La charte des valeurs, entre division et inclusion
Djemila Benhabib appuie la charte des valeurs québécoises
Mise à jour le jeudi 12 septembre 2013
Djemila Benhabib
L'auteure de Ma vie à contre-Coran et candidate péquiste dans Trois-Rivières aux dernières élections dit appuyer le projet de charte des valeurs québécoises du gouvernement Marois.
Djemila Benhabib, engagée pour la cause des femmes contre l'intégrisme islamiste, a soutenu jeudi matin en entrevue à l'émission C'est pas trop tôt que ce projet était important pour instaurer des balises en matière d'accommodements religieux.
« Le problème de la présence du religieux dans l'espace public se pose depuis longtemps au Québec, mais il n'y a aucune balise pour la résoudre. Je vois d'un bon œil ce projet du ministre Drainville pour dégager un certain consensus », a-t-elle dit.
Selon Mme Benhabib, le problème se pose avec acuité dans la fonction publique.
« Si on interroge le milieu de l'éducation, le milieu hospitalier, celui des ministères, des prisons, il y a des questions récurrentes qui se posent dans chacune de ces sphères professionnelles. En cas de demande religieuse, que fait-on? La proposition des médecins spécialistes lors de la commission Bouchard-Taylor dit qu'il y a de réels problèmes. Le Syndicat de la fonction publique demandait au gouvernement il y a quelques années déjà d'interdire le port des symboles religieux au sein de la fonction publique », a indiqué Mme Benhabib.
« Le Conseil du statut de la femme s'est aussi prononcé, dans un avis légal, un pavé de plus de 100 pages, très bien documenté, qui allait dans ce sens. Il y a des acteurs professionnels dans la société qui réfléchissent et qui ont fait proposition dans le sens de ce que Bernard Drainville a proposé », a-t-elle rappelé.
Selon elle, on entend peu de voix en faveur du projet de charte parce qu'on ne donne pas à ses partisans la chance de s'exprimer.
« Il y a une monopolisation de la parole, de la part d'une petite élite multiculturaliste qui s'arroge le droit de confisquer la parole publique et de monopoliser le débat. Et c'est regrettable parce que ça se fait avec la complicité des médias, et notamment le service public. » — Djemila Benhabib
La laïcité dans les écoles françaises
Mme Benhabib soutient que la situation de la France, où une charte de la laïcité sera affichée dans les écoles, n'est pas si différente de celle du Québec, et qu'on peut en tirer des leçons.
« Lorsqu'on est enseignant [en France], on ne peut plus parler de certaines thématiques, il y a des sujets devenus quasiment tabous, interdits, des enseignants se font rabrouer. Il y a des sujets sur lesquels on ne peut plus se pencher », soutient-elle.
« Il y a des frictions qui contreviennent au vivre ensemble et à cette grande idée de l'école républicaine laïque. Personne ne remet en cause les acquis précieux de la République française », ajoute-t-elle.
Urgence d'agir au Québec
Selon Djemila Benhabib, il est temps que le Québec se penche sur la question de la laïcité pour prévenir les dérives.
« Je vois au Québec des phénomènes inquiétants, comme l'intégrisme religieux. Des conférenciers qui viennent déverser leur haine, leur rhétorique méprisante à l'égard des femmes, on ne voyait pas ça il y a quelques années. Cette manifestation de l'intégrisme musulman a donné naissance à une nouvelle forme d'intolérance chez les catholiques. Par exemple, les prières dans les conseils municipaux. Il y a quelques années, on ne sentait pas cette crispation identitaire. À une identité, je t'envoie une autre identité. Il faut apprendre à vivre ensemble », conclut-elle.
Drainville inquiet, mais nuancé sur l'islamisation
À une auditrice de l'émission Pas de midi sans info qui s'inquiétait devant la montée de l'islamisme dans le monde, le ministre responsable des Institutions démocratiques et du projet de charte des valeurs, Bernard Drainville, a répondu jeudi qu'il était préoccupé par ce phénomène.
M. Drainville a toutefois ajouté une nuance, insistant sur le fait que « la vaste majorité des Québécois d'origine maghrébine ou d'origine arabo-musulmane sont des gens tout à fait modérés et ne veulent que vivre heureux comme l'ensemble des Québécois, qui veulent se trouver un emploi et élever leur famille ».
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Et pour entendre l'entrevue
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