Anya a écrit :
Publié le 06 juillet 2011 à 05h00 | Mis à jour à 08h00
Verdict du procès de Guy Turcotte: «Le droit ne nie pas l'horreur»
Sophie Gall
Le Soleil
(Québec) «Il y a un fossé entre les perceptions du public et l'application du droit.» Selon Fannie Lafontaine, professeure de droit pénal à l'Université Laval, c'est ce qui explique l'indignation soulevée par le verdict de non-responsabilité criminelle dans le procès de Guy Turcotte.
Après six jours de délibérations et près de deux mois et demi de procès, l'ex-cardiologue a été reconnu criminellement non responsable. Quatre verdicts étaient possibles : la non-responsabilité criminelle, le meurtre au premier degré, le meurtre au deuxième degré et l'homicide involontaire coupable. Bien que le verdict était envisagé, il a eu l'effet d'une douche froide.
«Collectivement, on a condamné Guy Turcotte, mais le droit est là pour déterminer la responsabilité criminelle de quelqu'un», dit Fannie Lafontaine.
Le droit criminel dit que si l'individu accusé était atteint de troubles mentaux au moment de poser les gestes qu'on lui reproche, il est criminellement non responsable.
Selon Fannie Lafontaine, la terminologie peut porter à confusion. La notion de trouble mental n'est pas la même juridiquement que médicalement.
«Or, c'est la notion médicale qui est communément comprise. En droit, c'est l'article 16 du Code criminel qui dicte ce qu'est un trouble mental. Le fait d'être dans un état psychique tel qu'on ne comprend pas la nature des gestes qu'on pose ou qu'on ne dissocie plus le bien du mal est un trouble mental... en droit.»
Il y a là un premier fossé.
Ensuite, il y a la question de la preuve. Les procédures judiciaires font en sorte que le public n'y a pas accès.
«Seuls les 11 jurés ont eu toute la preuve. Il faut comprendre que dans un tel procès, le dossier de preuve est complexe, il y a énormément de détails et parmi ces détails, les jurés en ont trouvé qui mènent à ce verdict.»
Le deuxième fossé réside donc dans l'impression qu'a le public d'en connaître assez pour se prononcer.
«Il y a le drame et les conclusions qu'on tire collectivement, mais il faut se souvenir qu'il y a des choses, des éléments auxquels on n'a pas accès qui mènent à cette conclusion de non-responsabilité criminelle.»
Le troisième fossé est encore une fois de nature terminologique : l'expression «non responsable» peut prêter à confusion. Il ne s'agit pas de dire que Guy Turcotte est libéré de tout fardeau.
«La non-responsabilité criminelle est un verdict, ce n'est pas un acquittement [pour être acquitté, il faut être reconnu innocent, ce qui n'est pas le cas pour Guy Turcotte, qui a admis les faits], le jury a dit qu'il n'est pas responsable parce qu'au moment des faits, il était atteint de troubles mentaux, mais on ne met pas en doute qu'il ait bel et bien tué ses enfants... ce n'est pas rien, les faits lui sont imputés.»
Dans ce cas, pourquoi ne pas plutôt l'accuser d'homicide involontaire coupable, un des scénarios envisagés?
«La ligne est très mince entre les deux, dit Fannie Lafontaine, c'est uniquement son état psychologique au moment de poser les gestes qui fera pencher la balance d'un côté ou de l'autre. C'est l'appréciation des faits par les jurés.»
Ces fossés et la complexité du dossier suscitent la colère, l'indignation, l'incompréhension.
«C'est toujours controversé ces décisions-là car malgré la gravité des gestes, la société a décidé que pour les malades mentaux - malades à long terme ou ponctuellement -, la meilleure façon de faire face aux crimes qu'ils commettent, ce n'est pas le droit criminel, pas la prison.»
Le droit et «l'horreur»
On a donc l'impression d'un crime impuni, mais pourtant «non, un crime impuni, c'est quand on ne trouve pas la personne responsable ou qu'on ne l'accuse pas même si on sait qu'elle est responsable. Dans le cas de Guy Turcotte, il a été accusé, il y a eu procès, la vérité a été dite, on a posé des mots, c'est un verdict, malgré la terminologie parfois dérangeante. La société ne donne pas son approbation au geste, le droit ne nie pas l'horreur. Le droit ne se préoccupe que de la responsabilité criminelle».
Mais malgré ces fossés entre les perceptions du public et le droit, Fannie Lafontaine rappelle que «ceux qui ont appliqué le droit sont des jurés, pas des juristes, ce sont monsieur et madame Tout-le-Monde...»
Quelques statistiques
> Au Québec, entre 350 et 400 personnes sont déclarées non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux chaque année.
> La majorité ont un diagnostic du spectre de la schizophrénie.
> Près de 85 % sont des hommes.
> Leur âge moyen est de 36 ans.
> Une personne sur trois vit à Montréal et la moitié dans la région de Montréal.
> La moitié d'entre elles n'avaient pas d'antécédents criminels.
Source : Institut universitaire en santé mentale Douglas
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Publié le 06 juillet 2011 à 05h00 | Mis à jour à 09h11
Guy Turcotte prisonnier malgré tout
Brigitte Breton
Le Soleil
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