Publié le 29 juin 2011 à 05h00 | Mis à jour le 29 juin 2011 à 09h12
Les dindons de la royale farce
Jean-Simon Gagné
Le Soleil
(Québec) Avant, on tenait pour acquis que la vie des célébrités possédait un je-ne-sais-quoi. Un petit quelque chose d'exceptionnel.
Aujourd'hui, c'est tout le contraire. Les célébrités ne cessent de répéter qu'elles sont comme tout le monde. Ou qu'elles mènent une vie ordinaire.
Céline Dion est fière de dire qu'elle change des couches, comme toutes les mamans. Le coureur automobile Michael Schumacher a déjà expliqué qu'il faisait la queue devant le bureau de poste de son village suisse d'adoption, comme n'importe quel paysan. Et je vous fais grâce de toutes les célébrités nunuches qui s'émerveillent de réussir à respirer et mâcher de la gomme en même temps. Après tout, je voulais seulement fournir quelques exemples. Pas multiplier les comparaisons échevelées pour aboutir à une histoire idiote. Comme celle du coq qui présente un oeuf d'autruche à ses poules, par exemple.
Nous y reviendrons plus loin. C'est pas le moment. Faut pas s'éloigner du sujet.
Où en étions-nous, déjà? Ah oui. De nos jours, on ne compte plus les célébrités qui se placent sous la protection de la loi de la moyenne.
Ne souriez pas. Le petit numéro sur la vie ordinaire des gens extraordinaires a été poussé à son comble lors du mariage de William et Kate, le couple princier britannique, le 29 avril. Et tout indique qu'il nous sera resservi dimanche, lors de leur visite à Québec.
Pas étonnant qu'un ministre français ait décrit la monarchie britannique comme la «plus grande entreprise de spectacle du monde». À côté de la royale famille, même l'empire Disney ressemble à un producteur de télé-vérité.
On croit rêver en apprenant qu'en 1923, la radiodiffusion du mariage du futur roi George VI avait été interdite, parce que l'on craignait que des gens écoutent la retransmission sans prendre la peine d'enlever leur chapeau!
Désormais, c'est tout le contraire. La monarchie essaye de se montrer cool, moderne. Pour justifier son existence, elle ose se présenter comme une attraction touristique! Et même après un mariage qui aura coûté plus de 16 millions $, elle essaye encore de vendre la simplicité du couple princier.
«[Le prince] William se fait lui-même la cuisine et il fait son lit. Il se comporte comme une personne normale et c'est ce qu'il semble apprécier», a récemment expliqué son biographe, béat d'admiration.
Apparemment, les langues de vipère gaspillent leur salive lorsqu'elles répètent que la principale occupation de Kate Middleton, ces dernières années, aura consisté «à se préparer à épouser William». Ou à décider si elle irait au mariage en Rolls-Royce plutôt qu'en carosse...
À la fin, on voit mal quelle information bidon pourrait s'ajouter à ce conte de fées préfabriqué. La bière préférée du prince? La longueur combinée des intestins grêles des deux tourtereaux?
On s'ennuie presque de l'humour grinçant mais sincère du grand père, le prince Phillip. Un jour, l'incorrigible grincheux avait déclaré, en inaugurant un étrange bâtiment, à Vancouver : «Je déclare cette chose ouverte, peu importe ce que c'est.»
Mais qui sommes-nous pour juger, je vous le demande?
En 2007, les avocats du magnat de la presse «Lord» Conrad Black ont plaidé que leur illustre client ne pouvait pas être jugé équitablement par un jury composé de gens «ordinaires». De toute manière, ces gens ne peuvent pas comprendre la vie des gens riches et célèbres, disaient-ils en substance. Ils n'habitent pas plus d'une maison. Ils n'ont ni serviteurs, ni chauffeur. Pire, ils ne tiennent jamais de fêtes où l'on flambe 20 fois le revenu d'un salarié américain moyen en une seule nuit.
Bof. À quoi bon insister? De toute manière, les puristes vous diront que la vraie Angleterre est morte en 2003, le jour où le Wisden Criketers' Almanach, le livre saint du cricket britannique, a osé mettre une photo sur sa page couverture, brisant une tradition de 140 ans.
Un chroniqueur avait même comparé le geste à la publication de la photo de Judas Iscariotte sur la couverture de la Bible. Rien de moins.
Et puisqu'il s'agit d'une comparaison un tantinet échevelée, cela me rappelle de raconter l'histoire idiote du coq qui présente un oeuf d'autruche à ses poules.
«Je ne veux pas être désagréable, explique le coq. Je tiens seulement à vous montrer ce que la concurrence parvient à faire.»
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