Amandine Bourgeois en interview
En 2008, une voix a succédé à Christophe Willem et Julien Doré au sommet du palmarès de la "Nouvelle Star". Avant de se préoccuper de son image, Amandine Bourgeois nous a d'abord scotchés par son chant. Un chant gorgé de chaleur éraflée, de gouaille charnelle, de vibrations émotives incarnant aussi bien la puissance que la fragilité, les pulsions noires du groove qu'une blancheur suspendue. Nous l'avons rencontrée : elle nous parle de son album "20 m2", de son vécu, de ses projets.
Bonjour Amandine ! Quelles ont été tes impressions lorsque tu t'es retrouvée un an plus tard sur le plateau qui t’a consacrée "Nouvelle Star" ? (Thierry Baumann, journaliste)
Amandine Bourgeois : Quand je suis revenue au Pavillon Baltard pour interpréter mon premier single, c’était un grand moment. C’était stressant, émouvant, et j’ai retrouvé les gens que j’aimais. En passant trois mois là-bas, on créé des liens avec les musiciens, le jury, les techniciens, toute la famille "Nouvelle Star". C’était très émouvant. Malgré le stress et le trac, je me suis lâchée, je me suis vraiment éclatée sur scène. Je savais que je n’allais pas être éliminée ! C’était vraiment sympa.
Tu es passée à autre chose, un an plus tard... A quelque chose qui te ressemble, qui est totalement personnel ? La "Nouvelle Star" c’est loin ?
La "Nouvelle Star" c’est autre chose, oui. On chante des reprises, on est dans un jeu. On est des candidats, éliminés chaque semaine et on interprète des tubes internationaux pour toucher un large public. Ça ne m’intéressait pas de faire un album de reprises. Je composais avant la "Nouvelle Star", j’ai fait ce télé-crochet pour me faire connaitre, pour avoir un moyen de faire mon album. C’est une émission qui te permet d’ouvrir des portes beaucoup plus rapidement que si tu n’y avais pas participé.
Parlons un peu de cet album. Le titre est important : fait-il référence à l’endroit où tu l’as fait ?
"20 m²" fait référence à mon petit cocon toulousain, mon petit appart. Ça veut aussi dire que dans un endroit confiné et restreint on est complètement libre de rêver et de créer. Et c’est qui je suis, ça me ressemble.
L'enregistrement de l'album s’est aussi fait dans un espace restreint ?
Edith Fambuena a une cabine d’enregistrement qui fait 20m². C’était drôle ; on a beaucoup ri là-dessus.
Rappelle nous qui est Edith Fambuena...
C’est une réalisatrice que j’admire beaucoup. Elle a réalisé l’album de Tété, "A la faveur de l’automne", Pauline Croze, que je ne me lasse pas d’écouter, Kaolin, la Grande Sophie, Bashung ("Fantaisie Militaire"), et les trois albums d’Etienne Daho. C’est une grande dame et je suis très fière qu’elle ait accepté de produire cet album.
Tu as commencé à écrire, à composer de ton côté, aidé d’un guitariste qui ne te quitte plus !
Je suis auteure compositeur, j’écris mes textes et je compose mes mélodies. J’ai collaboré avec un compositeur toulousain qui s’appelle Guillaume Soulan, qui a beaucoup de talent. Effectivement, on est devenu un binôme artistique. Lui vient de la pop anglaise, moi du côté soul/jazz. Le mélange donne quelque chose de novateur, d’original. J’ai pris énormément de plaisir à travailler avec lui. J’ai aussi collaboré avec mon papa, un jeune auteur de 60 ans. J’écris mes propres textes mais je trouvais intéressant de m’ouvrir. Il m’a beaucoup apporté en maturité, sur certains mots, certaines expressions. Ce n’est pas la même maturité à 60 ans !
Comme quoi par exemple ?
Il a écrit un texte, le morceau "Les trous", qui m’a beaucoup touché. La première fois que j’ai lu ce texte, je me suis reconnue dedans. Il y a eu une recherche des mots absolument incroyable.
Qu’est-ce que tu as voulu écrire ? Des choses sont arrivées spontanément ? Je sais aussi que tu es une grande observatrice.
Oui, j’aime bien observer. L’album est en partie autobiographique, et il y a des chansons où je m’inspire de mes amis, de ma famille, de mes proches, des gens que je peux observer dans la rue, dans les bars, un peu partout. J’aime bien raconter des petites histoires, façon court métrage, des petites scénettes avec des atmosphères, des ambiances différentes à chaque fois.
Prenons deux titres, "La fièvre acheteuse" et "Les loustics" par exemple.
Pour "La fièvre acheteuse", je me suis inspirée d’une amie. À chaque fois qu’on va faire les magasins, à un moment elle me confie sa carte bleue parce qu’elle pense qu’elle ne va jamais pouvoir s’arrêter d’acheter. Je pense qu’elle est vraiment atteinte de la maladie de la fièvre acheteuse. Elle m’a inspiré ce morceau, mais j’ai un peu brodé. Elle n’est pas non plus folle furieuse ! Mais elle a ce souci de vouloir acheter tout le temps. Pour "Les loustics", je me suis inspirée de ma jeunesse, ou des jeunes filles qu’on peut observer en boite de nuit. C’est l’histoire d’une jeune fille qui cherche son prince charmant en boite, et qui fait erreur. On ne trouve jamais son prince charmant en boite de nuit, je ne pense pas. Je trouvais ça très drôle de raconter cette histoire.
Musicalement, tu as plein d’influences, à la fois francophones et anglo-saxonnes, qui vont même vers des groupes des années 70 ?
Au niveau de mes influences musicales, j’adore Pink Floyd, c’est vraiment un groupe que j’affectionne particulièrement, et Led Zeppelin. J’écoute aussi beaucoup de soul, Rachelle Ferrell, Joss Stone… J’écoute aussi la scène française comme Camille, Mademoiselle K, Anaïs. Je suis très éclectique dans mes goûts, je me nourris de plein de choses différentes, même du hip hop !
Et tu aimes le travail des voix.
J’adore le travail des voix. C’est pour ça que j’admire une chanteuse comme Camille, parce que ça résonne en moi. Ma manière de composer à la maison, c’est ça, j’ai mon logiciel, mon clavier, mon micro. J’enregistre une ligne de basse à la voix. Je la superpose avec une ligne d’autre chose, une trompette à la voix par exemple. Je superpose les voix comme ça, et ça me fait un petit morceau sur lequel je peux poser ma ligne mélodique et mon texte.
Tu as également été épaulée par des auteurs compositeurs que tu souhaitais approcher. C’était des rencontres très précises que tu voulais faire ?
Ça a été de belles rencontres. Ce n’était pas du tout précis. J’étais très ouverte. J’avais cette envie de m’ouvrir, de rencontrer des artistes et d’écouter différentes chansons qu’on pouvait me proposer. J’ai eu beaucoup de chance parce que Jeanne Cherhal a tenu à me féliciter sur ma prestation à la "Nouvelle Star" et elle m’a dit qu’elle avait envie de m’écrire une chanson. J’étais ravie, un jour elle m’appelle et me dit qu’elle a passé une nuit blanche à écrire un morceau pour moi et me demande de l’éc uter, de lui dire ce que j’en pense. Elle était tout modeste alors que moi je me dis « Ouah, Jeanne Cherhal m’appelle !! ». Quand j’ai écouté son morceau pour la première fois j’ai eu les larmes aux yeux, ça m’a touché, j’ai trouvé ça très beau. Ça lui ressemble, c’est vraiment du Jeanne Cherhal. Mais je réagis au coup de cœur. Les morceaux que j’interprète sur cet album qui sont de d’autres artistes, ce sont des coups de cœur. Ce sont des morceaux que j’avais vraiment envie de faire, j’ai été touché par ces morceaux là.
Qui sont les autres auteurs compositeurs ?
Ludéal m’a écrit "Sans lui" ; Ariane Moffatt m’a écrit "L’homme de la situation". J’ai croisé Ariane dans les couloirs de notre maison de disque. On a sympathisé, elle m’a offert son troisième album. C’est une Québécoise super chaleureuse, drôle, la super copine. J’ai écouté son album et je ne me lasse pas de l’écouter, j’adore son album. Je trouve qu’elle a un talent énorme. On a trouvé qu’on avait toutes les deux une manière similaire de chanter, ce grain de voix un peu voilé. Elle a voulu m’écrire une chanson, et quand je l’ai écouté, je dansais toute seule sur ma chaise. C’était génial.
C’est du vécu quelque part ?
Oui, ce sont des artistes qui ont vraiment su faire écho à mon univers. Le texte "L’homme de la situation", je me reconnais dedans. Ça me fait penser à un ex d’ailleurs. Bien fait pour toi ! (rires)
Parle nous un peu de tes jeunes années. Dans cet album, tu as voulu réunir des petits clins d’œil : Amandine qui fait de la flute traversière, Amandine qui a fait aussi de l’opéra rock…
Je suis née dans une famille de musiciens, d’artistes. Mon papa est guitariste, mon beau père est bassiste. C’est vrai que j’ai tout de suite baigné dans un univers musical et artistique. J’ai fait de la flute traversière au conservatoire de Nice. Ensuite je suis partie en Angleterre, parfaire ma culture musicale. J’ai intégré des groupes, j’ai chanté dans des bars, et j’ai pris des cours de chant avec un prof lyrique, qui m’a appris les bases du chant. Une fois que j’ai eu traversé toutes ces expériences qui m’ont enrichie musicalement, je me suis lancée à passer différents castings, j’avais envie d’évoluer de faire autres choses. J’ai toujours été très attirée par le théâtre. Par chance, j’ai passé une audition à Toulouse pour un opéra rock qui s’appelle "The wall". On retrouve Pink Floyd, le groupe que j’écoutais en boucle quand j’étais adolescente. C’était génial. C’est ma première grosse expérience pro, j’ai pris un super pied ! J’ai pris beaucoup de plaisir à faire ça, même si ça a été dur, stressant, beaucoup de boulot. J’interprétais le rôle de quatre femmes différentes, c’était très intéressant. On tournait tout en anglais. Le metteur en scène voulait vraiment respecter le film.
Tu prends beaucoup de plaisir à jouer tes chansons ?
Je pense que quand on est chanteur on interprète, on joue des personnages dans les chansons, on raconte des histoires. C’est aussi normal d’avoir ce petit truc là en plus. Le théâtre m’attire beaucoup, j’aime bien jouer à fond le personnage que j’interprète dans une chanson.
On peut dire que pendant ces années où tu as fait du piano bar, ça t’a un peu cassé la voix... Y-a-t-il eu un accident qui fait qu’aujourd’hui tu as cette voix ?
Quand je chantais dans les bars, je n’avais pas vraiment de technique, je n’avais pas pris de cours avant. En plus, dans les bars, c’est un public qui ne te connait pas, qui n’est pas là pour toi. C’est difficile comme exercice parce qu’il faut passer au dessus du brouhaha, essayer de capter les gens. C’est très formateur mais comme je n’avais pas de technique et qu’on chantait 3-4 heures non stop, je me suis usée. C’était vraiment dur. Je me suis retrouvée aphone pendant plusieurs mois. C’était très dur, j’ai accusé le coup, j’étais limite en déprime. C’est ce prof de chant lyrique qui s’appelle Christian Crozes qui m’a sauvé. Il m’a demandé de m’arrêter pendant un an pour me remettre sur pied, retrouver ma voix. Les profs lyriques aiment bien les voix pures et lisses. J’ai dit que je ne pouvais pas m’arrêter, que je vivais de ça. Il m’a dit qu’il allait me remettre sur pied, mais que je garderais toujours des cicatrices. Du coup, j’ai cette voix avec mes cicatrices, c’est ce qui me donne ce grain voilé, abimé.
Des concerts sont-ils prévus ?
Il y a une tournée à partir de décembre 2009. On va commencer avec des petits shows case dans différentes villes, dans les magasins de disques. Pour la tournée, j’aimerais préparer un show très sympa. Je trouve que dans l’album il y a un côté ludique, fofolle, théâtral, parce que la base est folk. J’aimerais que la scène soit à l’image de l’album, avec plus d’énergie, plus de puissance. Certains morceaux vont être révélés par la scène : guitare électrique, cuivres, des sons et des ambiances. Pour lier les morceaux, il y aura peut être des scénettes jouées, pour qu’il y ait un aspect théâtral. Il y aura bien sûr beaucoup de communication avec le public, de partage et de rires. Plus on est de fous plus on rit !
le mardi 04 août 2009
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