risque important pour la sécurité du public en raison de son état mental».
La Commission a aussi réévalué, en 2011, les cas de neuf individus déclarés non responsables de meurtre et qu'on avait déjà libérés de l'Institut Pinel au cours des années précédentes. Un seul d'entre eux, dont l'état mental s'était détérioré, a été ramené en détention.
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