La télé vue par Madame Louise
Des héroïnes qui surgissent des vieux livres
Louise Cousineau / TV Hebdo - 2011-05-03 09:22:42
«J’avais rêvé d’une autre vie.
Mais la vie a tué mon rêve…»
Si vous avez vu l’adaptation musicale des
Misérables, de Victor Hugo, cette chanson d’une tristesse infinie vous est restée dans la tête. Fantine la chantait. Fantine était la mère de la petite Cosette. Une femme sur qui tous les malheurs du monde sont tombés.
Et qui est morte jeune.
Lors de l’avant-dernier épisode de
19-2, Audrey, la minuscule policière, était dans le coma sur son lit d’hôpital. Un coma provoqué pour l’empêcher de souffrir. Le visage enflé et méconnaissable. Des lésions internes. Une bande de petits bums l’avait battue sans merci. Pire encore, sans aucune provocation. Elle s’était arrêtée pour porter secours à une jeune cycliste… membre de la bande.
Battue pour le fun.
C’était déjà assez pour la prendre en pitié.
Un destin de perdante
Mais c’est son journal intime, retrouvé dans l’auto-patrouille, qui nous a révélé l’ampleur du drame de la petite policière. Le journal contenait plein de photos de bonheur. Audrey avec Nick et le fils de Nick au chalet. Et le chien. Acheté par Nick pour son fils, mais confié à Audrey, parce que l’ex de Nick est allergique. Audrey aime Nick, qui aime encore son ex.
Audrey rêve d’une vie avec Nick Berrof, le fils et le chien. Les photos de son journal révélaient cette quête d’un bonheur ordinaire, mais inaccessible. Elle est sur son grabat d’hôpital. Si elle survit, elle n’aura sans doute que le chien. Avec une baise de Berrof de temps en temps.
Un destin de perdante. Comme Fantine.
J’ai pleuré en voyant cet avant-dernier épisode. Et la petite Audrey me revient constamment en mémoire.
La série numéro un
Le dernier épisode était excellent, mais n’avait pas le lyrisme du précédent. Et, bien sûr, il nous laissait sur notre faim — qui risque de prendre deux ans avant d’être rassasiée, étant donné le tiraillage entre la maison de production et Radio-Canada. Belle bande de misérables.
Deux ans sans savoir si Audrey survivra sans garder de séquelles. Deux ans de coma pour les fans de cette superbe série.
Détail intéressant: cet hiver,
19-2 a été la télésérie numéro un dans les sondages. Une œuvre complexe, qui demandait une attention soutenue et parfois un deuxième visionnement pour venir à bout de certains dialogues chuchotés. Une densité qui ne donnait pas envie d’envoyer des textos ou de répondre au téléphone.
Et le public a dit oui. Comme quoi la grande qualité ne fait pas fuir la clientèle.
De bonnes intentions
Si Audrey me rappelle la pauvre Fantine de Victor Hugo, Gabrielle, l’héroïne de
30 vies, ressemble beaucoup à Emma, la création de la romancière anglaise Jane Austen. Emma adore se mêler des affaires de son entourage. Ses interventions bien intentionnées tournent souvent au désavantage de ses protégés. Et d’elle-même.
Gabrielle est incapable de résister aux problèmes de ses élèves. On la voit emprunter toutes sortes de fausses pistes avant de trouver la bonne. C’est bien beau tout ça, mais ses propres enfants souffrent de son manque de disponibilité à leur égard.
À la mi-avril, on a commencé à observer une lassitude chez Gabrielle. La superwoman était essoufflée, et pour cause. Quand on amène les problèmes du travail à la maison, le burn-out nous guette. Il y a une limite à vouloir régler tous les problèmes.
Articulez!
J’avoue que je n’ai pas eu de coup de foudre pour
30 vies. Malgré la présence de Marina Orsini. Dans la première histoire, le comédien qui incarnait Dominique, le jeune qui sniffait de l’essence, avait un terrible défaut: une bouche molle qui l’empêchait d’articuler correctement.
Comment se fait-il que les enfants des
Parent soient compréhensibles, alors que c’est l’exception dans
30 vies? Même Dan Bigras marmonne. Le diffuseur devrait être plus sévère dans ses exigences: «Vous êtes bien payés, alors articulez.»
Finalement, j’ai réalisé que l’auteure Fabienne Larouche a mieux réussi
30 vies que
Trauma. Cet univers d’école secondaire multiethnique a plus de crédibilité que celui de l’hôpital froid et lugubre, peuplé de médecins plus ou moins disjonctés.