Procès de Guy Turcotte – Divergence d'opinion sur les effets du lave-glace
Nouvelles générales - Justice
Écrit par David Santerre
Vendredi, 20 mai 2011 13:51
Mise à jour le Vendredi, 20 mai 2011 14:27
SAINT-JÉRÔME – Même s’il altère les facultés moins intensément que l’alcool ordinaire, l’alcool méthylique (méthanol) peut provoquer de l’amnésie et des problèmes de conscience plus rapidement que ce qu’a affirmé la toxicologue appelée par la couronne, a indiqué un pharmacologue entendu aujourd’hui au procès de Guy Turcotte.
Le Dr Louis Léonard, pharmacologue spécialiste des drogues et autres substances intoxicantes pouvant modifier le comportement, a été appelé à la barre des témoins par les avocats de Guy Turcotte pour étaler ses connaissances en matière d’intoxication au méthanol.
Ce produit est un puissant solvant qui compose le lave-glace ingurgité par le cardiologue dans la soirée au cours de laquelle il a tué ses enfants, Olivier et Anne-Sophie, le 20 février 2009.
La défense de Turcotte reposant sur son état mental au moment du crime, son niveau d’intoxication au méthanol prend donc une grande importance dans la décision qu’aura à prendre le jury de quatre hommes et sept femmes chargés de juger le père de famille.
La couronne avait fait témoigner la toxicologue du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale Anne-Marie Faucher, qui avait indiqué qu’une intoxication au lave-glace causait des effets similaires à l’alcool éthylique (ou éthanol) qui se trouve dans la bière ou le vin, mais d’une intensité bien moindre.
Elle avait aussi indiqué que suivant l’intoxication, une longue période de latence sans symptômes allant de six à 30 heures menait à la transformation dans l’organisme du méthanol en acide formique, substance hautement toxique pouvant mener à l’amnésie, la cécité et même la mort.
Beaucoup plus vite, ou beaucoup plus long
Le Dr Léonard a précisé que si cette donnée était généralement véridique, elle n’était pas exacte dans tous les cas et que la période de latence pouvait, selon les maigres statistiques d’intoxication au méthanol chez l’humain, durer aussi peut qu’une heure et autant que 72 heures.
Ainsi, après une heure de latence selon lui, il n’est pas impossible que l’intoxiqué développe des troubles de conscience et de l’amnésie et autres troubles digestifs et métaboliques.
Il a aussi affirmé que les symptômes d’ivresse semblables à ceux de l’alcool ordinaire survenant dans les instants suivants l’ingestion du méthanol sont d’une intensité allant du tiers à la demie de ceux observables chez quelqu’un qui « prend un coup ».
La rapidité de la consommation et la quantité a évidemment un impact. Dans le cas de Turcotte, il présentait selon la toxicologue Faucher un taux de 310 milligrammes pour 100 millilitres de sang, ce qui était une dose mortelle selon elle. Dans la maison de Piedmont où les meurtres ont été commis, un bidon de quatre litres de lave-glace a été trouvé presque vide.
Son premier cas du genre
Comme Anne-Marie Faucher, le Dr Léonard a indiqué que l’échantillonnage d’intoxiqués au méthanol n’est pas énorme puisqu’aucune étude sur des volontaires humains n’a jamais été menée étant donné la toxicité extrême du produit.
« Aux États-Unis, on rapporte entre 2 000 et 2 500 cas par année de patients intoxiqués au méthanol. La majorité sont des absorptions accidentelles et les quantités ne sont pas importantes. (…) Du nombre, à peu près 4 % l’ont pris dans le but de se suicide r», précise-t-il, ajoutant que sur ces 4 %, 6 % en meurent.
« Le méthanol n’est pas le numéro gagnant comme produit pour se donner la mort. Il cause surtout beaucoup de complications physiques », a-t-il expliqué.
Lui qui dit avoir témoigné sur le rôle des substances intoxicantes dans des centaines de causes judiciaires, dit le faire pour la première fois dans un cas où le méthanol est impliqué.
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