Biche Pensive a écrit : [...]
Je suis d'accord. Et je rajouterais qu'on nous fait souvent passer certains travails comme des jobs martyrs demandant plus de considération que d'autres emplois de même niveau, hautement plus stressant, mais absent de la place publique.
Personnellement, les professeurs que je connais sont loin d'être à plaindre. Je les trouve même déconnectés de la réalité des "autres" travailleurs... Des "c'est pas facile, je dois quitter vers 15h00....", j'ai les poils qui m'hérissent sur les bras. 15h00! Le travailleur moyen ne part pas avant 17h00, lui.
Ceci étant, tous les professeurs ne rentrent probablement pas dans la même catégorie que celle de mes connaissances. J'ai seulement un malaise lorsque qqun suggère d'augmenter leur salaire à 100 000$..... ce qui serait beaucoup plus que le salaire d'autres emplois, à mon avis plus exigeants.
Je suis très en retard dans la discussion, mais je tenais à te faire part de mon expérience personnelle.
Plusieurs le savent ici, j'ai été enseignante au primaire pendant 5 ans avant d'effectuer une réorientation de carrière.
Bien que ma compétence en tant qu'enseignante n'était pas en jeu car je me donnais à 100% à mon travail, je n'étais pas heureuse.
Je vivais un niveau de stress incroyable et ce, à tous les jours. Il n'y a pas un matin où je n'allais pas travailler sans une boule dans l'estomac.
Le travail d'un enseignant se veut un travail de gestion sur multiples niveaux: la planification de la matière selon le programme d'éducation, selon le cheminement différent des élèves et tout en respectant le délai prescrit par les étapes, l'évaluation des élèves, les bulletins, la gestion de groupe et disciplinaire, les plans d'intervention des élèves en difficulté, les interventions avec les différents spécialistes de l'écoles, les relations avec les parents et j'en passe.
Être un enseignant, c'est être un gestionnaire dans sa classe. Il faut développer un grand sens de l'adaptation car on a beau essayer de planifier le plus possible une activité, un projet, une semaine, une étape, ça se passe rarement comme on le voudrait.
Personnellement, je suis une personne trop stressée de nature pour pouvoir endosser ce rôle. Il y avait beaucoup trop de choses à gérer tout à la fois pour que je puisse me sentir confortable dans ce que je faisais.
Plusieurs me disaient de me laisser du temps, mais même après 5 ans, j'avais le même niveau de stress, matin après matin.
Alors je fais partie des statistiques qui disent qu'un jeune enseignant sur cinq abandonne à l'intérieur des cinq premières années. Les statistiques disent également qu'un prof sur cinq fait un burn out durant sa carrière.
Je considère, au contraire de ton point de vue, que le travail d'enseignant est hyper exigeant.
Les enseignants ont de nombreuses responsabilités sur les épaules. Ce n'est pas rien quand on y pense... Ce sont les enseignants qui éduquent les futurs adultes et citoyens de notre société. Pas d'enseignants = pas de médecins, pas d'avocats, pas d'ingénieurs, pas de techniciens, pas d'ouvriers... Rares sont les emplois qui ne demandent pas de savoir lire, écrire et calculer.
On s'entend qu'un enseignant ne gagne pas 70 000$ en début de carrière. Si je ne me trompe pas, ça prend 16 ans pour atteindre ce plafond salarial.
Même si un jour le salaire devient 100 000$, je ne pense pas que j'y retournerais.
Je préfère et de loin, mon salaire actuel de technicienne de la Fonction publique québécoise car maintenant, lorsque je termine de travailler, je rentre chez-moi sans planification, sans corrections à faire. Je ne fais plus d'insomnie parce que je pense à un ou des élèves qui ont des difficultés auxquelles je manque de ressource. Je ne reçois plus de lettres de parents qui contestent mes interventions. Je ne reste plus au boulot pour des heures qui ne me seront jamais payées.
Ça me fait tout le temps sursauter la croyance populaire qu'un enseignant termine tout le temps de travailler à 15h... C'est IMPOSSIBLE de faire tout ce qu'on a à faire avec le temps prévu dans notre tâche. C'est d'ailleurs une grande bataille des syndicats des enseignants. Notre vraie tâche n'est pas reconnue. C'est bien beau la réforme et les projets à ne plus finir, mais ça demande énormément de temps pour la planification et trop souvent, les profs le font à la maison, les soirs et les fins de semaine et ça, ce n'est pas payé. Perso, je connais une seule prof qui terminait tous les soirs à 15h. Cette prof était en fin de carrière et faisait zéro planif ou presque. Elle ne faisait que du cahier d'exercices et faisait la correction avec ses élèves en classe. Zéro projet. Elle utilisait le même matériel année après année au lieu de se renouveler.
Mais bon, des profs comme ça, c'est rare heureusement.
C'était d'ailleurs la raison principale pour laquelle j'ai voulu quitter l'enseignement suite à ma première grossesse. Je ne voyais pas comment je pouvais m'investir autant, tout en ayant une qualité de vie familiale...
Lorsque j'arrivais d'enseigner, j'étais vidée, brûlée, morte. Mon mari faisait le souper et je m'écrasais comme une larve sur le divan. Les fins de semaine, je devais toujours faire de grosses siestes pour récupérer.
Je ne me voyais pas avoir une famille à m'occuper à mon retour à la maison.
Non, le travail d'enseignant n'est pas fait pour tout le monde. Il est exigeant, très exigeant. Faut vraiment l'essayer pour le réaliser.
Quand j'ai commencé mes études, la rectrice nous avait dit que c'était une vocation, au même titre que d'entrer chez les soeurs et j'ai rapidement compris ce qu'elle voulait dire. Quand tu es enseignant, tu n'as pas le choix de te donner à 100%.
Désolée pour le roman, c'est un sujet encore très sensible chez-moi...