Procès de Guy Turcotte –
La défense tente encore de déstabiliser le psychiatre Faucher
Nouvelles générales - Justice
Écrit par David Santerre
Vendredi, 10 juin 2011 18:17
SAINT-JÉRÔME – Après huit semaines de procès, ce qui était initialement la durée maximale prévue pour que se tienne tout le procès, délibérations et verdict inclus, la Couronne a finalement annoncé ce vendredi après-midi qu’elle en avait fini avec sa contre-preuve et qu’ainsi la partie témoignages du procès était close.
Mais Guy Turcotte devra attendre encore au moins trois semaines avant de savoir quel sort le jury, composé de sept femmes et quatre hommes, lui réservera.
Car la semaine prochaine sera consacrée à la préparation des plaidoiries qui débuteront le 20 juin par celle de Mes Guy et Pierre Poupart en défense. La Couronne suivra.
Et ce n’est que le 28 juin que le juge de la Cour supérieure présidant le procès, Marc David, ira de ses directives au jury avant de les envoyer enfin délibérer.
Ce vendredi s’est clos, après quelques heures de plus, la charge à fond de train de Me Pierre Poupart visant à discréditer le psychiatre appelé en contre-preuve par la Couronne et convaincu de la responsabilité criminelle de Guy Turcotte, le Dr Sylvain Faucher.
Pour le psy, Guy Turcotte souffrait certes d’un trouble d’adaptation avec humeur dépressive et anxieuse, comme l’ont affirmé les psys appelés par la défense, mais contrairement à ceux-ci, le Dr Faucher croit que ce n’était pas suffisant pour faire perdre la carte au père de famille à un point tel qu’il ne puisse réaliser ce qu’il faisait en poignardant à mort Anne-Sophie et Olivier.
Un échange corsé
Une conclusion que Me Poupart a tenté par tous les moyens de faire nuancer par le Dr Faucher.
Me Poupart l’a ainsi amené à expliquer qu’à la lumière de son récit, Guy Turcotte semblait avoir connu des épisodes de «dépersonnalisation» au moment du drame.
«À trois reprises dans son récit on observe ça. Les deux fois où il dit se voir tuer ses enfants dans leurs chambres, et quand il dit qu’il se voit mourir. C’est une forme de dissociation, on se sent à côté de son corps», a expliqué le psychiatre de Québec.
«Mais dans chacun des trois épisodes il revient à la réalité rapidement, par exemple quand il dit s’être rendu compte qu’il faisait mal à ses enfants et qu’il s’est mis à paniquer, ça finit là. Quand il dit se voir mort, mais pense ensuite que ses enfants vont le trouver, ça finit là aussi», a nuancé le médecin.
Me Poupart lui a ensuite lu une transcription de ses propres paroles dans un autre procès en 2006 où il agissait comme expert, et où il citait pour illustrer un propos un cas de filicide similaire au cas Turcotte.
Malade, pas profondément malade
«Il est inconcevable par exemple qu’un parent tue son enfant avant de se suicider. C’est un geste en général altruiste, le parent croit qu’il le fait pour le bien de son enfant qui vivra nécessairement comme lui une vie noire. C’est inconcevable, mais pas incompréhensible», aurait en somme déclaré le Dr Faucher dans cet autre procès.
«Quand un être humain qui aime ses enfants les tue pour leur bien, ça ne doit pas bien aller entre ses deux oreilles», lui a suggéré l’avocat.
«Peut-être a-t-il fait une erreur de jugement, mais on peut en faire sans avoir de trouble psychiatrique. Si par contre on souffre d’un trouble psychiatrique grave, le risque d’erreur ou d’absence de jugement est plus grand», a répondu le Dr Sylvain Faucher.
«Quelqu’un qui tue ses enfants est-il une personne normale?» est revenu à la charge Me Poupart.
«Je dirais plutôt non fonctionnelle», a précisé le psy.
«Est-ce qu’un homme raisonnable se tue et amène ses enfants dans la mort?» a encore questionné Me Poupart.
«Une personne moins raisonnable, proche de la déraison», a répondu le Dr Faucher.
Il y a eu une accumulation de choses que M. Turcotte portaient sur ses épaules et qui expliquent pourquoi il a agi le 20 ou le 21 (février 2009) plutôt que le 26 janvier. Il était beaucoup plus vulnérable.
«Parce que le 20, il souffrait d’un trouble d’adaptation majeur avec humeur anxieuse et dépressive», a continué le plaideur.
«J’ai de la misère avec le mot majeur», a encore esquivé le médecin.
«Il était profondément malade», a de nouveau tenté la défense.
«Il était malade», a simplement confirmé le Dr Faucher.
Celui-ci s’est ensuite fait cuisiner sur son intervention dans un autre procès où il a livré au jury un rapport psychiatrique qui dépassait l’expertise médicale mais qui se prononçait sur les faits de la cause.
Cet autre accusé avait d’ailleurs porté sa condamnation en appel et a obtenu un nouveau procès, le plus haut tribunal du Québec ayant notamment tranché que Sylvain Faucher avait «outrepassé» son rôle en interprétant la crédibilité d’un témoin de l’affaire.
«Le juge du procès ne m’avait pas rappelé à l’ordre», s’est-il défendu.
Après ce bombardement en règle, Me Claudia Carbonneau, de la Couronne, a annoncé que sa contre-preuve était close.
Ce qui donnera à ce jury émérite selon le juge une semaine de répit avant les plaidoiries.
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