La reine contre la reine
Jean-Jacques Samson
03/02/2011 11h02
L’ex-lieutenant-gouverneur du Québec Lise Thibault ne jouit pas d’un traitement de faveur avec l’ordonnance de non-publication émise sur son enquête préliminaire en cours depuis mardi au palais de justice de Québec.
C’est un automatisme qu’une telle ordonnance soit accordée à cette étape lorsqu’elle est demandée par la défense.
Par contre, Mme Thibault, qui, depuis qu’elle a quitté ses fonctions dans la honte en juin 2007, n’a jamais admis avoir commis quelque abus et encore moins illégalité dans l’utilisation des fonds publics, ne devra certainement pas profiter ultérieurement d’un procès en catimini. La justice au Québec, déjà malmenée, en prendrait un coup.
Suspicion
La dossier de Mme Thibault soulève déjà beaucoup de suspicion dans la population. Le scandale sur des dépenses injustifiées, remboursées par les gouvernements, et même des fraudes, a éclaté il y a pas moins de quatre ans.
Les vérificateurs généraux à Ottawa et Québec ont épluché ses comptes de dépenses et en ont trouvé pour 700 000 $. L’ex-lieutenant-gouverneur a été entendue en commission parlementaire.
Des enquêteurs de la Sûreté du Québec ont mis des années à monter le dossier. Procédure exceptionnelle, compte tenu du poste occupé par la personne, c’est un juge et non un procureur de la Couronne qui a autorisé les accusations. Mme Thibault doit répondre à deux chefs de fraude, deux autres d’abus de confiance et à des accusations de production et d’utilisation de faux documents.
Théoriquement, après pareil traitement, le dossier de la Couronne devrait être bétonné. On se demande à quoi rime dans ce cas une enquête préliminaire qui, par définition, est demandée pour vérifier la suffisance de la preuve avant de faire un procès.
Elle permettra seulement aux avocats de l’accusée de mesurer la solidité et la crédibilité de certains témoins de la Couronne, ce qui facilitera la préparation de leur véritable interrogatoire au procès.
Cette étape ajoute toutefois aux délais interminables dans le cheminement du dossier Thibault qui ont semé des doutes sur l’étanchéité de notre système de justice lorsqu’il s’agit de notables.
Humiliation
Consolation peut-être pour plusieurs Québécois, par contre : l’accusée doit être présente en personne pour les interrogatoires de témoins durant l’enquête préliminaire, et les caméras nous ont donc montré la hautaine ex-représentante de la reine au Québec faire son entrée au palais de justice.
C’est sûrement très humiliant pour une telle personne, toujours convaincue qu’il était tout à fait normal qu’elle ait mené à nos frais un train de vie royal et se soit permis les dépenses extravagantes, étalées d’abord par Le Journal de Montréal et les vérificateurs généraux par la suite.
Si elle est reconnue coupable, un juge n’enverra pas une septuagénaire en fauteuil roulant derrière les barreaux. Dans la meilleure des hypothèses, nous ne pouvons que rêver qu’elle soit forcée de rembourser certaines sommes aux deux gouvernements qui les ont payées.
L’humiliation d’être accusée devant un tribunal comme tout présumé criminel et de subir le mépris de ses concitoyens qui culminera durant le procès est la peine la plus sévère pour une personne comme Mme Thibault.
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