Publié : mar. mars 06, 2007 2:20 pm
L'Organisation et le Parrain font la loi
Réjean Tremblay
La Presse
L'Organisation a toujours eu le bras long. Dans le temps, elle a cassé Maurice Richard et l'a forcé à vendre du mazout et des cordes à pêche pour vivre. Puis, elle a brisé Guy Lafleur et a réussi à le chasser du Forum. Elle a chassé Patrick Roy et, avec l'aide des petits copains des médias, a toujours tenu le haut du pavé.
L'Organisation contrôle sa télévision et sa radio. Les gens de RDS et de CKAC dépendent de l'Organisation et doivent donc protéger l'Organisation.
L'Organisation et ses responsables des communications savent parfaitement jouer le jeu de la compétition. Si un journal met en danger l'image de l'Organisation, elle se sert d'un autre journal pour discréditer celui qui a fait son travail et fait éclater la vérité. Ça a toujours été ainsi même depuis que les journalistes sont des professionnels protégés par des syndicats.
Les journalistes qui gravitent autour de l'Organisation sont habitués à avoir l'information prédigérée par les membres de l'Organisation. Quand on arrive au Centre Bell, les statistiques sont prêtes, le lunch est servi et c'est l'Organisation qui décide qui va parler à qui. C'est subtil mais c'est ainsi que ça fonctionne. En cas de crise, les journalistes qui doivent penser par eux-mêmes pour une rare fois dans une saison ont donc une grande difficulté à trouver leurs repères. Ils vont facilement croire les démentis et les mensonges de l'Organisation. C'est humain et c'est tellement facile. L'Organisation connait ses amis et elle sait sur qui elle peut compter.
De plus, l'Organisation sait qu'elle peut compter sur l'amour et la partisannerie de ses clients. Le vrai partisan ne lira pas le texte de l'entrevue accordée par Alexei Kovalev à la journaliste Regina Sevostianova de la radio moscovite. Il ne verra pas que dans le fond, Kovalev n'a rien dit de si faux. Le vrai partisan veut tellement que ses idoles soient parfaites qu'il va croire le plus épais des mensonges sans même s'attarder au texte discuté.
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L'Organisation est puissante mais elle n'est pas seule. Alexei Kovalev est un Parrain de grand calibre lui aussi. Hier, pendant que Bob Gainey se sauvait piteusement, le Parrain s'installait sur une caisse pour affronter une trentaine de journalistes. Il est arrivé avec le sourire et a manipulé tout le monde avec une facilité désarmante. Il a dit des bouts de vérité pour mieux faire passer les gros mensonges et, à la fin, il a menacé les journalistes en disant que s'ils continuaient à l'embarrasser de cette façon, pourquoi resterait-il à Montréal?
Tout de suite, les journalistes ont craint d'être montrés du doigt par le parrain. Ben oui. La grosse peur! À 4,5 millions, quelle équipe va s'offrir un joueur qui s'en contrefiche huit matchs sur dix?
Mais j'ai été ébloui par la puissance de la personnalité de Kovalev. Ce gars-là a un charisme comme je n'en ai pas vu souvent, tous sports confondus. S'il voulait, il serait un formidable leader dans l'équipe.
Cela dit, l'Organisation et le Parrain sont puissants. L'Organisation s'est occupée de contrôler les dommages à Montréal et au Québec pendant que le Parrain s'occupait de Moscou.
Dimanche avant-midi, Regina Sevostianova confirmait par écrit que l'entrevue diffusée à la radio et le texte publié dans l'hebdo russe Football-Hockey étaient conformes en tous points à ce qui s'était dit. Dans l'heure qui a suivi, Alexei Kovalev l'a appelée. Le Parrain l'a confirmé à Montréal, hier, pendant qu'elle disait à Moscou qu'il ne lui avait pas parlé au cours des derniers jours. Pauvre fille, ça doit être l'enfer.
Alex Kovalev est le Parrain des joueurs russes en Amérique. Quand l'équipe visite une autre ville, tous les joueurs russes viennent saluer Kovalev et lui rendre leurs hommages. C'est lui qui est capitaine de l'équipe nationale russe et si le Canadien rate les séries éliminatoires, le Parrain sera à Moscou pour les Championnats du monde.
Je vous pose la question. Que peut faire une journaliste russe d'une station moscovite quand le grand Alexei Kovalev l'appelle pour lui dire: «Tu m'as flanqué dans la merde et tu vas m'aider à m'en sortir!». Elle est sans défense. Même à Montréal, dans des journaux syndiqués et puissants, l'Organisation a réussi à faire peur à des patrons pourtant à cheval sur les grands principes. Si la journaliste russe veut des entrevues avec les joueurs russes dans la Ligue nationale, si elle veut avoir des entretiens aux Championnats du monde à Moscou dans moins de deux mois, elle doit casquer. Le Parrain est aussi puissant à Moscou que l'Organisation l'est à Montréal.
Gennady Boguslavsky, l'auteur d'une biographie de Kovalev et porte-parole de Kovalev, rôdait hier au Centre Bell. Il a pissé dans les oreilles de tout le monde depuis deux jours. L'objectif: discréditer Mlle Sevostianova et l'hebdo Football-Hockey. Il a fait pour le Parrain ce que d'autres font pour l'Organisation. C'est de bonne guerre, c'est comme ça que ça se passe.
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Je sais que vous adorez vos Glorieux. C'est correct, cet amour permet à des centaines de personnes de gagner leur vie dans des conditions souvent agréables. Mais juste pour votre plaisir, relisez le texte intégral paru dans l'hebdo russe et vous allez être soufflé. Au moins 90% de ce que dit Kovalev est vrai si l'on se fie à sa perception. Bien plus, c'est absolument impossible qu'une journaliste à Moscou qui n'a jamais mis les pieds à Montréal puisse inventer les dizaines et dizaines de détails et d'informations précises que vous allez savourer l'article. Ça prend un homme aussi intelligent qu'Alexei Kovalev pour avoir une lecture aussi fine de la situation.
Évidemment que le Parrain ne s'attendait jamais à ce que ce texte se retrouve dans La Presse de Montréal.
Il fallait sauver les intérêts supérieurs de l'Organisation et du Parrain. Les deux se sont donc entendus sur les mensonges à dire pour sauver la face.
Le plus génial, et je pense que Guy Carbonneau ne l'a pas encore réalisé, c'est que cette union fondée sur le mensonge pourrait aider grandement l'équipe. Kovalev va être obligé de jouer, jeudi, à Atlanta.
Réjean Tremblay
La Presse
L'Organisation a toujours eu le bras long. Dans le temps, elle a cassé Maurice Richard et l'a forcé à vendre du mazout et des cordes à pêche pour vivre. Puis, elle a brisé Guy Lafleur et a réussi à le chasser du Forum. Elle a chassé Patrick Roy et, avec l'aide des petits copains des médias, a toujours tenu le haut du pavé.
L'Organisation contrôle sa télévision et sa radio. Les gens de RDS et de CKAC dépendent de l'Organisation et doivent donc protéger l'Organisation.
L'Organisation et ses responsables des communications savent parfaitement jouer le jeu de la compétition. Si un journal met en danger l'image de l'Organisation, elle se sert d'un autre journal pour discréditer celui qui a fait son travail et fait éclater la vérité. Ça a toujours été ainsi même depuis que les journalistes sont des professionnels protégés par des syndicats.
Les journalistes qui gravitent autour de l'Organisation sont habitués à avoir l'information prédigérée par les membres de l'Organisation. Quand on arrive au Centre Bell, les statistiques sont prêtes, le lunch est servi et c'est l'Organisation qui décide qui va parler à qui. C'est subtil mais c'est ainsi que ça fonctionne. En cas de crise, les journalistes qui doivent penser par eux-mêmes pour une rare fois dans une saison ont donc une grande difficulté à trouver leurs repères. Ils vont facilement croire les démentis et les mensonges de l'Organisation. C'est humain et c'est tellement facile. L'Organisation connait ses amis et elle sait sur qui elle peut compter.
De plus, l'Organisation sait qu'elle peut compter sur l'amour et la partisannerie de ses clients. Le vrai partisan ne lira pas le texte de l'entrevue accordée par Alexei Kovalev à la journaliste Regina Sevostianova de la radio moscovite. Il ne verra pas que dans le fond, Kovalev n'a rien dit de si faux. Le vrai partisan veut tellement que ses idoles soient parfaites qu'il va croire le plus épais des mensonges sans même s'attarder au texte discuté.
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L'Organisation est puissante mais elle n'est pas seule. Alexei Kovalev est un Parrain de grand calibre lui aussi. Hier, pendant que Bob Gainey se sauvait piteusement, le Parrain s'installait sur une caisse pour affronter une trentaine de journalistes. Il est arrivé avec le sourire et a manipulé tout le monde avec une facilité désarmante. Il a dit des bouts de vérité pour mieux faire passer les gros mensonges et, à la fin, il a menacé les journalistes en disant que s'ils continuaient à l'embarrasser de cette façon, pourquoi resterait-il à Montréal?
Tout de suite, les journalistes ont craint d'être montrés du doigt par le parrain. Ben oui. La grosse peur! À 4,5 millions, quelle équipe va s'offrir un joueur qui s'en contrefiche huit matchs sur dix?
Mais j'ai été ébloui par la puissance de la personnalité de Kovalev. Ce gars-là a un charisme comme je n'en ai pas vu souvent, tous sports confondus. S'il voulait, il serait un formidable leader dans l'équipe.
Cela dit, l'Organisation et le Parrain sont puissants. L'Organisation s'est occupée de contrôler les dommages à Montréal et au Québec pendant que le Parrain s'occupait de Moscou.
Dimanche avant-midi, Regina Sevostianova confirmait par écrit que l'entrevue diffusée à la radio et le texte publié dans l'hebdo russe Football-Hockey étaient conformes en tous points à ce qui s'était dit. Dans l'heure qui a suivi, Alexei Kovalev l'a appelée. Le Parrain l'a confirmé à Montréal, hier, pendant qu'elle disait à Moscou qu'il ne lui avait pas parlé au cours des derniers jours. Pauvre fille, ça doit être l'enfer.
Alex Kovalev est le Parrain des joueurs russes en Amérique. Quand l'équipe visite une autre ville, tous les joueurs russes viennent saluer Kovalev et lui rendre leurs hommages. C'est lui qui est capitaine de l'équipe nationale russe et si le Canadien rate les séries éliminatoires, le Parrain sera à Moscou pour les Championnats du monde.
Je vous pose la question. Que peut faire une journaliste russe d'une station moscovite quand le grand Alexei Kovalev l'appelle pour lui dire: «Tu m'as flanqué dans la merde et tu vas m'aider à m'en sortir!». Elle est sans défense. Même à Montréal, dans des journaux syndiqués et puissants, l'Organisation a réussi à faire peur à des patrons pourtant à cheval sur les grands principes. Si la journaliste russe veut des entrevues avec les joueurs russes dans la Ligue nationale, si elle veut avoir des entretiens aux Championnats du monde à Moscou dans moins de deux mois, elle doit casquer. Le Parrain est aussi puissant à Moscou que l'Organisation l'est à Montréal.
Gennady Boguslavsky, l'auteur d'une biographie de Kovalev et porte-parole de Kovalev, rôdait hier au Centre Bell. Il a pissé dans les oreilles de tout le monde depuis deux jours. L'objectif: discréditer Mlle Sevostianova et l'hebdo Football-Hockey. Il a fait pour le Parrain ce que d'autres font pour l'Organisation. C'est de bonne guerre, c'est comme ça que ça se passe.
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Je sais que vous adorez vos Glorieux. C'est correct, cet amour permet à des centaines de personnes de gagner leur vie dans des conditions souvent agréables. Mais juste pour votre plaisir, relisez le texte intégral paru dans l'hebdo russe et vous allez être soufflé. Au moins 90% de ce que dit Kovalev est vrai si l'on se fie à sa perception. Bien plus, c'est absolument impossible qu'une journaliste à Moscou qui n'a jamais mis les pieds à Montréal puisse inventer les dizaines et dizaines de détails et d'informations précises que vous allez savourer l'article. Ça prend un homme aussi intelligent qu'Alexei Kovalev pour avoir une lecture aussi fine de la situation.
Évidemment que le Parrain ne s'attendait jamais à ce que ce texte se retrouve dans La Presse de Montréal.
Il fallait sauver les intérêts supérieurs de l'Organisation et du Parrain. Les deux se sont donc entendus sur les mensonges à dire pour sauver la face.
Le plus génial, et je pense que Guy Carbonneau ne l'a pas encore réalisé, c'est que cette union fondée sur le mensonge pourrait aider grandement l'équipe. Kovalev va être obligé de jouer, jeudi, à Atlanta.