La télé vue par Madame Louise
«Trauma»: mes oreilles n'en peuvent plus!
Louise Cousineau / TV Hebdo - 2011-02-07 12:59:18
On est en train de perfectionner la télé en 3D. Les téléphones sont quasiment plus intelligents que leurs utilisateurs. On peut regarder du hockey sur un cinéma maison ou sur un écran portable à peine plus grand qu'un timbre. Ma voiture est dotée de sièges chauffants, la grande invention du siècle dernier.
Je n'ai pas besoin d'un GPS pour me rendre à un chalet dans un coin perdu: tant que je pourrai demander mon chemin, je trouverai bien la place.
Ce dont j'ai besoin, toutefois, c'est d'une commande sur ma zappette pour diminuer l'intensité des sons d'ambiance imposés par les producteurs.
Ça n'existe pas encore. Hélas!
Vroummm, boummm, splash!
La série
Trauma, diffusée à Radio-Canada, me traumatise au plus haut point.
Je peux comprendre qu'on nous mette dans l'atmosphère d'un hôpital avec des bruits de pas sur les planchers, de chaises qui grincent à la cafétéria, de hauts-parleurs lointains, de sirènes et, parfois, de cris: un hôpital n'est pas un lieu de calme comme un monastère.
Mais pourquoi cette «musique» qui vient enterrer les dialogues? Je dis musique, mais ce sont des vroummm, des boummm et des splash stridents qui enterrent tout. Les vuvuzuelas du dernier Mondial de soccer, en Afrique du Sud, étaient moins agaçants, du moins après que les diffuseurs ont trouvé le moyen de leur baisser le volume.
J'entends le vacarme, mais je ne comprends pas sa raison d'être. À moins que tous ces bruits ne soient là que pour nous faire oublier la (piètre?) qualité des dialogues.
Trop vite!
Je n'en sais rien: j'ai du mal à attraper un mot ici et là.
Et pourtant, c'est du français bien de chez nous.
Un autre de mes problèmes d'ouïe concerne le français parlé en France de nos jours.
Je regarde les bulletins de nouvelles à TV5 et je comprends parfaitement ce qui est dit. Jusqu'à ce qu'on nous présente des témoignages de «monde ordinaire». Certains sont tout à fait incompréhensibles. Marmonnés à la vitesse de l'éclair.
Il fut un temps où seule la romancière Françoise Sagan parlait tellement vite qu'elle était incompréhensible. Je n'anticipais pas que ce débit accéléré serait contagieux.
Sous-titres demandés
Non seulement chez le bon peuple, mais aussi au cinéma. Je me rappelle le film très recommandé par les critiques
La graine et le mulet. Ça parlait sans arrêt. Trop vite. J'ai été obligée de sortir tant ma frustration était grande.
Je me demande si la désaffection des Québécois pour le cinéma français ne tient pas à ce problème linguistique: ce français débité trop vite n'est plus la même langue.
Il nous faudrait des sous-titres. Ça se peut-tu!
Moi qui ai passé mon adolescence à me déguiser en madame pour aller voir des films français au Château, rue Saint-Denis coin Bélanger. Il fallait se déguiser, car le cinéma était interdit aux moins de 18 ans. Des films de Cocteau, de Carné et, plus tard, de Truffaut. Ils étaient stupidement censurés. L'Église y voyait. Il fallait aller à New York ou à Paris pour les versions intégrales.
C'était le bon temps quand même: les films étaient géniaux et parfaitement audibles.
Un test
Je vous propose un test intéressant à la télévision.
Séries+ présente cette année une nouvelle série intitulée
Paris, enquêtes criminelles. Je l'ai découverte par hasard et il ne m'a fallu que quelques séquences pour y voir un pastiche de
Law and Order.
Jusqu'à ce que je découvre que c'est le créateur de
La loi et l'ordre, Dick Wolf, qui a vendu le concept à la France.
Même schéma que l'émission américaine, sauf que les rues sont celles de Paris, ce qui n'est pas pour me déplaire. Et la loi est celle de la France.
Le problème: c'est en français de France, parfois inaudible dans la bouche du héros, interprété par Vincent Pérez.
Le problème avec le marmonnage, c'est que le courant ne passe pas toujours. Un bout de phrase ici et là est escamoté. Agaçant en diable.
Comparez avec les versions françaises des trois séries de
Law and Order. Tout est parfaitement audible. Les post-synchronisateurs ont du génie, ce que ceux des productions originales n'ont pas toujours.
Une autre Trauma
Jetez aussi un coup d'œil sur la série américaine
Trauma, qui passe en français sur AddikTV. Ça se passe aussi dans un hôpital, sauf que les bruits absurdes de notre série
Trauma n'y sont pas.
Comme quoi on peut sauver des vies sans rendre les téléspectateurs sourds!
Un détail amusant pour finir. Lors de l'arrivée de TV5 chez nous, nos diffuseurs francophones ont plaidé (et gagné) devant le CRTC qu'il soit interdit à la nouvelle chaîne de diffuser du cinéma.
Vingt ans plus tard, notre TV5 nous offre des films les dimanches soir. Nos diffuseurs n'ont plus peur de la concurrence du cinéma français!