Procès de Guy Turcotte
Les Québécois insatisfaits du verdict
Première publication 13 juillet 2011 à 04h51
Par Jean-Louis Fortin | Journal de Montréal
Une semaine après que Guy Turcotte ait été déclaré non criminellement responsable d'avoir poignardé à mort ses enfants de 3 et 5 ans, une majorité de Québécois voudrait modifier le Code criminel pour qu'une telle défense soit plus difficile à utiliser, révèle un sondage Léger Marketing commandé par l'Agence QMI.
Près des trois quarts des personnes sondées mardi sont d'accord pour que la loi soit changée, alors que seulement un Québécois sur cinq ne voudrait pas qu'on réaménage le Code criminel.
Et même si la poussière est retombée depuis le verdict-choc, une forte majorité (6%) de la population est toujours en désaccord avec la décision rendue par les 11 jurés, qui a permis à Turcotte d'éviter la prison.
«Avec le recul, on peut dire que les Québécois ont été surpris, perplexes et attristés par le verdict», résume Christian Bourque, analyste de Léger Marketing.
Globalement, seulement 22% des répondants sont d'accord avec la décision des jurés, selon la consultation menée hier par Internet, auprès de 610 Québécois.
Comme Boisvenu
En fait, la plus large part (58%) des répondants croit que les procès impliquant des psychiatres ou des psychologues comme experts devraient se tenir devant un juge seul, car il est trop difficile pour un simple citoyen d'avoir un jugement éclairé sur des preuves aussi complexes.
L'opinion populaire rejoint celle du sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, qui déclarait hier au Journal de Montréal qu'il faudrait «repenser» la façon de juger les accusés plaidant des troubles mentaux.
«Si Boisvenu décide d'aller de l'avant là-dessus, il y a une majorité de Québécois qui vont l'écouter», observe Christian Bourque.
Chose certaine, le procès de Guy Turcotte, qui a duré 12 semaines, a marqué les Québécois. 83% des citoyens sondés, dont une proportion de neuf femmes sur dix, disent l'avoir suivi.
Le bien et le mal
Rappelons que le jury a conclu à l'unanimité que les troubles mentaux qui affligeaient l'ancien cardiologue l'empêchaient de comprendre la portée de ses gestes lorsqu'il a asséné une vingtaine de coups de couteau à chacun de ses deux enfants.
Sur cette question, quant à savoir si une personne peut vraiment être dans un état psychologique tel qu'elle puisse commettre un crime grave sans faire la différence entre le bien et le mal, les Québécois sont divisés.
50% croient que c'est possible, mais 36% réfutent complètement cette hypothèse et 14% ne savent pas quoi en penser, selon le sondage. «Cette question laisse un grand mystère, il reste une série d'inconnus», résume Christian Bourque.
Sagesse
Le sondage commandé par l'Agence QMI montre également que les Québécois reconnaissent la valeur du travail des jurés.
Sept personnes sur dix «respectent le verdict des 11 citoyens sélectionnés comme jury, car ils ont dû prendre une décision difficile devant l'ensemble des faits».
Les Québécois ont été surpris, perplexes et attristés par le verdict
«Plus deux tiers des Québécois nous disent : Même si je suis en colère, même si je ne suis pas d'accord, il faut respecter le verdict», analyse Christian Bourque, qui y voit «une forme de sagesse».
Le Québec est la province où on a enregistré le plus de verdicts de non-responsabilité criminelle pour troubles mentaux entre 1992 et 2004. Même si on n'y retrouve que le quart de la population canadienne, 43,5% de tous les verdicts de non-responsabilité y ont été prononcés.
Ce sont surtout les femmes qui s'inscrivent contre la thèse retenue par les jurés. 69% d'entre elles sont en désaccord avec le verdict, contre 59% pour les hommes.
«C'est une femme qui a perdu ses enfants. Alors par simple solidarité, les femmes sont plus en désaccord avec le verdict que les hommes», explique Christian Bourque.
* * *
Avez-vous suivi le procès de Guy Turcotte, le cardiologue qui a reconnu avoir tué ses deux enfants?
22 % Oui, de façon assidue
61 % Oui, à l'occasion
1 %* *Ne connaît ou n'a pas entendu parler de ce procès
16 % Non, pas vraiment
Êtes-vous en accord ou en désaccord cord avec le verdict de nonresponsabilité criminelle rendu à l'endroit du cardiologue Guy Turcotte, suite au procès devant jury?
7 % Totalement en accord
27% Assez en désaccord
38% Totalement en désaccord
15% Assez en accord
11% Ni l'un ni l'autre
3% NSP
Selon vous, est-il possible qu'une personne puisse être dans un état psychologique tel qu'elle puisse commettre un crime grave sans être en mesure d'exercer son jugement ou faire la différence entre le bien et le mal, donc ne pas être criminellement responsable de son geste?
50 % Oui
36% Non
14% NSP
Est-ce que ce verdict vous a ...
SURPRIS? 80% Oui, 20% Non
LAISSÉ PERPLEXE? 71% Oui, 29% Non
ATTRISTÉ? 69% Oui, 31% Non
INDIGNÉ? 51% Oui, 49% Non
SATISFAIT? 81% Non, 19% Oui
Êtes-vous en accord ou en désaccord avec les énoncés suivants:
a. Le Code criminel devrait être modifié afin d'être plus restrictif et ainsi rendre plus difficile la défense de non-responsabilité criminelle.
Totalement en accord 45%
Assez en désaccord 28%
Assez en accord 11%
Totalement en désaccord 8%
NSP 8%
b. Il faut respecter le verdict rendu par les 11 citoyens, sélectionnés comme jury car ils ont dû prendre une décision difficile devant l'ensemble des faits.
Totalement en accord 36%
Assez en désaccord 32%
Assez en accord 18%
Totalement en désaccord 11%
NSP 3%
c. Les procès impliquant des experts comme des psychiatres ou psychologues ne devraient pas se tenir devant jury car il est trop difficile pour un simple citoyen de porter un jugement sur des preuves aussi complexes.
Totalement en accord 23%
Assez en désaccord 35%
Assez en accord 19%
Totalement en désaccord 17%
NSP %
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