Publié le 02 juin 2009 à 06h37 | Mis à jour le 02 juin 2009 à 06h37
L'autre côté de la médaille
Patrick Lagacé
La Presse
Est-ce que le clan Villanueva boude encore? Je vous le demande parce que je reviens d'un petit congé forcé pour cause de dents de sagesse capricieuses et que j'ai manqué des bouts du feu roulant qu'est l'actualité.
Donc, le clan Villanueva boude encore, dites? Il demande encore à l'ONU d'envoyer des Casques bleus pour protéger la population de Montréal-Nord?
Ah, le clan Villanueva n'a pas demandé une telle chose?
Ça ne devrait pas tarder.
Il y a bien des gens, à Montréal-Nord, qui voudraient que l'enquête du juge Robert Sansfaçon soit une enquête sur la police elle-même. Soit.
Remarquez, j'ai entendu trop d'histoires émanant de ce quartier pour penser que le profilage racial est une invention. Ça existe. Oui, les relations entre la police et la communauté sont difficiles.
Mais peut-on, une seconde, juste une seconde, se mettre dans la peau des flics de Montréal-Nord?
Ce quartier n'est pas exactement un secteur de la bucolique banlieue de Baie-d'Urfé. L'essentiel des interventions de la police ne touche pas les entorses au règlement d'arrosage.
Puis-je rappeler que, dans l'année précédant la fusillade fatidique du parc Henri-Bourassa, deux policiers ont été victimes de projectiles tirés en leur direction?
Le premier, par un tireur embusqué qui l'attendait chez lui (un suspect a été acquitté au terme d'un procès).
Le second, lorsqu'il patrouillait dans une camionnette du SPVM (aucun suspect n'a été arrêté).
Et puis-je rappeler que le soir de la charmante émeute où des citoyens-en-colère ont foutu le feu aux voitures personnelles des pompiers - des pompiers!!! - ainsi qu'à quelques véhicules de résidants du coin, une policière a été atteinte par une balle?
Et je ne parle même pas de l'apport des gangs de rue à la vie communautaire.
Montréal-Nord n'est pas l'oasis de paix qui pourrait fleurir si seulement les méchants policiers étaient moins racistes, moins brutaux, moins méchants.
Puis-je rappeler que Dany Villanueva, frère du défunt, l'homme que les policiers ont apostrophé ce soir d'août, est un bandit?
Désolé. Il n'y a pas d'autre mot. Ma collègue Judith Lachapelle a fait son portrait de criminel le 13 août 2008 dans La Presse.
C'est un récidiviste bien connu de la police que les deux agents du parc Henri-Bourassa ont croisé, en ce soir d'août 2008.
Vols, arrestation dans une voiture où on a trouvé des membres de gangs de rue armés, autre arrestation en possession d'un gun de calibre 22, claques sur la gueule d'un jeune de 14 ans.
Est-ce que j'oublie quelque chose?
Ah oui. Deux mois avant le drame, le 18 juin 2008, bris de conditions: il avait communiqué avec des gens qu'il ne devait pas contacter, en vertu des termes de sa mise en liberté.
Alors, de grâce, de grâce, fichez-moi la paix avec le conte pour enfants selon lequel la méchante police raciste a harcelé, dans ce parc, ce soir d'août 2008, de jeunes gens sans histoire qui jouaient tout simplement aux dés.
N'importe quel flic qui connaît son quartier et son métier serait allé piquer un brin de jasette à Dany Villanueva en le voyant ce soir-là, dans ce parc-là, «chillant» avec d'autres jeunes hommes.
Question de voir si Villanueva n'était pas, encore, en train de s'acoquiner avec des types dont il devait se tenir loin, par exemple.
Puis-je rappeler aussi que, selon les témoins interrogés par les médias dans les moments qui ont suivi la fusillade, il est assez clair que trois jeunes, dont Fredy Villanueva, ont chargé la policière, pendant que le policier se battait avec Dany Villanueva?
Qu'est-ce qui se passe dans la tête de trois gars pour qu'ils se disent: Tiens, on va sauter sur la police?
Je ne le sais pas. Je ne veux pas le savoir. Tout ce que je sais, c'est que, quand trois jeunes hommes dans la force de l'âge sautent sur un agent de police, cet agent, que ce soit une fille ou un gars, est théoriquement à quelques secondes d'être désarmé.
J'ai l'air de donner le bon Dieu sans confession aux flics. Pas du tout. Je vous donne l'autre côté de la médaille, totalement occulté de la réalité depuis quelques mois, quand il est question de l'enquête.
J'espère que cette enquête accouchera. Je veux savoir, dans le détail, ce qui s'est passé au parc Henri-Bourassa avant que ça ne dégénère entre les flics et les jeunes.
Ont-ils été baveux? Ont-ils mal réagi à des provocations? Ont-ils cherché le trouble? Qu'ont-ils dit au groupe? Ont-ils opté trop rapidement pour la force plutôt que de recourir à cette arme secrète des plus doués des flics: le bagout?
Je veux savoir ce que les témoins directs ont raconté à la SQ.
Je veux savoir, aussi, comment il se fait que les enquêteurs de la SQ se soient contentés, une semaine après, d'un rapport écrit des deux policiers. Ceux-ci n'ont jamais été interrogés. Les limiers de la SQ n'ont jamais tenté de les interroger.
Et cela est consternant.
J'aimerais aussi souligner que Jonathan Senatus, qui était dans le groupe au sein duquel ce bon Dany Villanueva jouait aux dés, a été arrêté, accusé et a plaidé coupable de possession d'arme, quelques mois après le drame.
Pas un petit revolver-jouet: une arme semi-automatique. Juste ça.
Mais bon, selon la légende, Senatus est un bon cégépien qui aime jouer aux dés dans les parcs. Sans plus.
Si j'étais Dany Villanueva, je n'aurais pas trop, trop envie d'aller témoigner, avocat payé par l'État ou pas. Parce que, si les flics risquent de devoir répondre à des questions embêtantes, ce bon Dany va également s'en faire poser des salées.
Il devrait larguer son chandail en coton ouaté gris, aussi, celui avec le capuchon. Et s'acheter un complet à cravate, tiens. Ce ne sera pas de trop pour projeter une image de citoyen respectable.
Oui, il y a des problèmes dans Montréal-Nord. Graves. Oui, les relations police-citoyens y sont difficiles.
Je ne suis juste pas convaincu que l'affaire Villanueva, si tragique soit-elle, soit le bon prétexte pour régler le «cas» Montréal-Nord.
http://www.cyberpresse.ca/opinions/chro ... daille.php" onclick="window.open(this.href);return false;