Polygamie : même la liberté de religion ne peut la justifier
Le blogue de Manon Cornellier
23 novembre 2011
Il aura fallu plus de 60 ans pour que le gouvernement de la Colombie-Britannique demande aux tribunaux de se prononcer sur la constitutionnalité des dispositions du Code criminel interdisant la polygamie. Soixante ans pendant lesquels la communauté mormone polygame de Bountiful a pu vivre tranquille.
La Cour suprême de la province s’est finalement prononcée et selon elle, cette interdiction, même si elle peut contrevenir à la liberté de religion de certains, se justifie dans une société libre et démocratique car la pratique de la polygamie, dit la cour, fait trop de mal aux femmes, aux enfants, à la société en général et à l’institution du mariage monogame. Des maux dont la décision de 280 pages fait la triste liste.
Isolée et repliée sur elle-même, la communauté de Bountiful a été créée en 1946 et a vécu dans l’indifférence générale. Le village voisin de Creston s’en accommodait même bien puisque cela assurait à ses commerces une clientèle nombreuse. Mais avec les années, des femmes ont fui la communauté, les témoignages se sont multipliés. On a alors découvert les mariages imposés à un très jeune âge à des hommes beaucoup plus vieux, les maux associés à l’obligation de cohabiter avec d’autres épouses, les conséquences d’unions consanguines, les abus psychologiques, sexuels ou physiques, l’éducation limitée de la plupart des enfants.
Plusieurs procureurs généraux de la province ont pensé poursuivre, mais ils se sont d’abord buté sur l’absence de témoins disposés à parler. Puis, il y a eu la crainte de voir les dispositions du Code criminel tomber sous le coup de la liberté de religion. Les rapports sur la question se sont multipliés, jusqu’à ce que Wally Oppal, procureur général sous Gordon Campbell, en ait assez.
En 2008, des accusations ont été portées contre deux des leaders de la secte, dont Winston Blackmore, qui se vantait d’avoir 26 femmes et plus de 110 enfants. Mais les accusations sont tombées pour des raisons techniques, incitant finalement le gouvernement à procéder à un renvoi devant la Cour suprême de la province afin de trancher une fois pour toute la question constitutionnelle.
La décision de cette cour peut encore être contestée devant la Cour d’appel de Colombie-Britannique puis devant la Cour suprême du Canada, ce qui ne surprendrait personne, mais la première manche a été gagnée.
http://www2.lactualite.com/cornellier/2 ... justifier/" onclick="window.open(this.href);return false;