Re: Procès de Guy Turcotte
Publié : mar. juil. 05, 2011 11:29 pm
Franchement, aie-je bien lu: "Avouons-le, notre réaction n’aurait pas été la même si les victimes avaient été deux sans-abris ou même deux criminels." Non mais, faut vraiment être à court d'arguments pour écrire une chose pareille. Comment continuer de lire ce texte là et lui donner la moindre crédibilité.Anya a écrit : Réflexions sur le verdict de non-responsabilité criminelle dans l’affaire Turcotte
5juillet 2011
Ce matin, j’ai été aussi surprise que vous du verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux dans l’affaire Turcotte. Je m’attendais plutôt à un verdict de meurtres au deuxième degré pour être honnête. Plusieurs critiquent ouvertement les jurés d’avoir rendu une telle décison, je crois que c’est normal puisque cette cause est venue chercher profondément les gens. Néanmoins, il ne faut pas oublier que les sept femmes et les quatre hommes qui constituaient le jury sont les personnes qui connaissent probablement le mieux l’affaire Turcotte, tout en n’étant pas impliqués émotivement. Ils ont écouté tous les témoignages, analysé la preuve présentée pendant près de trois mois. Ils ont ensuite pris près d’une semaine à délibérer, redemandant d’écouter à nouveau certains témoignages pour être bien certains de prendre ce qu’ils croient être une décision juste. Ils en sont donc venus à la conclusion qu’il était plus probable qu’improbable, principe que l’on appelle la prépondérance des probabilités, que Guy Turcotte se trouvait dans un état d’esprit tel qu’il lui était impossible de juger de la nature et la qualité de ses actes au moment où il les a posés et qu’il était incapable de distinguer le bien et le mal. Par conséquent, il est considéré non-criminellement responsable du meurtre de ses enfants, à ne pas confondre avec un acquittement. Il n’ira pas en prison, mais bien en institution psychiatrique et son sort sera entre les mains de la Commision d’examen des troubles mentaux du Québec , dont le rôle est:
“[…] d’évaluer le danger que représente l’accusé pour la société, en fonction de son état mental. Selon le cas, elle décidera si l’accusé doit être libéré (avec ou sans condition) ou détenu dans un établissement hospitalier et fixera des mesures à prendre pour assurer la sécurité du public.
Si l’accusé est libéré sous conditions ou détenu, la commission d’examen devra le revoir au moins une fois par année lors d’une nouvelle audience pour déterminer si son état mental a changé avec le temps, et si une décision différente doit être prononcée selon les éléments récents qui lui sont présentés. Une telle révision annuelle est obligatoire tant et aussi longtemps que l’accusé n’est pas libéré sans condition.”
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Les jurés ont eu une tâche difficile et même si nous ne sommes pas d’accord avec le verdict, je m’en remets à ces citoyens qui connaissent le dossier sur le bout de leurs doigts et qui ont pris une décision réputée objective et juste. C’est facile de critiquer la décision rendue, mais nous n’avons pas été là le soir du drame, n’avons pour la plupart pas assisté au procès, ni ne nous sommes entretenus avec Guy Turcotte en possédant (pour la majorité) les compétences en psychiatrie pour juger de son état d’esprit au moment où il a assassiné ses enfants. Beaucoup de détails nous échappent et je crois que plusieurs d’entre nous sommes si outrés parce que les deux victimes étaient de jeunes enfants innocents. Avouons-le, notre réaction n’aurait pas été la même si les victimes avaient été deux sans-abris ou même deux criminels. Pour les raisons susmentionnées, je n’ai d’autre choix que de m’en remettre aux jurés pour le verdict qu’ils ont rendu ce matin. Par ailleurs, le journaliste de CTV Stéphane C. Giroux mentionnait plus tôt en journée sur Twitter que les gens ayant assistés au procès sont certes surpris du verdict rendu, mais pas aussi choqués et indignés que ceux qui n’y étaient pas. Je crois que c’est parce qu’ils sont au faits des détails et des subtilités du dossier Turcotte et que par conséquent, ils en ont un regard un peu plus objectif.
Plusieurs accusent notre système de justice d’être pourri, bonbon, trop clément. C’est vrai qu’en regardant les faits dans l’absolu, nous nous retrouvons devant un père ayant assassiné ses deux enfants; c’est contre nature, insensé, immonde. Ce père, au terme de son procès, ne prendra pas le chemin des cellules, mais celui d’une institution psychiatrique pour une durée indéterminée. C’est vrai que c’est facile de crier à l’injustice. Toutefois, plusieurs éléments doivent être pris en considération et c’est difficile de concéder qu’il est possible qu’il ait pu être incapable de juger de la nature et de la qualité de ses actes au moment du drame, ni de distinguer le bien et le mal. Certains n’y adhèreront jamais, ce qui est compréhensible.
D’autres affirment également que Guy Turcotte pourrait être libre comme l’air dans quarante-cinq jours. Tel que mentionné précédemment, cela n’est pas aussi simple. J’ai aussi entendu des gens dire qu’ils étaient apeurés qu’un tueur se promènera bientôt dans nos rues. J’aimerais préciser que les meurtriers connaissent de très bas taux de récidive et que Guy Turcotte a tué ses enfants dans un contexte bien précis, en présentant des caractéristiques bien particulières au moment du drame. Ces caractéristiques risquent de ne plus jamais se représenter dans le futur, de sorte que son risque de récidive m’apparaît faible.
Non, le verdict ne fera pas en sorte qu’il sera plus facile de tuer quelqu’un, d’évoquer la folie passagère et de faire passer ça comme une lettre à la poste. Il ne faut pas oublier que lorsqu’une défense de troubles mentaux est évoquée, plusieurs experts doivent analyser le cas et que ce sera ensuite au jury de prendre la décision finale. C’est dommage que cette cause rende presque ridicule l’évocation d’une défense de troubles mentaux. J’ai également entendu des gens craindre que ce verdict ne fasse jurisprudence et que tous les parents qui assassineront leurs enfants se verront automatiquement reconnus non-criminellement responsable pour cause de troubles mentaux. Comme l’explique la criminaliste Véronique Robert sur son blogue Le droit au silence:
“[…] il faut comprendre qu’on ne plaide pas la jurisprudence devant un jury. On le fait devant un juge.”
C’est un verdict qui en surprend plus d’un et je le comprends. Chacun a droit à son opinion, mais je crois que cette affaire vient tellement chercher les gens qu’il est difficile d’avoir une opinion des plus objectives. Et c’est aussi compréhensible. Vous savez, j’ai énormément de peine pour les proches des victimes, surtout pour leur maman Isabelle Gaston. Ce n’est pas parce que j’analyse la situation sous un angle criminologique et objectif que ça m’empêche d’avoir eu les larmes aux yeux quand je l’ai vue s’exprimer aux journalistes. C’est immonde ce que Guy Turcotte a fait et malheureusement, aucun verdict n’aurait ramené les enfants dans les bras de leur maman.
Je ne sais pas où cette femme puise son courage et sa force, elle mérite toute mon admiration. J’espère sincèrement qu’elle trouvera un jour la sérénité.
La Criminologue
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