Je copie ce texte qui rejoint parfaitement ma pensée:
Ils étaient onze, un peu de respect
Guy Turcotte non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux
Évidemment, la population est assomée par le verdict rendu dans le procès de Guy Turcotte.
Évidemment, on est portés à confondre la personnalité peu sympathique de l’accusé avec sa déclaration de non responsabilité criminelle.
Non, GuyTurcotte n’a pas été déclaré non criminellement responsable en raison d’un trait de la personnalité narcissique qu’il porterait. Non, il n’a pas été déclaré non criminellement responsable simplement parce qu’il faut être fou pour tuer ses enfants. Non, il n’a pas été déclaré non criminellement responsable parce que quiconque fait une dépression peut tuer ses enfants.
Il n’y a pas de message à décoder dans ce verdict, pas de déduction à faire, pas de généralité à émettre.
Il faut seulement comprendre que le jury, formé par onze personnes, onze de nos concitoyens, ont décidé, après avoir entendu tous les témoignages, lu toutes les expertises et analysé l’ensemble de la preuve; que ces onze personnes donc ont décidé, à l'unanimité, que « le monstre » était vraiment en état de déséquilibre mental au moment des faits.
Aussi, à ceux qui prétendent que ce verdict "fera jurisprudence", il faut comprendre qu'on ne plaide pas la jurisprudence devant un jury. on le fait devant un juge.
Le droit
C’est l’article 16 du Code criminel qui prévoit la défense de troubles mentaux. Cet article prévoit que la responsabilité criminelle d’une personne ne peut pas être engagée si cette dernière, au moment du crime, soit ne faisait pas la distinction entre le bien et le mal, soit n’était pas en mesure d’apprécier la nature et la qualité de ces actes.
Ce sont les seuls critères. Et ils sont stricts. L’accusé doit être incapable de distinguer le bien et le mal ou incapable d’apprécier la nature et la qualité de ses actes. Ce sont des critères juridiques qui n’ont pas à être conformes aux critères médicaux de la maladie mentale.
Je n’ai pas pris connaissance de la preuve au procès Turcotte, mais je crois que le jury a jugé l’accusé non responsable en raison du deuxième critère, c’est-à-dire son incapacité, au moment des faits, à apprécier la nature et la qualité de ces actes.
Une personne peut être schizophrène sans être incapable de faire la distinction entre le bien et le mal lorsqu’elle comment un geste répréhensible. C’est dire qu’une personne peut être cliniquement schizophrène sans être, de manière permanente, non criminellement responsable d’un crime.
À l’inverse, un individu peut être « sain » d’un point de vue clinique dans le sens où il n’a pas de maladie mentale permanente, tout en étant aliéné mentalement au point de vue juridique.
C’est sur l’accusé que repose ce fardeau de faire la preuve qu’il était mentalement malade au moment du crime et ce fardeau est celui de la balance des probabilités, c'est-à-dire un fardeau moins lourd que celui qui pèse sur la Couronne de faire la preuve de la culpabilité hors de tout doute raisonnable.
Le jury, juge des faits et de la preuve
Le jury est le maître des faits. Le juge est maître du droit.
Le procès de Guy Turcotte est une affaire de faits : selon la preuve entendue, y compris celle des psychiatres, est-ce que Turcotte était fou, ou pas, au moment de tuer ses enfants.
Ce sont les faits, tous les faits, et toute la preuve, qui a amené la décision du jury.
C’est en ce sens que je disais qu’il ne faut pas en faire une généralité. Peu de situations sont semblables en matière de troubles mentaux et on n’a pas à s’inquiéter du fait que désormais tous les parents dépressifs pourraient tuer leurs enfants et bénéficier d’une déclaration de non responsabilité criminel.
Se rappeler des deux critères : Faire la distinction entre le bien et le mal ou savoir apprécier la nature et la qualité de ses gestes.
Ce ne sont évidemment pas toutes les dépressions, ni toutes les psychoses, qui vont faire en sorte que ces critères juridiques de la folie sont remplis.
(Voir à ce sujet mon billet La folie et le crime sur ce blogue)
Le droit d’appel
Une question a été beaucoup posée dans les médias sociaux : est-ce que la Couronne peut en appeler de ce verdict?
Oui, la Couronne peut aller en appel si elle juge que 1) le juge a émis des directives aux jurés erronées en droit, 2) le jury a rendu un verdict déraisonnable, c'est-à-dire un verdict insensé compte tenu de l’ensemble de la preuve.
Avec respect pour l’opinion contraire, je serais bien étonnée que la Couronne puisse soutenir que ce verdict de non responsabilité criminelle ne repose sur rien. On a quand même deux psychiatres, peut-être trois avec l’expert de la Couronne de Docteur Louis Talbot, qui ont donné l’opinion selon laquelle l’accusé était ne pouvait pas juger de la nature et de la qualité de ses actes au moment des faits.
Avec respect pour l’opinion contraire, je serais aussi bien étonnée que le juge Marc David ait donné aux jurés des directives qui commandaient une verdict de non responsabilité criminelle.
Du respect
Bref, les jurés ont pris cette difficile décision. Une décision qui mérite du respect, comme le dur labeur qu'ils ont accompli pendant ces trois longs et pénibles mois de procès.
Être en désaccord? Bah… Quand on n’a pas assisté au procès, ça ne vaut pas grand-chose.
Article pris ici:
http://droitcriminel.blogspot.com/2011/ ... l?spref=fb