Verdict au procès Turcotte
Un criminaliste répond à la famille
Mise à jour : 6 juillet 2011 à 21h42
EXCLUSIF - Le verdict de non-responsabilité criminelle rendu hier à l'endroit de l'ex-cardiologue Guy Turcotte pour le meurtre de ses deux enfants a provoqué colère mais surtout incompréhension chez l'oncle des jeunes victimes, qui se questionne toujours sur le cheminement du jury pour en arriver à une telle décision.
Patrick Gaston, qui s'est confié ce matin à TVA Nouvelles, se demande pourquoi des éléments concernant les actes de Guy Turcotte ont été cachés au jury. «Comment se fait-il que l'on bâillonne la preuve ainsi pour vraiment cacher comment était Guy Turcotte, notamment concernant les frais funéraires [que l'accusé n'a pas voulu assumer] et l'argent qu'il allait chercher dans le compte de ma sœur?» a-t-il questionné.
À cette question, un criminaliste interrogé par TVA Nouvelles, Me Conrad Lord, explique que la décision de la cour était justifiée.
«Ce sont des éléments qui sont préjudiciables. Il faut faire en sorte que le jury ne soit pas [influencé] par des éléments qui sont collatéraux, qui ne sont pas pertinents pour déterminer la culpabilité ou non en fonction des accusations», a-t-il précisé.
Me Lord a d'ailleurs dressé un parallèle entre l'affaire Turcotte et le procès de Basil Parisiris - ce Montréalais acquitté en 2008 de l'accusation de meurtre prémédité qui pesait contre lui après la mort d'un policier - afin de supporter ses dires.
Dans cette cause, il n'a pas été divulgué aux jurés que l'arme utilisée lors du crime était illégale. «On considérait que cet élément-là aurait pu [influencer] le jury par rapport aux éléments factuels [pouvant déterminer] la culpabilité [de Basil Parisiris]», a-t-il ajouté.
Verdict basé sur des expertises
M. Gaston s'est également dit abasourdi du fait que 11 citoyens ont pu statuer sur l'état mental de son ex-beau-frère.
Or, Me Lord a rétorqué que les membres du jury n'ont pas émis leur verdict sur «un coup de tête» ou sur des éléments basés sur leur expérience de vie personnelle. «Ces gens se sont basés sur des expertises médicales, et non pas uniquement sur leur propre intuition», a-t-il affirmé, soulignant du même souffle le «courage» des membres du jury.
«Ça prend du courage pour faire face à un tel procès. Ils ont rendu un verdict éclairé après avoir voulu réécouter le témoignage de M. Turcotte. Je pense que ça demandait un travail très méticuleux des jurés.»
Justice rendue?
Questionné à savoir si la justice a été rendue dans ce procès fort médiatisé, le criminaliste a répondu que la notion de la «non-responsabilité criminelle» est «abstraite», justifiant ainsi que personne ne peut considérer que «justice est rendue lorsqu'on a deux jeunes victimes qui sont décédées et qu'il y a une personne qui l'admet et qui est déclarée non coupable pour cause de troubles mentaux».
«On ne pourra jamais avoir le sentiment que justice a été rendue dans une cause comme ça», a réitéré Me Lord.
La «recette Guy Turcotte» : un précédent?
L'oncle des deux jeunes victimes dit craindre que la «recette Guy Turcotte» ne crée de précédent judiciaire. Il redoute que d'autres individus ne tuent leurs enfants et plaident par la suite des troubles mentaux.
Or, tout en tenant compte de l'inquiétude exprimée par M. Gaston, Me Lord estime que, paradoxalement, le procès Turcotte pourrait avoir un effet tout à fait contraire lors d'éventuels procès impliquant des crimes semblables.
«Je ne dis pas que les gens ne voudront pas éventuellement tenter de soulever cette défense-là», a indiqué le criminaliste, réitérant que toute thèse de «perte de l'état d'esprit, de la connaissance de la réalité momentanée» doit être appuyée par des expertises médicales.
Il estime toutefois que «monsieur et madame tout le monde, qui vivent dans la société, seront plus critiques face aux expertises médicales.»
«Ça peut avoir un effet contraire. On peut risquer d'avoir moins de verdict de cette nature-là.»
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