Publié le 02 mai 2011 à 16h30 | Mis à jour à 16h30
Coupable ou non, la carrière de l'écrivain Maxime Roussy est compromise
Clovis Roussy
L'auteur est cousin de l'écrivain Maxime Roussy, accusé d'agressions sexuelles sur une mineure.
Étant un proche de Maxime Roussy, la nouvelle de sa mise en accusation pour agressions sexuelles sur une mineure m'a profondément bouleversé. Mais la réaction du public face à ces accusations m'a affecté encore plus durement. C'est en quelque sorte en réponse au tapage médiatique et aux réponses outrées de son entourage que j'écris cette lettre, destinée à manifester à Maxime un peu d'appui dans cette grave histoire.
Je n'essaierai pas de prouver l'innocence de Maxime sur la base d'arguments foireux tels que «c'est la meilleure personne au monde» et «il n'aurait jamais pu faire une chose pareille». Ce n'est pas mon boulot de toute façon. Même si, en mon for intérieur, c'est exactement ce que je pense, je sais que comme je suis un de ses proches, on me taxera de naïveté et d'incrédulité émotive. Je tenterai donc simplement de vous sensibiliser à la situation intenable que vit Maxime malgré la présomption d'innocence à laquelle il a droit.
Maxime est un écrivain qui a publié des romans pour adolescentes extrêmement populaires. Son lectorat, majoritairement constitué de jeunes filles, lui vouait une véritable vénération. Du jour au lendemain, sur la base d'allégations provenant d'une seule personne dont on ignore encore l'identité, l'ensemble de ses fans l'a renié.
Il fallait vraiment lire les commentaires haineux laissés sur sa page Facebook officielle pour y croire, avant que celle-ci ne soit fermée. D'une manière ou d'une autre, sa carrière d'écrivain est gravement compromise. S'il est déclaré coupable, vous penserez que ce n'est que justice. Mais s'il est innocent, c'est un véritable drame.
Le fait est qu'une telle phobie sociale entoure les crimes sexuels de nos jours qu'il est en pratique impossible pour les accusés de maintenir un réseau d'appui. Du jour au lendemain, sans tenir compte de sa présomption d'innocence, les organismes avec lesquels Max faisait affaire ont coupé toute relation avec lui.
Phobie-Zéro, une organisation qui vient en aide aux victimes de phobies et de troubles anxieux dont Max était le porte-parole, l'a elle aussi balancé par la fenêtre. Ses fans l'ont abandonné, certains de ses collègues écrivains également. Max est résolument seul face à l'adversité.
Il est désormais considéré comme l'ennemi public numéro 1. La couverture médiatique de l'affaire a été lamentablement biaisée. Il fallait lire l'article de Rue Frontenac dans lequel le journaliste, en présentant l'oeuvre littéraire de Max, prenait soin de mentionner Sick Sex, un roman d'horreur «dans lequel la sexualité prenait une grande place». Dans ces circonstances, il lui sera extrêmement difficile de se défendre efficacement.
La question, pour nous, n'est pas de savoir s'il est coupable ou innocent. Dans un cas comme dans l'autre, la réaction générale face aux accusations, encouragés par les médias qui ont déjà établi plus ou moins explicitement sa culpabilité, est injuste. Même s'il est déclaré innocent, il lui sera extrêmement difficile de reconstituer son cercle de relations sociales. Des accusations pareilles, ça tache et ça salit. Maxime est définitivement stigmatisé, et c'est un sort injuste.
Un choc terrible
Il ne faut pas en vouloir aux fans d'avoir réagi aussi violemment. La majorité d'entre eux sont de très jeunes filles qui ne font pas très bien la différence entre accusation et condamnation. Max était pour elles un véritable modèle, et avec raison: la nouvelle de sa mise en accusation a dû être un choc terrible. Je plains les lecteurs et les lectrices qui ont vu leur auteur favori être ainsi crucifié sur la place publique.
La situation est d'autant plus lamentable que Max est quelqu'un de profondément intègre. Il m'a moi-même servi de mentor et de modèle dans plusieurs domaines. Rarement dans ma vie, j'ai eu l'occasion de côtoyer quelqu'un d'aussi inspirant. Mis à part son talent d'écrivain, sa gentillesse et son sens de l'humour absolument démesuré (au point d'en être parfois troublant, il est vrai), Max est doté d'un véritable sens moral et de principes d'une rigueur rare.
Dans le cadre de son travail, Max réalise un travail formidable auprès des jeunes. Chacun de ses romans jeunesse démontre sa compréhension et son respect profonds des adolescents. Il faut l'entendre, dans chacune de ses conférences dans les écoles, encourager ses fans à se réaliser, à se faire confiance et à s'estimer. Max démontre dans chacun des aspects de sa vie un authentique dévouement et une admirable conscience sociale.
C'est la raison pour laquelle je ne peux absolument pas me résoudre à envisager, ne serait-ce qu'un instant, que les accusations pesant sur lui ne soient fondées. Voir quelqu'un d'aussi vertueux et d'aussi engagé être ainsi réduit à l'image d'un monstre est enrageant et bouleversant. Vous n'avez pas idée à quel point cela m'affecte. Le monde manque de gens comme Max.
J'ai lu plusieurs commentaires de fans outrées qui, si elles n'arrivaient pas à en croire leurs oreilles, ne pouvaient considérer une autre possibilité que les accusations pesant contre Max soient fondées, sur la foi de l'argument suivant: «Quelle fan serait assez détraquée pour aller inventer une histoire pareille?» C'est en effet extrêmement troublant.
La question, ici, n'est pas d'établir la vérité ou de supposer ce qui a pu se passer. C'est le travail de la justice et je ne veux faire aucune présomption déplacée. Mais il me paraît essentiel de souligner que la possibilité que les accusations pesant sur Max soient fausses existe. Je le répète, la possibilité existe. Je n'affirme rien, je veux juste qu'il soit clair que rien ne nous oblige à croire d'emblée qu'il est coupable. Les fausses accusations d'agressions sexuelles sur des mineurs constituent un phénomène social bien réel, corollaire des dispositions très strictes prises à l'égard des prédateurs sexuels. Ces mesures légales ont leur raison d'être: la protection des victimes et l'absolue nécessité de mettre les prédateurs sexuels hors d'état de nuire les rendent nécessaires.
Mais elles ont pour effet pervers d'ouvrir la porte à ce genre d'abus: sur la base du moindre témoignage, l'accusé se retrouve immédiatement isolé et socialement stigmatisé. De nombreuses carrières, notamment des vocations d'enseignants, ont été détruites à la suite de telles allégations qui se sont révélées fausses. Les motifs pouvant donner lieu à ces accusations infondées sont multiples: il ne s'agit pas toujours de méchanceté, d'un pur désir de nuire ou de l'appât du gain. La possibilité qu'il soit innocent existe, et au nom de l'admiration et du respect profond que j'éprouve pour Max, je m'y cramponnerai jusqu'au bout.
L'important, encore une fois, est de ne pas porter de jugement. Il nous faut faire confiance à la justice pour établir la vérité, et entretemps, garder toutes les possibilités à l'esprit. En vertu de la présomption d'innocence à laquelle Max a droit, il est essentiel de ne pas le condamner prématurément et de lui accorder le bénéfice du doute.
Courage, mon vieux. Tu es un fantassin féroce, je t'aime de tout mon coeur.
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