Le droit au silence
Être jugé par ses pairs
Le procès devant jury
samedi 9 juillet 2011
Image tirée du film Douze hommes en colère
Le procès devant jury fait partie de la culture juridique dans la plupart des sociétés démocratiques. Historiquement, le fait d’être jugé par des pairs plutôt que par un seul individu membre d’une élite intellectuelle rassurait les justiciables sur la justesse de la décision à être rendue.
Il y a aujourd’hui un amoindrissement de cet écart des classes, mais le procès devant jury demeure pertinent, puisque comme on l’apprend en première année de droit criminel, douze têtes valent mieux qu’une.
Douze têtes, mais aussi douze individualités, douze schèmes de valeurs différents, douze porteurs de bagages différents, douze citoyens de milieux, de classes et de scolarités diverses.
Quand on a le sort d’un individu entre les mains, cette diversité assure, il me semble, une décision qui ne peut pas être subjective.
Le choix du type de procès
Au Canada, quiconque commet un acte criminel passible d’une peine d’emprisonnement de plus de 5 ans a droit à un procès devant jury. Il existe aussi des crimes pouvant être jugés devant jury malgré qu’ils soient passibles d’une peine de 2 ans à 5 ans. C’est le choix de l’accusé, c’est son droit.
Les procès pour meurtre sont jugés automatiquement devant juge et jury, à moins que l’accusé fasse la demande d’être jugé devant juge seul et que le ministère public y consente. C'est excessivement rare que cela se produise.
Je n’ai pas fait d’études statistiques, mais je dirais que les jurys acquittent moins qu’avant, d’où le moins grands nombres de procès devant jury ces dernières années. Je suis donc d'autant plus pantoise devant les réactions provoquées cette semaine: on parle d'abolition du procès devant jury alors que j'ai la nette impression que ces procès, règle générale, sont à la satisfaction de ceux-là même qui en réclament l'abolition.
En matière de trafic de stupéfiants, par exemple, les 10 dernières années semblent nous enseigner qu’il vaut peut-être mieux, pour l’accusé, d’être jugé par un juge unique. Ceci est une opinion bien personnelle cependant, et tout dépendra toujours du dossier.
La sélection du jury
C’est à partir de la liste électorale, au hasard à travers la liste, que les citoyens sont appelés à se présenter à la Cour pour participer à la sélection d’un jury.
Certaines personnes sont d’emblée inhabiles. Les ministres, les prêtres et les avocats sont de celles-là. Quand bien même elles le voudraient, elles ne pourraient pas faire partie d’un jury.
Les candidats jurés doivent, à tout le moins, faire preuve d’impartialité.
Tous les candidats jurés qui se présentent devant le tribunal lors de la sélection en manifestant des préjugés seront exclus. On parle alors
de récusation pour cause, et le juge peut récuser pour cause autant de candidats jurés qu’il le souhaite. Il n’y a pas de limites.
Il existe aussi, en nombre limité, des
récusations péremptoires. Chaque partie a donc droit de récuser, sans raison, douze candidats jurés. C’est une affaire de flaire.
««
Anecdote : Alors que j’étais étudiante en droit, j’avais été appelée comme candidate jurée. Après discussion avec mes profs, il avait été convenu que l’expérience serait précieuse puisque je voulais faire du droit criminel et donc qu’on aménagerait ma session pour que je puisse y participer. Au juge Boilard j’ai répondu aux questions, entre autres celle de mon occupation : étudiante en dernière année de droit à l’UQAM. L’avocat de la Couronne, Normand Chénier, s’était dit satisfait de ma candidature, mais j’ai été récusée péremptoirement par l’avocat de la défense! (Salut, Me Boudreault! )»»
Le procès
Pendant un procès devant jury,
le juge qui préside est maître du droit. Toutes les questions strictement juridiques sont débattues, et tranchées, devant le juge en l’absence du jury. Ceci vise évidemment à préserver son impartialité.
Justement parce qu’il n’a pas de formation juridique, il pourrait être difficile pour le juré d'enfouir dans un casier de son cerveau une preuve illégale dont il a pris connaissance. Car c'est ainsi que les choses se déroulent lors d'un procès devant juge seul: celui-ci peut décider de l’illégalité d’une preuve, et l’exclure, pour ensuite rendre un verdict en sachant que cette preuve sans la considérer.
Le cas le plus patant, sans doute, celui d’un aveu. Si la police obtient d’un accusé l’aveu de sa culpabilité par des moyens illégaux, ou abusifs, le juge pourra exclure cet aveu. Et si l’ensemble de la preuve ne vaut rien sans cet aveu, il devra acquitter l’accusé, qui pourtant s’était mis à table
Difficile à accepter peut-être, mais c’est là une question de justice. Oui, de justice. Nous ne voulons pas vivre dans une société où des aveux sont illégalement obtenus. Le risque que ces aveux ne constituent pas la vérité devrait suffir à expliquer le fondement de la règle.
Il en va du droit et de la justice, ce ne sont pas là des technicalités.
Le jury, pour sa part, est maître des faits. Être maître des faits implique être maître de la preuve, ce qui comprend la preuve d’expert comme la preuve testimoniale. C’est au jury que revient la tâche d’évaluer le poids d’une preuve par rapport au poids d’une autre; c’est au jury que revient la tâche d’évaluer la crédibilité et la sincérité d’un témoin.
Les directives du juge au jury
Lorsque la preuve est close, les parties plaident.
À la fin des plaidoiries, le juge donne des directives au jury, c’est-à-dire qu’il leur résume la théorie de la Couronne et celle de la défense, il rappelle l’ensemble de la preuve, il explique les éléments constitutifs de l’infraction en cause, il explique ce qu’est le doute raisonnable, il explique quelle est la défense de l’accusé, s’il y a lieu. (Tous les accusés de présentent pas de défense puisque c'est la poursuite qui doit faire la preuve hors de tout doute raisonnable de la culpabilité). Enfin, le juge soumet au jury les verdicts possible. Par exemple, pour revenir sur ce sujet difficile, dans le cas du procès de Guy Turcotte, le juge David a probablement expliqué au jury qu’un verdict d’acquittement était impossible, l’accusé ayant reconnu les faits.
Le verdict
Les jurés se retirent, délibèrent, et décident. Ils doivent être unanimes. Lorsqu’ils n’arrivent pas à s’entendre, les jurés reviennent devant le tribunal qui habituellement les exhorte d'y parvenir.
Malgré cette exhortation, il arrive parfois que ce soit l’impasse : aucun verdict n’est possible et le procès est avorté. Je pense, ces dernières années, au procès Norbourg et au procès de Gregory Wooley. Dans une telle situation, le procès va le plus souvent recommencer. Gregory Wooley, représenté par Mes Cristina Nedelcu et Annie-Sophie Bédard, a été acquitté lors de son second procès.
On peut se dire déçu, triste et fâché par le verdict d’un jury, mais on peut difficilement prétendre, à moins d’avoir été présent au procès tous les jours, que c’est un verdict sans fondement rationnel et encore moins qu’il est injuste.
J’ai aussi envie de rappeler qu’en général, quand un jury condamne, la population applaudit; quand le jury acquitte, ou excuse, la population gronde. Même phénomène, d’ailleurs, quand il s’agit de la décision d’un juge unique. Deux poids, deux mesures. As usual, en matière de justice pénale. Les jurés sont compétents lorsqu'il s'agit de condamner, mais il deviennent inaptes lorsqu'il s'agit d'acquitter. Les juges ont pris la bonne décision de condamner, mais sont dans l'erreur quand ils acquittent ou arrêtent les procédures. C’est un peu lassant à la fin.
J’aurais envie que soit instauré un cours de droit obligatoire au niveau secondaire, puis un autre au niveau collégial, et que ce cours traite surtout des droits fondamentaux et de justice pénale…
Je vous invite à lire ce texte de Guillaume Bourgault-Côté , journaliste au Devoir et ancien juré :
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