Dans la bibliothèque des candidats de Big Brother
L'actualité, 5 avril 2021, Julie Roy
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Quand j’ai aperçu des livres dans ma téléréalité préférée, j’ai tout de suite été intriguée. Avait-on enfermé une bande de lecteurs dans une maison sans m’inviter ?
Un bouquin sur le hygge, cet art de vivre scandinave tout zen, qui traîne dans la chambre à coucher.
La bio de Michelle Obama, Devenir, enfouie dans le bazar du walk-in. Le poète, un excellent polar de
Michael Connelly, coincé dans la cabane en coussins, au milieu du salon. Et
A History of Knowledge. Je l’avoue, c’est l’apparition de ce titre obscur dans ma télé qui a attisé ma curiosité. Une brique historique, publiée en 1991 et jamais traduite en français. C’est vrai, les candidats n’étaient pas branchés sur Internet, leurs loisirs étaient limités, mais quand même, quel genre de lecteur s’intéressait à A History of Knowledge ? Heureusement pour moi — malheureusement pour lui —, le mystérieux liseur était évincé depuis deux semaines du manoir de L’Île Bizard lorsque j’ai cherché à le contacter.
« C’est vrai qu’il est aride, mais c’est le genre de livre que j’adore », explique
Kevin Lapierre, candidat sympathique et un des grands lecteurs de Big Brother, selon l’analyse peu scientifique, mais totalement plausible, de l’équipe de production. Kevin m’a raconté qu’avant de commencer à tourner Big Brother Célébrités, il avait vu une vieille publication Instagram où l’entrepreneur québécois Nicolas Duvernois présentait trois coups de cœur lecture. « Une fois sur place, j’ai demandé qu’on me les fasse parvenir. Outre A History of Knowledge, Nicolas Duvernois proposait
Eleven Rings, de l’ancien entraîneur des Bulls de Chicago Phil Jackson, et
Restaurant Man, du restaurateur new-yorkais Joe Bastianich. » Éclectique ? Curieux, surtout. « Je lis rarement de la fiction. Ce que j’aime, c’est apprendre. Ces suggestions étaient parfaites pour moi ! »
Et les autres candidats, qu’ont-ils lu ? L’équipe de production a accepté de me laisser zyeuter la liste des titres qui ont circulé dans la maison.
Certains de ces livres ont été fournis sur place, d’autres sont arrivés dans les valises des participants. On peut y déceler une belle curiosité :
Liberté 45, de Pierre-Yves McSween, s’y trouve, tout comme
La trajectoire des confettis, de Marie-Ève Thuot et Cœur de slush, de Sarah-Maude Beauchesne. L’humoriste
Richardson Zéphir aurait lu
L’exil vaut le voyage, de Dany Laferrière, et l’homme d’affaires
François Lambert, Sapiens, de Yuval Noah Harari. Un auteur qu’il partage avec Kevin Lapierre, qui s’est intéressé à un autre titre de l’historien israélien,
Homo Deus. « Je m’étais donné comme défi de le terminer avant de quitter la maison. Et c’est mission accomplie ! »
L’athlète
Kim Clavel, elle, a eu des rapprochements avec
Ton absence m’appartient, de Rose-Aimée Automne T. Morin. « Toute ma vie tourne autour de ce livre-là. Je ne veux pas le finir ! » peut-on entendre dire la boxeuse professionnelle à ses colocs dans un épisode de Big Brother 7/7, la version d’extraits non montés présentée à VRAK. Quand elle a vu l’extrait en question, l’autrice était heureuse et visiblement touchée. « Cet amour de la lecture, c’est le genre de message qu’on aimerait entendre encore plus souvent à la télévision », explique-t-elle. « Je suis vraiment contente que Big Brother Célébrités ait créé de telles rencontres avec les livres, surtout avec des auteurs d’ici. »
Et des auteurs d’ici, il y en avait quelques-uns parmi les participants, mais aucun n’avait publié autant que
Maxime Landry, un ancien candidat de Star Académie, qui sortira prochainement son cinquième roman,
Moi aussi, je t’aime (dont il a terminé les corrections, sur papier et en catimini, pendant qu’il était dans la maison !). Selon son éditeur, Libre Expression, plus de 30 000 exemplaires de ses romans se sont vendus depuis la parution du premier, en 2016. L’équipe derrière Big Brother m’a confirmé que le grand lecteur de la saison, c’était lui. Au téléphone, il acquiesce. Il me raconte avoir lu
La bête intégrale de David Goudreault lors de ses dernières semaines en ondes. « Je l’ai ensuite donné à Camille [NDLR :
Camille Felton, une comédienne qui participe à l’émission], en lui disant qu’elle était chanceuse de ne pas l’avoir lu encore. » Ce réel coup de cœur littéraire, a-t-il expliqué, lui aurait donné envie de faire encore plus de place à la lecture dans sa vie.
Serait-il possible que les livres aperçus dans la téléréalité, prêtés et dévorés, feuilletés et parfois abandonnés, créent le désir de bouquiner ? Car avoir le goût de lire, ça ne passe pas toujours par une liste de titres préchoisis ou de critiques bien senties. Ça peut aussi passer par
Kim, lorsqu’elle parle passionnément d’un
livre sur le deuil, ou par un exemplaire écorné d’une biographie que l’on remarque à l’écran.
Cette cohabitation livre-télévision m’a d’ailleurs rappelé un excellent ouvrage de Tonino Benacquista, Saga. Inspirée, j’ai même proposé mes services pour la prochaine édition de Big Brother. Avant l’arrivée des candidats, j’aimerais bien dissimuler des livres — Saga en premier ! — partout dans la maison. Puis je suivrais le destin de ces bouquins avec beaucoup trop d’intérêt : quel titre serait évincé dès la première semaine ? Lequel serait la bougie d’allumage de vives discussions dans la chambre du patron ? Quel livre pourrait inspirer le nom d’une alliance superpuissante qui remporterait toutes les épreuves ? Après tout, même si la lecture ne donne ni lingots ni véto dans Big Brother, on voit bien que c’est un compagnon essentiel quand on est enfermé dans une maison. Après un an de pandémie, nous pouvons tous en témoigner !