La télé vue par Madame Louise
Est-ce assez clair pour vous? Besoin d’un GPS?
Louise Cousineau / TV Hebdo - 2011-03-10 14:04:54
«Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement
et les mots pour le dire arrivent aisément.» — Nicolas Boileau-Despréaux
Comme vous, j’adore les histoires bien racontées. Je les cherche à tous les réseaux et, quand je tombe sur une merveille, je perds la notion du temps. Ou plutôt je voudrais que ce plaisir ne s’arrête jamais.
Cela m’est arrivé avec
Mad Men, la série américaine dont Télé-Québec nous repasse la première saison, histoire de nous mettre en appétit pour la deuxième, qui prendra l’antenne début juin.
Plus dure sera la chute
Mad Men — pour hommes de Madison Avenue, La Mecque de la publicité à New York — raconte une histoire qui se déroule dans les années 60. Le héros s’appelle Don Draper; c’est un roi de la création dans une agence. Durant la première saison, on apprend qu’il ne s’appelle pas vraiment Don Draper. Il a usurpé l’identité d’un collègue soldat mort à ses côtés.
Il s’est donc réinventé, et tout lui réussit. Une épouse parfaite en banlieue, toujours tirée à quatre épingles même au petit-déjeuner, une maîtresse bohême à Manhattan, et plein de conquêtes féminines en cours de route.
Mais juste à voir le générique d’ouverture, où un homme dégringole en bas d’une tour, on sait que la chute de Don sera spectaculaire.
C’est comme les épisodes de
Columbo: on sait que les coupables seront démasqués. Le plaisir, c’est de voir comment cela arrivera.
Une reconstitution impeccable
Et la super aubaine, c’est la reconstitution des années 60. Depuis l’évocation des événements marquants jusqu’aux vêtements. Ceux de Betty Draper excitent bien des filles de notre temps, qui courent les boutiques rétro. Une designer américaine a même lancé une collection de répliques.
Paradoxal, tout de même, que nos femmes libérées trippent sur les robes qui ont habillé des femmes qui étaient encore loin de l’égalité des sexes si chère à notre époque…
Il y a aussi l’omniprésence de la cigarette: les médecins tirent une poffe dans leur bureau pendant une consultation! Mais là, attention! Ces choses-là sont maintenant interdites à notre époque de lumière.
Une intrigue limpide… tout comme les dialogues
La beauté de
Mad Men, c’est que tout y est clair. Les flash-backs expliquent l’action au lieu de dérouter le téléspectateur, comme c’est hélas le cas dans
Trauma, notre série hospitalière — ou plutôt inhospitalière. Le son est impeccable, et on ne rate aucune réplique, contrairement à
Trauma qu’il faut enregistrer et repasser plusieurs fois pour tout entendre. Et même là, ce n’est pas garanti. Marmonner, avec un masque chirurgical en plus, ce n’est pas évident.
Je n’arrive pas à comprendre pourquoi des diffuseurs consentent à nous présenter des scènes incompréhensibles. Le premier cas de
30 vies était difficile à suivre tellement les bruits ambiants masquaient les dialogues. En plus, l’ado qui sniffait de l’essence n’a jamais prononcé une phrase claire. Pourtant, dans la deuxième histoire où son cas était réglé, sa diction s’était nettement améliorée.
Des sauts dans le temps déroutants
Pour se rendre intéressants, certains auteurs adorent nous compliquer la vie. La série
Nos étés, à TVA, nous a imposé des sauts dans le temps qui finissaient par être agaçants en diable.
Plus récemment, les mêmes auteurs ont lancé
Yamaska avec un sadisme évident: les premiers épisodes étaient mêlants à souhait. On ne savait plus qui était qui. Dieu merci, ça s’est tassé. Mais je n’ai pas pu m’attacher à cette saga, qui était trop déroutante au début.
Brouiller les pistes
Question: pourquoi la clarté du propos fait-elle si peur?
Je ne parviens pas à trouver une réponse.
La série
Providence est un autre cas étonnant. Les parents qui ne sont pas vraiment les parents de leurs enfants, les morts qui ressuscitent, ça n’en finit plus! Tellement que Radio-Canada nous a pris en pitié et a publié un arbre généalogique des personnages. L’équivalent d’un GPS pour voyageurs égarés. Ça se peut-tu!
Allez le consulter sur le site de Radio-Canada.
Pourtant, la clarté est possible.
19-2 nous fait pénétrer dans l’univers très secret des policiers, des gens qui n’ont pas l’habitude d’étaler leurs états d’âme sur la place publique et qui sont devenus des experts dans l’art de brouiller les pistes de leurs erreurs. Mais voilà: l’écriture est limpide. On n’essaie pas de nous faire rater des répliques. Et la réalisation de Podz nous fait découvrir la réalité hyper-stressante que vivent ces flics qui doivent conserver la tête froide alors que tout le monde autour d’eux perd les pédales.
Résultat: notre méfiance envers la police risque de diminuer quand nous apprendrons comment et pourquoi ils risquent leur peau et leur santé mentale.
Le bonnet d’âne…
Le pire cas de confusion volontaire des téléspectateurs dont je me souvienne m’a été fourni par le réseau CBC il y a une trentaine d’années. Il s’agissait de
Jalna, une adaptation de la saga familiale écrite par Mazo De La Roche.
C’était tellement obscur — on avait notamment utilisé les mêmes acteurs pour plusieurs personnages à différentes époques — qu’un guide de l’utilisateur était nécessaire. On a effectué un remontage plus éclairant pour les reprises.
Comme quoi la confusion volontaire du spectateur n’est pas nouvelle.