La victime de Luck Mervil raconte son calvaire
Elle admire Luck Mervil, dont elle garde les enfants depuis des années, et rêve d'une carrière en théâtre. Mais son monde s'écroule à 17 ans. Pendant une séance d'« improvisation », le populaire chanteur lui « saute dessus » et l'agresse sexuellement. Terrifiée, elle lui dit non au moins 60 fois. « J'avais vraiment peur », a-t-elle témoigné l'an dernier lors de l'enquête préliminaire.
Alors que son procès devait s'amorcer hier matin, l'auteur-compositeur-interprète Luck Mervil a plaidé coupable à un chef d'accusation d'exploitation sexuelle pour avoir commis des gestes sexuels sur une adolescente pendant six mois en 1996, alors qu'il était en position d'autorité ou de confiance à son égard.
La victime, qu'on ne peut nommer, rencontre Luck Mervil à l'âge de 10 ans. Pendant son adolescence, elle garde régulièrement ses enfants, au point où une relation « très forte » se crée avec lui, mais surtout avec sa conjointe, qu'elle considère comme sa « grande soeur », selon le résumé des faits présenté hier par Me Anne Gauvin, procureure de la Couronne.
Le témoignage de la victime pendant l'enquête préliminaire de l'artiste, l'an dernier, lève le voile sur une violente agression qui a bouleversé sa vie. L'ordonnance de non-publication sur son récit est maintenant levée en raison de la reconnaissance de culpabilité de l'accusé. Précisons que Luck Mervil n'a pas reconnu hier l'ensemble des détails du témoignage de la victime, mais seulement la trame factuelle générale.
« JOUER » UN COUPLE
Une journée, la victime se retrouve seule avec Luck Mervil pour regarder des films, alors qu'elle devait garder ses enfants. Comme elle étudie en arts dramatiques, Luck Mervil lui propose d'improviser pour évaluer son talent. « Il m'a dit : "Je connais pas mal de monde dans le théâtre, je pourrais te présenter plein de monde" », a raconté la victime à la cour en mars 2017.
Luck Mervil décide de « jouer » avec elle un couple de trafiquants de drogue. Il lui pose d'emblée mille et une questions sur sa première relation sexuelle. Elle joue le jeu en inventant une histoire. Mais tout à coup, a-t-elle affirmé durant son témoignage, le chanteur de 28 ans se lève, agrippe l'adolescente par les épaules et l'embrasse sur la bouche de « façon inappropriée ». Elle recule, déboussolée.
« Il me dit : "Ben là, on joue la comédie. Tu veux me montrer que tu es une bonne comédienne ou pas ? Dans les films, il y a des scènes d'amour, comment tu vas gérer s'il y a une scène d'amour ? Des fois, tu dois être toute nue, comment tu vas faire si tu es trop pudique ?" » - Extrait du témoignage de la victime
Son calvaire ne fait que commencer. Toujours selon la version des faits de la victime, Luck Mervil l'agrippe « encore plus fort », la jette sur le sofa et se couche sur elle à califourchon. Il lui enlève son soutien-gorge et lui tient fermement les poignets. « J'ai mis toute la force possible pour m'enlever de son emprise. Mais il était suffisamment fort pour pas qu'un millimètre ne bouge », a-t-elle témoigné avec aplomb.
Terrorisée, elle insiste pour qu'il cesse ses gestes, en vain. Elle ressent une douleur « fulgurante » et « horrible » aux parties génitales. Elle ignore combien de temps dure l'agression. « Je pense m'être battue, mais je n'ai pas réussi à me sortir de son emprise. Il a réussi à me violer », analyse-t-elle 21 ans plus tard.
« OUBLIER »
« Trop déstabilisée » d'avoir été « violée » par un homme qu'elle connaît depuis son enfance, elle décide « d'oublier » l'évènement pour ne pas « détruire tous les gens [qu'elle] aime ». Mais quelques semaines plus tard, Luck Mervil l'embrasse sur la bouche sans qu'elle puisse le repousser.
« Je me sentais humiliée, je me sentais horrible. » - La victime
Luck Mervil devrait témoigner vendredi pendant les observations sur la peine à imposer, alors que les parties présenteront une suggestion commune à la juge. La victime devrait lire une déclaration à la cour.
À la sortie de la salle d'audience, Luck Mervil s'est adressé brièvement aux médias pour exprimer son « soulagement ». « Ça fait peut-être quatre ans que la famille attend, que la famille souffre de ça. Je sais que la victime, de son côté, sa famille a beaucoup souffert de tout ça. »
« C'est sûr qu'il y a un soulagement d'avoir pris cette décision. C'est long, ça a été long et ardu, et ça l'est encore, et ça va l'être pour un bon petit bout encore », a ajouté Luck Mervil.
Luck Mervil a refusé de dire s'il avait des remords, lorsqu'on lui a posé la question en mêlée de presse. « Vous allez l'entendre vendredi », a-t-il rétorqué.