Un article d'Hugo Dumas dans La Presse plus du 30 novembre.
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Le réalisme choquant d’Unité 9
Hugo Dumas La Presse
Le viol collectif subi par la détenue Jeanne Biron dans le dernier épisode d’Unité 9 a été pénible à regarder. C’était d’une violence inouïe, d’une cruauté innommable.
L’actrice Ève Landry a été magistrale dans ces scènes horribles qui ont dû la remuer autant émotivement que physiquement. Toute la détresse et la peur de son personnage se lisaient dans un simple regard.
Ce qui a choqué tant de téléspectateurs, c’est que a) on ne s’attendait pas à ce que l’intrigue sombre dans autant de violence aussi rapidement et b) rarement voit-on un viol dépeint de façon aussi réaliste à la télévision. Ces interminables secondes passées sur le divan du sous-sol nous hanteront longtemps.
Très souvent, on nous montre l’« avant » et l’« après » de l’agression, mais rarement le « pendant ». Oui, c’était bouleversant, révoltant, humiliant. Et vous savez quoi ? Plusieurs femmes ont vécu le même calvaire que Jeanne Biron. C’est une réalité que l’on préférerait ne jamais voir. Reste que ça existe.
Depuis le début de l’automne, nous assistons à une vague de dénonciations d’inconduites sexuelles qui se traduisent par des mots, des mots-clics (#MoiAussi), des descriptions des actes, des récits écrits.
Mardi soir, 1 357 000 téléspectateurs ont vu un viol dans sa forme la plus sauvage et ont ressenti des émotions intenses devant ces images à la limite du supportable. C’est un électrochoc parfois nécessaire pour comprendre la gravité d’un geste.
Radio-Canada a pris les précautions nécessaires, je trouve, dans cette affaire. L’épisode était frappé d’un avertissement « destiné aux 16 ans et plus ». De plus, les moments cruciaux ont été adoucis, me dit-on, et l’épisode a été revu et annoté plusieurs fois par la direction de la SRC pour s’assurer que rien de gratuit n’aboutisse en ondes.
Effectivement, le viol de Jeanne, aussi terrible soit-il, s’inscrit dans sa trajectoire de prisonnière. Cette arme sexuelle a été utilisée contre elle pour l’effrayer, la contrôler et lui faire comprendre qu’elle ne pourrait pas refuser le travail de mule à Lietteville. C’est effroyable. Mais le milieu carcéral n’est pas réputé pour employer des méthodes douces.
Pauvre Jeanne. Elle est prise dans un engrenage épouvantable. « Tu nous appartiens astheure », lui a même rappelé la dangereuse Shandy (Catherine-Anne Toupin) à la fin de cet épisode marquant.
Le thème du viol est revenu dans plusieurs téléséries québécoises cette semaine. Dans Les Simone, hier soir, nous avons été témoins de l’agression sexuelle de Maxim (Anne-Élisabeth Bossé) par son professeur et mentor (Normand Daneau).
Clairement, Maxim a repoussé les avances de son prof, lui disant non plusieurs fois. Devant son insistance et son état d’ébriété avancé, Maxim, prise au piège, a préféré faire la planche et attendre que ce « mauvais moment » passe.
Cette situation en teintes de gris, qui évoquait les témoignages de certaines victimes présumées de Gilbert Rozon, a été amenée avec beaucoup de délicatesse.
À l’autre bout du spectre, Marie-Ève Renaud (Isabel Richel) a aussi été violée dans le téléroman O’ de TVA. Dans ce cas-ci, la femme d’affaires a été droguée au GHB et ne se souvient d’aucun détail. L’épisode d’O’ de mardi, le dernier avant les Fêtes, a d’ailleurs révélé l’identité du maniaque. Il s’agirait du nouveau vice-président au développement d’Agua, Olivier Tardif (Guillaume Champoux), qui a pourtant l’air doux comme un agneau dans ses nouvelles fréquentations avec Mégane (Marie-Pier Labrecque).
Pour revenir à Unité 9, l’arrivée de la première détenue autochtone, Eyota Standing Bear, incarnée par la poétesse innue Natasha Kanapé Fontaine, a également causé une grosse onde de choc. Son corps couvert de blessures, son état général pitoyable et ses tatouages « fuck door » près des orifices nous indiquent que la vie d’Eyota n’a pas été de tout repos.
Il sera très intéressant de suivre l’évolution de cette femme autochtone maltraitée, toxicomane et multipoquée. Parce que, oui, comme le viol, ce phénomène existe et il ne faut pas fermer les yeux pour rester volontairement dans l’ignorance.