Procès Turcotte
Condamnés à prononcer le verdict ?
Éric Thibault
Le Journal de Montréal
Les 11 jurés chargés de juger Guy Turcotte «étaient à toutes fins pratiques condamnés à prononcer un tel verdict», selon le sénateur Boisvenu
Ce dernier a tenu à dire qu'il ne blâme «pas du tout» ces sept femmes et quatre hommes pour la décision surprise qu'ils ont rendue mardi dernier.
«Le travail du jury dans ce procès n'a pas été facile. Ils ont été courageux et savaient probablement que leur verdict serait remis en question ou pouvait être mal reçu dans l'opinion publique. Mais ça ne nous empêche pas d'avoir un oeil critique sur un système de justice dans lequel on remarque une explosion de ce genre de verdicts.»
D'après le sénateur, les jurés avaient «une chance sur deux» d'en arriver à pareille conclusion, même s'ils devaient choisir entre quatre verdicts possibles dont trois de culpabilité (meurtres prémédités, meurtres au second degré ou homicides involontaires).
"Contrairement à la Couronne qui doit établir la culpabilité de l'accusé sur une preuve hors de tout doute raisonnable, la défense qui soulève la thèse de troubles mentaux n'a qu'à convaincre le jury sur une base de prépondérance des probabilités. Dès que les experts se contredisent, c'est la règle du 50 % plus un qui l'emporte.
«Pour M. ou Mme Tout-le-Monde, comment ne pas être confus face aux jugements de deux professionnels ayant la même formation, mais qui ont une perception diamétralement opposée sur l'accusé ? Je me mets à la place d'un juré. Comment tirer la ligne ?»
Portrait incomplet
Par contre, M. Boisvenu a du mal à comprendre que la Couronne n'ait pu mettre toutes ses cartes sur table pour accréditer sa thèse de la vengeance comme mobile des crimes allégués. Notamment les lettres troublantes de l'ex-cardiologue à Isabelle Gaston, à l'été 2009, où il énumère froidement la liste de ses avoirs et la valeur des biens du couple en vue du partage de leur patrimoine familial.
"Si le juge a permis aux psychiatres experts de la défense de rencontrer Turcotte plus d'un an après les crimes pour évaluer son état mental, pourquoi a-t-on exclu de la preuve certains de ses agissements cinq mois après le drame ?
«Ce procès se faisait sur la personnalité de l'accusé, puisqu'il avait admis avoir tué ses enfants. Il aurait été normal que la poursuite puisse brosser le portrait complet de l'accusé pour que le jury évalue l'impact de son état mental sur les gestes qu'il a commis. Ce sont malheureusement des éléments que le jury n'a pas eus pour prendre sa décision», a plaidé le sénateur.
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Procès Turcotte
Boisvenu veut retirer les jurés des procès compliqués
Éric Thibault
12/07/2011 06h21
Le gouvernement Harper devrait «repenser » la façon de juger les accusés plaidant des troubles mentaux, face à «l'explosion» du nombre de verdicts de non-responsabilité criminelle rendus au Canada et, surtout, au Québec.
C'est du moins ce qu'entend suggérer le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu au ministre fédéral de la Justice, Rob Nicholson, en parlant d'une volonté de positionner le système judiciaire «plus près de la philosophie des conservateurs» au pouvoir.
En entrevue au Journal de Montréal, le sénateur québécois fait valoir qu'en 2015, le ministère de la Justice prévoit que plus de 1200 accusés au pays recevront un verdict semblable à celui prononcé à l'endroit de Guy Turcotte. Une augmentation de 300 % par rapport à 1992, où les tribunaux canadiens avaient rendu seulement 402 verdicts semblables.
Pas deux fois plus de fous...
«Ce sont des statistiques inquiétantes. À la base du système de justice, quand quelqu'un admet avoir commis un crime, il y a une responsabilité qui vient avec. Ce qui inquiète le plus, c'est que le Québec demeure toujours, année après année, le champion de l'irresponsabilité criminelle dans ces décisions judiciaires. Près de la moitié de ces verdicts au pays sont rendus au Québec. Ce n'est sûrement pas parce qu'il y a deux fois plus de fous ici qu'ailleurs. C'est un signe que notre système de justice au Québec est beaucoup plus tolérant que dans le Canada anglophone.»
«On n'aide pas la justice»
Le fondateur de l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues évoque l'exemple de pays européens ou d'États américains qui ont décidé de confier le sort de ces accusés à des juges seuls, plutôt qu'à leurs pairs.
«Soumettre un jury à des témoins experts qui se contredisent n'aide pas la justice. Certains pays ont choisi que ces procès se déroulent devant juge seulement ou bien que l'expertise psychiatrique soit fournie par trois experts indépendants de la Couronne ou de la défense», propose-t-il.
Trop tolérant ?
Les tribunaux québécois ont écarté la culpabilité de 486 accusés en raison de troubles mentaux, en 2004. Presque trois fois plus qu'en 1992.
Le sénateur conservateur se demande si ces statistiques ne résultent pas d'un certain «laxisme» du système judiciaire, «trop tolérant» ou «facile à manipuler» par des accusés qui ne sont «pas de vrais malades mentaux», comme ils sont parfois « enclins» à se montrer cléments envers les criminels récidivistes.
«L'écart entre le Québec et les autres provinces canadiennes doit nous interpeller. C'est le symptôme d'une société qui banalise la criminalité, pour qui punir est mal, qui a tendance à croire que la cause d'un crime est ailleurs que chez le criminel et que la récidive est inévitable. Comme législateur, il faut s'interroger et c'est certainement un sujet dont je traiterai avec le ministre.»
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