description de l'éclelle HCR-20 dont la psychiatre qui a évalué Turcotte dit qu'il n'a pas de risque de récidive:
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Facteurs de risque et comportements violents chez les sujets atteints de troubles mentaux graves (R29)
Sous la direction de: Gilles Côté (Psychologie, Université du Québec à Trois-Rivières, Institut Philippe Pinel de Montréal )
Chercheurs associés: Sheilagh Hodgins (Psychologie, Université de Montréal), Marc Daigle (Psychologie, Université du Québec à Trois-Rivières), Belkacem Abdous (Médecine sociale et préventive, Université Laval)
Unités opérationnelles impliquées: Centre régional de réception, Centre régional de santé mentale, Centre fédéral de formation, Cowansville, Donnacona, Drummond, Joliette, La Macaza, Leclerc, Montée St-François, Port-Cartier, Ste-Anne-des-Plaines, Institut Philippe-Pinel et Hôpital Douglas.
Objectifs généraux
Identifier les facteurs de risque du comportement violent, d'une part, et de récidive, d'autre part. Sous cet aspect, le projet s'arrime à un projet pan-canadien d'étude des prédicteurs de la violence, projet initié par l'un de nos collaborateurs, le Dr. Christopher Webster. L'objectif du projet pan-canadien est de valider le HCR-20: Assessing Risk for Violence - Version 2. Les données pourront être partagées avec une équipe de la Colombie-Britannique (autour du Dr Webster); une équipe d’Allemagne sera également intégrée (autour du Dr Rüdiger Müller-Isberner).
Revoir la place que prend la spécificité clinique dans le champ de la violence, en considérant maintenant une plus grande diversité de clientèles, notamment en ce qui a trait au système judiciaire (sujets hospitalisés en raison d'une non responsabilité pour cause d'aliénation mentale; sujets incarcérés).
Articuler une intégration des facteurs de risque issus du champ de la violence en milieu naturel, d'une part, et du champ de la violence en milieu institutionnel, d'autre part. Cette articulation devrait améliorer notre compréhension des facteurs cliniques, phénoménologiques et contextuels associés aux comportements violents.
Intégrer les aspects auto-agressifs dans la mesure des comportements violents.
Renforcer notre connaissance d'une typologie basée sur la précocité des problèmes de comportement en recourant notamment à des sources objectives d'information (rapports de l'école concernant son comportement et sa performance scolaire; référence pour des problèmes de comportements ou des problèmes intériorisés; placements en classes spéciales, en établissement, en famille d'accueil). Les parents, la fratrie ou une personne proche peuvent éventuellement fournir des informations précises. Il est reconnu que la qualité des informations historiques influence la valeur de la prédiction.
Résultats
I-Comportement violent
La définition de comportement violent varie beaucoup d'une étude à l'autre. La simple considération du dossier criminel a fait l'objet de critiques. Depuis la mise sur pied du projet MacArthur aux Etats-Unis, il est maintenant reconnu qu'il faille considérer plus d'une source d'information; on retient le dossier criminel officiel, les informations fournies par le patient lui-même, de même que celles fournies par une tierce personne connaissant bien ce dernier (Monahan & Steadman, 1994; Monahan et al., 2001). Nos résultats confirment leurs observations. Ainsi, sur une base rétrospective, le pourcentage de patients ayant un dossier criminel pour un délit violent (définition de Statistique Canada, 2002) est de 59,3%. La considération des dossiers institutionnels élève ce pourcentage à 83,1; les informations fournies par le sujet permettent d'élever ce taux à 91,0% au plan des comportements violents généraux. Si l'on ne considère que les comportements auto-rapportés les plus sévères, en plus des dossiers criminel et institutionnels, le pourcentage est alors de 84,8. Tel qu'observé par Monahan et ses collaborateurs, les personnes ressources consultées apportent très peu d'informations supplémentaires. Il est difficile de les considérer en ce qui a trait aux comportements violents du fait qu'une proportion importante de patients ont soit refusé de fournir le nom d'une tierce personne, soit qu'ils n'avaient personne à référer. Qui plus est, les personnes rencontrées connaissaient parfois peu le patient. Néanmoins, le dossier criminel n'offre pas un indice véritablement complet pour évaluer le comportement violent. Les dossiers institutionnels paraissent bien identifier les comportements violents les plus sérieux. Joints aux informations fournies par le sujet, l'information s'avère assez complète.
L'étude a par contre permis de constater que l'information au niveau du dossier criminel est variable selon le statut légal du patient. Les délits violents manifestés par les patients tenus non criminellement responsables sont sous représentés. Il nous est donné d'observer que des délits aussi sévères que l'homicide ne sont parfois pas répertoriés. Ainsi, le taux de comportements violents chez les patients condamnés est de 92,3% à partir du dossier criminel et de 94,2% à partir des dossiers criminel et institutionnels. Chez les patients tenus non criminellement responsables, les taux sont respectivement de 66,2% et de 89,7%. La même tendance est observable pour les données prospectives.
Dans l'ensemble, la très grande majorité des patients ont manifesté un comportement violent par le passé (91,0%). Par contre, la récidive violente est réduite. Parmi les 114 patients revus au terme des deux ans de suivi, 9,2% ont été condamnés pour un nouveau délit violent; la prévalence des comportements violents, toutes sources d'information confondues, est de 26,4%. Aucun comportement violent grave n'est rapporté au cours des deux ans de suivi.
II-Mortalité et suicide
Le projet a aussi permis de recueillir des données sur les antécédents suicidaires, de même que sur leur niveau d'hostilité. Cette hostilité, établie ici comme un trait de personnalité relativement stable, peut par ailleurs être mise en relation avec les comportements suicidaires, d'une part, de même qu'avec les comportements violents hétéro-agressifs, d'autre part. La littérature scientifique pertinente établit un lien entre ces deux formes de passage à l'acte sous l'angle de l'impulsivité, laquelle est associée à des marqueurs de la sérotonine (voir Lesch & Merschdorf, 2000, pour une synthèse).
Au temps 1 de l'étude, 53,9% des participants déclarent avoir déjà fait au moins une tentative de suicide au cours de leur vie. Il s'agit d'un pourcentage très élevé, en comparaison des données disponibles dans la population générale des québécois âgés de 25 à 44 ans; 3,5% de ces derniers ont eu des comportements semblables selon l'Enquête sociale et de la santé 1992-1993 (Légaré, Lebeau, Boyer & St-Laurent, 1995). Ce pourcentage est également très élevé par rapport à ce qui est observé chez les hommes nouvellement admis dans les prisons québécoises (28%) (Daigle & Côté, 2002). La tentative la plus récente présente un score de létalité de 4,34 (ET= 0,27) à l'échelle de Smith, Conroy et Ehler (1984) pour les 92 événements qui ont pu être investigués en profondeur. Ce score de 4,34 se situe entre deux repères: 3,5 («mort improbable si premiers soins») et 5,0 («probabilité de mort à 50%-50%»). Avec ce système de classification de la létalité, 24 individus sur 92 (26%) ont donc réalisé une tentative où les probabilités de décès étaient plus élevées que 50%. À l'échelle Direction de l'hostilité du HDHQ, nous pouvons considérer 64 sujets (40,8%) comme ayant essentiellement une hostilité hétérodirigée et 93 autres (59,2%) une hostilité auto-dirigée (14 individus obtenaient un score de 0 et ne pouvaient donc être catégorisés).
Ces données sont importantes puisque, même si les sujets n'ont pas tous été revus, nous savons que 7 sujets relancés sur 114 sont morts: deux suicides formels; une mort suspecte (chute dans un escalier alors qu'intoxiqué); trois morts dans des circonstances non définies. Nous sommes informés que deux autres patients sont également décédés, ce qui porte le total connu à 9. La littérature scientifique indique qu'il s'agit d'une clientèle à risque en ce qui a trait aux accidents notamment, en plus du suicide. Ces résultats soulèvent beaucoup d'intérêt; ils posent tout le problème de la finalité de l'intervention: stabilisation des symptômes, d'une part, bien-être personnel, de l'autre. Presque tous les patients sans exception sont suivis et reçoivent une médication.
III-Spécificité clinique
À ce chapitre, les résultats viennent nuancer ce qui avait été observé lors d'une étude antérieure (Côté, Lesage, Chawky, & Loyer, 1997). Les sujets bipolaires sont moins violents que les sujets atteints de dépression majeure, une observation en accord avec l'étude antérieure, mais aucun pattern spécifique ne se dégage au niveau du diagnostic principal relié à la psychose. Ceci est observé à la fois au temps 1 et au temps 2. Le spectre (affectif ou psychotique) est différent au temps 1, mais aucune différence statistiquement significative n'est observée au temps 2. Deux conclusions se dégagent de ces observations: les patients admis sous garde ne peuvent être assimilés à la clientèle hospitalisée sur une base volontaire dans un hôpital psychiatrique général; la considération des patients tenus non criminellement responsables permet de nuancer la contribution du diagnostic de schizophrénie eu égard à la violence, en comparaison des patients présentant un trouble délirant ou un trouble psychotique non spécifié.
Par ailleurs, les diagnostics complémentaires liés aux substances psychoactives et aux troubles de la personnalité antisociale et borderline sont très significativement associés aux comportements violents. À nouveau, les patients condamnés à de la détention se distinguent très nettement. À ce chapitre, nous nous situons tout à fait dans la lignée des études importantes publiées récemment. De même, les résultats appuient la pertinence d'une spécificité clinique établie sur la base de la présence ou de l'absence du trouble des conduites avant 15 ans (mémoire de maîtrise en psychologie terminé et accepté; rédigé sous forme d'article).
En ce qui a trait à une spécificité clinique associée au milieu (violence en milieu institutionnel versus violence dans la communauté), il n'a pas été possible d'identifier de relation statistiquement significative parmi 76 sujets masculins atteints d'un trouble psychotique. Ces données préliminaires analysées dans le cadre d'un mémoire de maîtrise terminé et accepté montrent toutefois une forte tendance à ce chapitre, tendance appuyée par les limites posées par la puissance statistique. Ainsi, les patients atteints de schizophrénie, d'un trouble schizophréniforme ou d'un trouble schizo-affectif ont tendance à être plus violents en milieu institutionnel que dans la communauté, à la différence des patients atteints d'un trouble délirant ou d'un trouble psychotique non spécifié (Fisher (76), p < ,03).
La symptomatologie n'a pas encore été étudiée spécifiquement. L'analyse des données est l'objet d'une thèse de doctorat en psychologie (Julie Snyders: projet accepté à l'Université de Montréal).
IV-Facteurs de risque
Au delà des indices déjà présentés (diagnostic principal, précocité des problèmes de comportement, diagnostics complémentaires, etc.), certains indices synthèses ont été privilégiés, notamment l'indice de psychopathie (PCL-R) et les diverses échelles de la HCR-20 (historique (H), clinique (C) et gestion du risque (R)). À l'exception du facteur 1 de la PCL-R identifié par Cooke et Michie (2001) et de l'échelle R de la HCR-20, tous les indices mis en valeur par ces deux instruments sont associés au comportement violent (score total de la PCL-R, score total de la HCR-20, facteurs 1 et 2 identifiés par Hare (1991), facteurs 2 et 3 identifiés par Cooke et Michie (2001), échelles H et C de la HCR-20 (Webster, Douglas, Eaves, & Hart, 1997). Ces observations prévalent tant au plan rétrospectif que prospectif. Toutefois, dans le cadre d'une analyse de régression logistique, c'est le score à la HCR-20 qui rend compte de la contingence, le score à la PCL-R n'entrant pas dans l'équation. Il faut préciser que ce dernier est inclus dans les indices retenus par la HCR-20 (item H7). Ces résultats prévalent également lorsque seuls les hommes sont considérés.
V-Contexte associé au risque
Le type d'encadrement (défini par le statut légal considérant que celui-ci définit le type de prise en charge) et l'échelle R de la HCR n'apportent pas de contribution directe pour expliquer la violence au temps 2 (régression logistique). Par ailleurs, pratiquement tous les patients (98% au temps 1 et 97% au temps 2) bénéficient d'une médication au moment de l'évaluation. En somme, à ce jour, nous n'avons pas identifié de variables contextuelles pouvant contribuer à rendre compte du comportement violent à venir.
VI-Approche typologique
Tel que mentionné lors de la demande de subvention, nous cherchons à dépasser l'analyse centrée sur les variables pour nous diriger sur une analyse centrée sur les personnes. Au moment du dépôt de la demande, nous étions très intéressés par l'approche des suédois Bergman, Magnusson et El-Khouri (Bergman, 1998; Bergman & El-Khouri, 1998; Magnusson, 1998). Toutefois, une analyse plus approfondie nous a amenés à la conclusion que cette méthode se limite à considérer uniquement les possibilités de trajectoires, de sorte que nous sommes rapidement dépassés par le nombre de profils possibles. Au cours des deux dernières années, un groupe de personnes intéressées à ce type d'analyse s'est réuni régulièrement pour chercher des pistes d'analyse prometteuses. Par le biais de l'analyse des correspondances qui permet de définir des axes, sur lesquels est appliquée par la suite une analyse de groupement (cluster analysis), nous en arrivons à définir des types de participants (typologie) que nous confrontons à l'analyse linéaire utilisée essentiellement dans le domaine. L'analyse s'applique pour le moment essentiellement à la HCR-20 puisque cet instrument distingue les indices qui constituent la majeure partie des facteurs associés au comportement violent (psychopathie, trouble de la personnalité, toxicomanie, précocité des troubles de comportement, etc.).
À titre d'exemple, en utilisant l'ensemble des indices à l'échelle H de la HCR-20, ces axes sont alors essentiellement définis par les extrêmes: les scores 2 aux divers items d'un côté et les scores 0 de l'autre. Mais, au delà de ces scores extrêmes, qui définissent le potentiel de linéarité de l'échelle, il y a une multitude d'individus qui se regroupent dans les scores intermédiaires. À l'aide d'une nouvelle analyse des correspondances et d'une analyse de groupement portant sur ces scores intermédiaires, il a été possible d'identifier 9 sous-types. Au regard des comportements violents généraux identifiés au temps 2, il est possible de démontrer que le score à l'échelle n'est pas toujours associé au risque de comportement violent. Par exemple, le type 2 (n=6) (score de 10,5 sur une échelle variant entre 0 et 20) présume une probabilité de 50% de comportement violent à venir, alors que le type 4 (n=27) (score de 13,0) présente une probabilité de 20%. De même, le type 8 (n=10) (score de 13,2) présente un risque de 33%, avec un score identique au type 4, ce dernier présentant un risque moins élevé (20%). Certes, le nombre de participants est réduit, mais cela indique des tendances qui seront à confirmer lorsque l'étude de la relance sera complétée. L'analyse typologique basée sur les variables permet aussi de questionner la structure actuelle de certains items (par exemple, le point de coupure à l'item H2), tout en questionnant la caractéristique clinique des items C2 et C4, eu égard à la définition que donnent les auteurs à «clinique», ces items correspondant davantage au sens des items historiques avec lesquels ils ont une forte corrélation (,45). Les auteurs principaux de la HCR-20 (Christopher Webster et Kevin S. Douglas) se sont montrés très intéressés par l'approche d'analyse. L'approche dégagée par notre équipe devrait contribuer au développement de l'instrument, tout en assurant son rayonnement sur la scène internationale.
VII-Retombées pour le milieu
Le projet contribue au développement d'une approche plus systématisée de l'évaluation et de la gestion du risque. Des échanges ont eu lieu de façon régulière avec le Dr Gagné de l'unité médico-légale de Sherbrooke, de même qu'avec l'ensemble des psychiatres de l'IPPM. La PCL-R et la HCR-20 font maintenant partie de la batterie régulière des cliniciens à l'IPPM. Deux colloques organisés à l'Université de Montréal au cours des dernières années ont porté pour l'un sur la psychopathie et pour l'autre sur la HCR-20. Des conférences sur l'évaluation du risque à l'aide de ces instruments ont été présentées à l'Association des médecins psychiatres du Québec (congrès de l'AMPQ, 2002), aux intervenants du Service correctionnel du Canada, région Québec (mai 2000: Colloque réinsertion sociale et recherche), à divers intervenants belges et français lors d'un colloque portant sur les échelles d'évaluation du risque (Tournai (Belgique), mars 2001), à la Journée scientifique du département de psychiatrie du Centre universitaire de santé de l'Estrie (Magog, 2000), à une réunion du département de psychiatrie du Centre hospitalier Robert-Giffard (octobre 2002). Nous avons également formé un résidant en psychiatrie légale de ce dernier établissement aux divers instruments utilisés dans le projet. Ce dernier fait actuellement de l'expertise médico-légale; il est intéressé à poursuivre les contacts avec notre équipe. Soulignons que trois assistants de recherche cliniciens du projet au cours des dernières années travaillent actuellement comme psychologues à contrat pour le Service correctionnel du Canada, précisément pour la réalisation d'évaluations. Finalement, deux étudiantes de maîtrise ayant réalisé leur mémoire à l'aide des données du projet travaillent également comme psychologues contractuels pour ce même service.