Accusations criminelles contre Tony Tomassi
Le député indépendant Tony Tomassi devra faire face à trois accusations criminelles le 14 novembre, au palais de justice de Québec, pour avoir utilisé une carte de crédit fournie par la compagnie de sécurité BCIA et son propriétaire, Luigi Coretti, afin de payer des factures d'essence.
Tony Tomassi a reçu une sommation à comparaître au cours de la journée de mardi, selon la dénonciation qui était disponible au greffe du palais de justice de Québec.
Le ministère public reproche à M. Tomassi d'avoir obtenu, alors qu'il était député pour le Parti libéral, un avantage, une récompense ou un bénéfice de quelque nature de la part de Luigi Coretti et de l'entreprise BCIA, alors que ceux-ci avaient un lien d'affaires avec le gouvernement du Québec. Les députés ne peuvent pas avoir recours à de tels avantages, surtout que le gouvernement leur verse des allocations pour l'utilisation d'une automobile.
On accuse aussi l'ex-ministre d'avoir tenté d'exercer de l'influence auprès du gouvernement, après avoir reçu ce bénéfice de BCIA. Le député est également inculpé d'abus de confiance. Les faits reprochés se seraient déroulés entre le 1er juillet 2006 et mai 2010.
Au cours des dernières années, BCIA avait obtenu plusieurs contrats auprès de l'État, dont un de 1,6 million $ pour des services de sécurité et de gardiennage de personnes incarcérées dans les prisons de Montréal. La même agence avait pu profiter d'un financement de 4 millions $ du Fonds d'intervention économique régional (FIER), qui est administré par Investissement Québec. Cette société d'État avait aussi offert une garantie de prêt de 1,4 million $ à BCIA, garantie de prêt qui aurait été obtenue à l'aide d'états financiers falsifiés. BCIA a depuis déclaré faillite.
En mai 2010, le premier ministre Jean Charest avait congédié Tony Tomassi de son poste de ministre de la Famille et l'avait exclu du caucus libéral, après que ses liens étroits avec BCIA eurent été rendus publics. Celui-ci avait alors admis au premier ministre avoir utilisé une carte de crédit de BCIA pour payer des factures d'essence. M. Tomassi occupe depuis un poste de député indépendant à l'Assemblée nationale. Il représente la circonscription de LaFontaine.
En mai 2010, M. Charest avait alors affirmé que toute cette histoire de carte de crédit fournie par BCIA était des faits «troublants et inacceptables». Ces informations avaient alors été transmises à la Sûreté du Québec.
C'est une enquête menée par l'Unité permanente anticorruption (UPAC) qui a permis le dépôt des accusations contre Tony Tomassi mardi. C'est un procureur de la Couronne du district de Québec, Me Steve Magnan, qui est chargé du dossier. L'accusé devra aller faire prendre ses empreintes digitales le 2 novembre, au poste de la Sûreté du Québec (SQ) de Montréal. Le 14 novembre, M. Tomassi ne sera pas tenu d'être présent au palais de justice de Québec et pourra être représenté par son avocat.
Rebondissements
L'hiver et le printemps 2010 ont été fertiles en rebondissements pour l'ex-ministre Tomassi. L'opposition à l'Assemblée nationale lui avait notamment reproché d'avoir favorisé des gens qui avaient financé le Parti libéral, afin de leur permettre d'ouvrir des centres de la petite enfance financés par le gouvernement.
Le 6 mai 2010, La Presse révélait les liens étroits entre Tony Tomassi et l'agence de sécurité BCIA. Des cadres avaient alors confié à La Presse avoir été utilisés par le propriétaire de l'agence, Luigi Coretti, pour faire des dons au Parti libéral. Au Québec, les entreprises ne peuvent pas financer les partis politiques et ne peuvent pas passer par des prête-noms pour le faire. En juin dernier, le Directeur général des élections avait indiqué que son enquête avait déterminé que Luigi Coretti n'avait pas contribué illégalement à la caisse du Parti libéral.
C'est le jour même des révélations faites par La Presse que Tony Tomassi avait avoué au premier ministre avoir utilisé une carte de crédit de l'agence BCIA. À la même époque, des allégations avaient aussi surgi dans le monde politique selon lesquelles le bureau de l'ex-ministre de la Sécurité publique Jacques Dupuis serait intervenu auprès de la SQ, afin que Luigi Coretti puisse obtenir une autorisation de port d'arme temporaire.
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Amir Khadir pourrait demander la destitution de Tony Tomassi
Si Tony Tomassi ne démissionne pas rapidement de son poste de député, Amir Khadir enclenchera des démarches pouvant conduire à sa destitution. «Il pourra compter sur nous», a déclaré au Soleil, mardi soir, l'élu de Québec solidaire.
M. Khadir affirme que le député de LaFontaine aurait dû quitter son poste dès qu'il a été expulsé du caucus libéral, en mai 2010. Il note qu'il n'a jamais nié avoir utilisé une carte de crédit payée par la firme de sécurité BCIA et son propriétaire, Luigi Coretti.
Il soutient que Tony Tomassi n'a plus le choix de démissionner, maintenant que des accusations criminelles ont été déposées contre lui.
La «dignité» exige qu'il abandonne son siège de député, clame le solidaire.
Si Tony Tomassi refuse de bouger, M. Khadir présentera une requête de destitution à l'Assemblée nationale, une procédure jamais utilisée jusqu'ici.
L'article 82 de la Loi sur l'Assemblée nationale stipule qu'un «député peut porter devant l'Assemblée une plainte reprochant à un autre député d'occuper ou d'avoir occupé des fonctions incompatibles ou d'être ou d'avoir été dans une situation de conflit d'intérêts».
L'article 61 stipule en outre qu'un «député doit éviter de se placer dans une situation où son intérêt personnel peut influer sur l'exercice de ses fonctions».
Si Amir Khadir devait aller de l'avant, il appartiendrait ensuite à une commission de l'Assemblée nationale d'examiner la plainte et de faire rapport.
Son siège de député deviendrait vacant dès lors que la commission constaterait une «incompatibilité de fonctions».
Amir Khadir estime que les accusations portées contre M. Tomassi éclaboussent tout le Parti libéral du Québec. Elles le placent au «banc des accusés», dit-il.
Il martèle que l'ancien ministre de la Famille aurait favorisé l'octroi de permis de garderie à des contributeurs de la caisse électorale libérale.
Il n'était qu'un «bon soldat», accuse le cochef de Québec solidaire. Jean Charest l'a protégé jusqu'à la dernière minute, ajoute-t-il.
Quelle légitimité?
Au Parti québécois, Stéphane Bergeron trouve étonnant qu'il ait fallu près de 18 mois d'enquête pour en arriver au dépôt d'accusations. «Ça me semble long», confie l'élu de Verchères.
Lui aussi remet en question la «légitimité» de Tony Tomassi. Il estime qu'il a désormais une «décision à prendre» et qu'il doit songer à ses électeurs.
Le péquiste Bergeron s'attend à ce que le gouvernement de Jean Charest soutienne que ces accusations fournissent la preuve que les enquêtes policières produisent des résultats tangibles.
Il insiste : ni lui ni son parti ne sont opposés aux enquêtes policières. Ils pensent cependant qu'elles sont insuffisantes pour démonter un système.
Voilà pourquoi, enchaîne-t-il, une commission d'enquête publique demeurera nécessaire en dépit des arrestations à venir et des accusations qui pourraient éventuellement être portées contre d'autres personnes.
Au passage, M. Bergeron se demande ce que valent réellement les «enquêtes de sécurité» menées avant qu'un élu n'accède à un poste ministériel. Dans le cas de M. Tomassi, «cette enquête s'est avérée pour le moins déficiente».
L'Action démocratique du Québec réagira mercredi aux accusations déposées contre Tony Tomassi.
Au ministère de la Sécurité publique, on indique que l'Unité permanente anticorruption possède toute la marge de manoeuvre requise pour enquêter sur qui elle veut.
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