Publié le 20 décembre 2013 à 05h00 | Mis à jour à 11h11
Richard Therrien
Le Soleil
Le meilleur de 30 vies
C'est ce que j'ai vu de meilleur depuis la naissance de 30 vies. Il est pourtant question de convictions religieuses, un sujet qui a occupé un espace démesuré durant la dernière année dans le débat public. On aurait pu surligner les clichés, mais l'auteure et productrice Fabienne Larouche - ouvertement en faveur de la charte - ne tombe pas dans ce piège, du moins pas dans les quatre premiers épisodes de la saison, prévus pour la semaine du 6 janvier à 19h.
Benoît Brière incarne Michel Marcotte, prof d'éthique et culture religieuse apprécié de quatrième secondaire. Dégoûtée par l'enseignement traditionnel, sa femme Marie (Mélanie Maynard), prof aussi, quitte le nid familial avec leurs deux enfants pour vivre dans une école alternative durant trois mois. Le fils, Sasha (Noah Parker), est particulièrement réfractaire à ce déracinement temporaire. Michel entreprend alors de tout faire pour ramener sa femme à la raison et à la maison, lui pour qui ces méthodes d'enseignement libres et laxistes ne sont que fumisterie.
C'est Guillaume Lemay-Thivierge qui réalise cette première intrigue de la saison, lui qui a justement fréquenté une école alternative dans son enfance. Or, celle qu'on nous montre dans 30 vies ressemble à une secte dont le directeur Pierre Champagne, joué par Rémy Girard, a tout d'un gourou qui endoctrine ses ouailles. On a vite l'impression que Marie n'en a pas que pour l'école, mais qu'elle a aussi le directeur dans sa mire.
Les jeunes acteurs de 30 vies, pour la plupart des débutants, ne sont pas toujours aussi convaincants saison après saison, mais vous serez impressionnés par Théodore Chouinard-Pellerin, un acteur né de 16 ans auquel on s'attache immédiatement. C'est le fils de la danseuse Marie Chouinard.
Il incarne un élève d'origine marocaine, Sammy Azoulay, qui tombe amoureux d'un garçon, Jahan, dont les parents musulmans intégristes considèrent l'homosexualité comme un péché mortel. C'est là qu'il fait appel à son prof Michel afin qu'il intervienne auprès des parents de celui qu'il aime pour les convaincre de les laisser se fréquenter. Un cas extrêmement délicat, vous vous en doutez bien, qui mérite la plus grande prudence, vu les graves conséquences qui peuvent en découler.
Un peu trop intellectuel au goût de sa mère, Sammy cite du Rimbaud et se tient souvent seul, n'espérant que la présence de son Jahan. Vous assisterez à une rare mais charmante scène de baiser entre deux garçons visiblement fous amoureux l'un de l'autre. L'auteure ramène le personnage de Léanne, joué par Lou Vincent-Desrosiers, qui s'autoproclame croqueuse de gars, et qui aimerait bien aboutir dans le lit de Sammy. Elle peut toujours rêver.
Bien sûr, les questions religieuses peuvent donner lieu à des débats explosifs, comme lorsqu'il est question des conflits entre juifs et musulmans. Benoît Brière provoque ces échanges entre ses élèves, quitte à ce qu'ils provoquent des flammèches et suscitent des réflexions du genre : «Quand t'embarques dans une religion, tu rentres dans une prison.»
Pour se préparer à son personnage, Benoît Brière, qu'on sent vraiment investi, est allé dans une classe de l'école Henri-Bourassa à Montréal-Nord. «Les profs de culture religieuse deviennent les confidents des élèves, avant le psy, avant le travailleur social. Parce qu'ils ne jugent pas», dit-il. Soulignons la présence rafraîchissante de Julie Ringuette, qui joue la jeune soeur de Michel, Jessica, qui semble sortir d'une autre famille par ses manières et son insolence.
Les habitués de 30 vies retrouveront la majorité du personnel de l'école, notamment Patrick Drolet, savoureux en président du syndicat des professeurs, de même que Dan Bigras, dont le personnage risque la prison pour avoir défendu la pauvre Émilie (Myriam Le Blanc), battue par son ex-conjoint et engagée comme psy au Vieux-Havre depuis. Raphaël (Benoît McGinnis), lui, espère le retour d'Élisabeth Bergeron (Mariloup Wolfe), qu'a larguée jeudi soir son chum Alain (André Robitaille)...
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