Oublions-nous pour vaincre ensemble
Le Québec est une des sociétés les plus humainement développées qui soient. Nous nous préoccupons d’inclusion, d’égalité, de justice. Nous sommes, en raison de ces préoccupations, une nation heureuse, libre et fière. Mais aussi très centrée sur l’individu, ses droits et ses libertés. La pandémie aura éclairé cet autre versant de la réalité de son jour cru.
Vivre et laisser vivre est devenu le cri de ralliement d’une génération. Nous devrions parler moins fort. Un moment.
Le temps de constater notre rapport à l’autre plutôt qu’à nous-mêmes. Les gestes anodins que nous posions il n’y a pas si longtemps sont devenus les vecteurs d’une pandémie qui n’en finit plus de finir. Les permissions que nous nous accordons, par une causalité pas assez évidente à tous, deviennent la prison des autres.
La solution de la distance
Dans un monde idéal, nous aurions tous compris qu’une maladie qui se transmet par proximité ne trouve sa solution que par la distance. Plus étanche est cette distance, plus décisivement elle agit. Les Chinois l’ont imposée, les Néo-Zélandais et les Sud-Coréens l’ont acceptée.
Nous avons été plus modérés. Comme nous le sommes habituellement. Souvent pour le mieux. Nous avons fait confiance au jugement de chacun en suggérant plus qu’en imposant une nouvelle normalité et ses contraintes.
Beaucoup ont compris d’eux-mêmes et n’ont pas attendu une discipline imposée pour poser les bons gestes. Je les en félicite. D’autres n’ont pas persisté. Nous sommes tous fatigués. Certains autres ont cru au complot. Ils nous ont fait réfléchir.
Les plus inquiétants
Ceux qui m’inquiètent le plus sont ceux qui s’en sont fiché. Ils ont exigé les compromis au nom de leur liberté. Absolue. Intraitable. Égoïste.
Nous les avons écoutés. Nous sommes ainsi. Et en d’autres circonstances, c’est très bien. Mais pas maintenant.
Après des mois de demi-mesures conciliantes, nous en sommes à annuler des chirurgies et à envisager de trier ceux d’entre nous qui auront accès aux soins intensifs.
Nous ne voulions pas en arriver là. Mais nous y sommes. Tous.
Alors il faut porter un grand coup. Un dernier coup. Avant le vaccin, le printemps et la fin annoncée de ce cauchemar éveillé. Mais il faut le faire tous ensemble.
Cessons de dénoncer
Restons chez nous, dans nos bulles avec nos plus proches. Oublions-nous pour penser aux autres. Ceux qui attendent avec un cancer dans le corps l’annonce de la chirurgie qui les délivrera. Ceux qui voient des années d’efforts se diluer dans leurs restaurants vides. Oublions-nous un long instant pour vaincre. Ensemble.
Et cessons de décrier confinement, fermetures et couvre-feu. Nos gouvernements ont dû faire des choix difficiles pour pallier ceux que nous n’avons pas faits. Au contraire, reconnaissons que nous en sommes là et qu’eux comme nous n’avaient plus beaucoup d’options. Une société qui désire demeurer libre considère ses devoirs avant ses droits.
Le bonheur et la liberté se gagnent chèrement. S’affranchir de la misère, de la violence, de la faim et de la maladie demande un effort collectif immense. Nous l’avions oublié. Faisons le choix de sortir de cette pandémie. Plus sages. Plus conscients. Plus unis. Plus forts.
Dr Mathieu Simon MD FRCPC
Pneumologue – Intensiviste
Chef – Soins intensifs IUCPQ
Professeur agrégé de Médecine à l'Université Laval
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