L'étau se resserre sur Lise Thibault
Écrit par Mathieu Boivin
Mise à jour le Samedi, 15 janvier 2011 14:25
QUÉBEC – L’ex-lieutenante-gouverneure du Québec, Lise Trudel-Thibault, ne pourra plus éviter l’œil du public et devra se présenter en personne au palais de justice de Québec, le 31 janvier, pour répondre d’accusations criminelles de fraude, d’abus de confiance et d’usage de faux documents.
Mme Thibault, qui est accusée d’avoir utilisé plus de 700 000 $ en fonds publics à des fins « personnelles ou injustifiées » pendant son mandat de représentante de la Couronne britannique au Québec, s’est jusqu’ici fait représenter devant la cour par son avocat, Me Michel Massicotte.
C’est Me Massicotte qui avait déposé un plaidoyer de non-culpabilité à la place de Mme Thibault, en octobre 2009, et c’est aussi lui qui avait demandé, près d’un an plus tard, une remise de l’enquête préliminaire qui devait débuter le 18 octobre 2010. Mais l’ex-lieutenante-gouverneure n’aura d’autre choix que de s’asseoir elle-même, le 31 janvier, sur le banc des accusés.
Obligation
En effet, « l’accusé est tenu d’être sur place lorsqu’il y a audition de témoins », a assuré Martine Bérubé, porte-parole de la Direction des affaires criminelles et pénales (DPCP) du ministère de la Justice. Mme Bérubé n’a pas voulu préciser le nombre de témoins appelés à la barre, mais elle a indiqué que la Couronne avait réservé deux semaines d’audiences pour l’enquête préliminaire.
L’avocat Massicotte aura l’occasion de faire valoir son point de vue sur la preuve et pourra contre-interroger les témoins. Au terme de cette enquête préliminaire, le juge devra décider si les preuves contre Mme Thibault sont suffisantes pour justifier la tenue d’un procès devant juge et jury.
On se souviendra que la DPCP avait soumis le dossier Thibault à un juge de la Cour supérieure, en septembre 2009, pour s’assurer que les preuves amassées lors des enquêtes policières étaient suffisantes pour porter des accusations. Cette pré-enquête avait confirmé la solidité du dossier.
Lise Thibault fait ainsi face à six accusations criminelles : une de fraude et d’abus de confiance contre le gouvernement canadien, une autre de fraude et d’abus de confiance contre le gouvernement québécois, une de fabrication de faux documents et une d’usage de faux documents. Si elle était trouvée coupable, elle serait passible d’une peine maximale de 14 ans de prison.
Dépenses d'agrément
Rappelons que l’ex-lieutenante-gouverneure du Québec s’est fait rembourser, de 1997 à 2007, de nombreuses dépenses d’agrément (parties de golf, de pêche ou de ski, banquets au restaurant et séjours à l’étranger, entre autres) sans fournir de preuve qu’elles étaient liées à ses fonctions officielles. Des membres de sa famille ont aussi profité de cadeaux inscrits à ses comptes de dépenses.
Les cartes de crédit personnelles de Mme Thibault ont également servi à plusieurs membres de son personnel en son absence.
L’ex-lieutenante-gouverneure a, de plus, esquivé le paiement de taxes sur de nombreux achats personnels (des dépenses d’épicerie, notamment) en se servant de l’exemption consentie aux représentants de la reine d’Angleterre.
Mme Thibault et son ex-directeur de la sécurité, Guy Hamelin, avaient par ailleurs échafaudé un stratagème qui leur permettait d’encaisser la totalité d’une allocation de logement de 4000 $ par mois versée par Québec, tout en facturant 600 $ par mois à Ottawa pour occuper une maison appartenant à M. Hamelin.
Tant devant les médias que devant une commission parlementaire de l’Assemblée nationale, Lise Thibault a toujours nié avoir utilisé les fonds publics de façon incorrecte. Elle a argué que les gouvernements ont toujours honoré ses notes de frais, ce qui est, selon elle, une admission que ses dépenses étaient légitimes.
« Ils n’avaient qu’à s’ouvrir les yeux », avait-elle résumé devant les parlementaires québécois, en octobre 2008. Elle s’était aussi plainte de ce que toutes les révélations d’une « certaine presse » avaient fait subir à une « pauvre vieille » comme elle. La solvabilité de Mme Thibault, qui réside à Saint-Hippolyte, n’est effectivement pas établie.
Poursuivie au civil
Qu’à cela ne tienne, l’ex-lieutenante-gouverneure est aussi poursuivie au civil par Québec, qui lui réclame le remboursement de 92 000 $. On retrouve, dans ce montant, quelque 60 000 $ détournés au profit de la fondation personnelle de Mme Thibault, environ 7000 $ en cours de ski et près de 5000 $ en frais de restaurant et de nourriture abusifs.
Mais Guy Hamelin est aussi visé par la poursuite. Le gouvernement québécois lui réclame plus de 20 000 $ en heures supplémentaires perçues indûment et environ 4000 $ en parties de golf jouées en Floride.
L’ex-directeur de la sécurité de Mme Thibault, qui se faisait souvent payer à temps double pour rester auprès de sa patronne lorsqu’il était en congé, a pris sa retraite dans les jours qui ont suivi l’entrée en fonction de l’actuel lieutenant-gouverneur, Pierre Duchesne.
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