Izard avait vu l'oeuvre de Claude Robinson avant d'écrire Robinson Sucroë
Écrit par Alain Bisson
Mise à jour le Mercredi, 20 avril 2011 01:18
Christophe Izard admet maintenant avoir eu accès à l’œuvre de Claude Robinson* avant d’écrire le dessin animé Robinson Sucroë, mais il soutient toujours que son travail n’a rien d’un plagiat.
L’auteur français, la société Ravensburger et France Animation, par la bouche de leur avocat, Pierre Lefebvre, ont ouvert le bal lundi à l’audition de l’appel de leur condamnation à verser des dommages de 5,224 M$ à M. Robinson.
Le trio, Cinar, Ronald Weinberg et cinq autres défendeurs contestent le verdict prononcé à leur endroit par la Cour supérieure de Montréal le 26 août 2009. Dans un jugement parfois très critique, le juge Claude Auclair a conclu que les défendeurs ont violé les droits d’auteur de M. Robinson en s’appropriant son œuvre, Robinson Curiosité, pour en faire le dessin animé à succès Robinson Sucroë.
Me Lefebvre a concédé d’entrée de jeu que ses trois clients ont eu accès au projet d’émission de M. Robinson avant la création de Robinson Sucroë. Mais il a soutenu que le juge Auclair a commis plusieurs erreurs de droit, entre autres en concluant qu’il s’agit d’un des éléments de preuve démontrant la contrefaçon.
« Vous pouvez prendre pour acquis que mes clients ont eu accès à l’œuvre de M. Robinson », a dit Me Lefebvre aux juges France Thibault, François Doyon et Benoit Morin. Izard, France Animation et Ravensburger avaient nié cette allégation de M. Robinson au premier procès.
L’avocat a cependant ajouté qu’ « on peut avoir accès à l’œuvre d’un tiers et s’en inspirer sans être responsable d’une violation du droit d’auteur ».
L’idée et l’expression de l’idée
Me Lefebvre a soumis que le droit protège l’expression d’une idée – sa réalisation dans un produit fini –, mais pas l’idée elle-même. « Tout le monde peut s’inspirer du travail de tout le monde », a-t-il dit, en faisant notamment référence aux nombreuses variations issues de l’œuvre originale de Robinson Crusoé, de Daniel Defoe, publiée en 1719.
Avant de conclure qu’il y a plagiat, il faut d’abord déterminer s’il y a des similitudes entre deux œuvres, si ces similitudes sont imputables à une contrefaçon ou au hasard, et que si contrefaçon il y a, si elle est importante et substantielle.
Le juge Auclair a répondu oui à toutes ces questions au terme d’un procès de huit mois et demi, mais il a eu tort, soutient Me Lefebvre.
D’abord, le magistrat a erré en considérant les idées, scénarios et dessins de la première heure de Robinson Curiosité alors que M. Robinson les a lui-même écartés dans les plus récentes incarnations de son projet, avancent les défendeurs.
Izard, France Animation et Ravensburger reprochent également au juge Auclair de ne pas avoir d’abord fait un portrait complet des caractéristiques de Robinson Curiosité pour le distinguer des autres « robinsonnades », ainsi que d’avoir considéré les quelques ressemblances entre Curiosité et Sucroë plutôt leurs nombreuses différences.
De plus, le juge s’est gouré, soumettent-ils, en statuant que les reprises de Curiosité dans Sucroë sont à ce point importantes et substantielles qu’elles sont assimilables à du plagiat.
Présentation visuelle à l’appui, Me Lefebvre a tenté de démontrer aux trois juges de la Cour d’appel que Robinson Curiosité et Robinson Sucroë sont deux œuvres distinctes et indépendantes.
Le format – le projet Robinson se déroule sur un plateau tandis que Sucroë est un dessin animé, les objectifs, le scénario, les lieux, les habitations, les personnages et leurs caractéristiques sont dissemblables, a plaidé l’avocat.
L’œuvre préalable
Me Lefebvre a évoqué à de nombreuses reprises des œuvres de Christophe Izard antérieures au litige, dans lesquels on retrouve des éléments qui sont la vraie genèse de Robinson Sucroë, a-t-il soutenu.
Si d’aventure la Cour d’appel devait confirmer le jugement Auclair, Izard, France Animation et Ravensburger demandent qu’elle modifie le montant des dommages.
Selon eux, le juge a accordé à M. Robinson des compensations auxquelles il n’a pas droit et sur une évaluation des profits engendrés par Robinson Sucroë qui ne tient pas compte de la réalité particulière de chacun.
Ils estiment également que la somme de 400 000 $ allouée à M. Robinson pour préjudice psychologique est trop élevée, compte tenu des décisions antérieures des tribunaux dans des circonstances similaires ou plus graves.
Cinar, Ronald Weinberg et les autres défendeurs seront entendus mardi. La représentante de M. Robinson, Florence Lucas, disposera des journées de mercredi et jeudi pour sa réplique.
À l’occasion d’une pause, Claude Robinson a admis que la bagarre juridique de tous les instants qu’il livre depuis 16 ans, dont les 20 mois d’attente entre le jugement Auclair et l’audition de l’appel, lui pèsent.
« Je suis fatigué », a-t-il dit.
Invité à dire s’il se sent d’attaque pour une éventuelle audition devant la Cour suprême si l’une ou l’autre des parties choisit cette avenue, il a répondu : « Moi, je ne lâcherai pas. Je sais que je dis la vérité et qu’eux sont des menteurs. »
Selon la preuve admise au premier procès, M. Robinson a eu recours en 1986 aux services de Cinar, Ronald Weinberg et feue Micheline Charest pour tenter de vendre la série Robinson Curiosité aux États-Unis.
Ces démarches n’ont pas porté fruit, ni les subséquentes qu’il a entreprises au cours des années suivantes.
Le 4 septembre 1995, le Canal Famille a diffusé la première émission de Robinson Sucroë. Claude Robinson y a reconnu son œuvre et a intenté, en juillet 1996, sa poursuite contre Cinar, ses dirigeants, l’auteur Izard et les partenaires de diffusion internationaux du dessin animé.
*Me Pierre Lefebvre a soutenu mardi avoir été mal interprété à ce sujet. Selon lui, Christophe Izard, France Animation et Ravensburger ne contestent pas en appel la conclusion du juge Claude Auclair concernant leur connaissance préalable de l’œuvre de Claude Robinson parce qu’il s’agit d’une question de faits pure et que les faits établis en première instance ne peuvent constituer un motif d’appel.
Voilà pourquoi l’avocat a dit à la Cour d’appel, lundi, qu’elle pouvait prendre la connaissance de l’œuvre pour acquis, a-t-il dit. Si Christophe Izard témoignait à nouveau aujourd’hui, il continuerait d’affirmer qu’il n’a aucun souvenir d’une rencontre avec Claude Robinson au sujet de l’œuvre de ce dernier, a ajouté Me Lefebvre.
C’est ce que M. Izard a soutenu devant le juge Claude Auclair. Ce dernier ne l’a pas cru, notamment parce que des témoins ont certifié au cours du procès avoir assisté à une rencontre entre Izard et Robinson, à Cannes en avril 1987, au cours de laquelle le projet de M. Robinson a fait l’objet d’une présentation.
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