Éducation
Priorité aux hommes
Sébastien Ménard
24/03/2011 05h31
© Agence QMI
Pour améliorer la réussite des gars à l'école, le Québec doit agir comme il l'a fait avec les femmes qui voulaient devenir policières et pratiquer la «discrimination positive» à l'égard des hommes souhaitant devenir enseignants, croit un éminent expert de la question.
Selon ce qu'a appris le Journal, le professeur Égide Royer, de l'Université Laval, proposera demain qu'on offre des bourses de 1000$ par année aux meilleurs hommes qui s'inscrivent en enseignement à l'université, et qu'on donne aux profs masculins un accès plus rapide à des postes permanents dans les écoles du Québec.
Le réputé chercheur profitera d'une conférence qu'il prononcera devant l'Association québécoise des troubles d'apprentissage pour jeter ce pavé dans la mare.
La ministre de l'Éducation Line Beauchamp devrait assister à cette présentation.
«Présentement, on manque d'enseignants masculins et, dans cinq ans, ça va être pire, dit Égide Royer. On a fait de la discrimination positive pour des métiers non traditionnels qui étaient réservés aux hommes. Il faut qu'on fasse la même chose en enseignement.»
Vite, un poste
Les enseignants masculins sont en voie d'extinction, dans les écoles du Québec. Ils ne représentent plus que 13% du corps professoral, au primaire.
Lors de la conférence qu'il donnera demain, Égide Royer énumérera 15 mesures qui pourraient, selon lui, améliorer la réussite des gars. En 2009, seuls 55 % d'entre eux étaient parvenus à obtenir un diplôme, cinq ans après leur entrée au secondaire.
Pour renverser la tendance, Égide Royer croit qu'il faut augmenter le nombre de profs masculins dans le réseau scolaire québécois, en permettant notamment aux hommes d'accéder plus rapidement à un poste permanent.
«On me dit qu'il faut entre quatre et cinq ans sur une liste de suppléance avant d'avoir un poste, indique-t-il. Le fait, pour un gars, de savoir qu'il risque de rester sur appel longtemps, j'ai l'impression [que ça joue un rôle].» Égide Royer estime qu'il faut instaurer un système «d'accès rapide» à des postes permanents pour les hommes. «Lorsque s'ouvrirait un poste, dans une école, les gars auraient priorité», explique-t-il.
Bourses pour les meilleurs
Mais cette discrimination positive ne doit pas avoir pour effet d'attirer n'importe qui en enseignement.
«On veut les meilleurs, ceux qui ont une cote R de 25 ou plus au cégep», insiste M. Royer.
La cote R est un indicateur permettant de comparer les étudiants entre eux. Elle sert aux universités à sélectionner les étudiants admis dans les programmes contingentés.
L'an dernier, par exemple, le dernier admis en médecine, à l'Université de Montréal, avait une cote R de 33,32 ; en enseignement, elle n'était que de 22,88. À l'UQAM, elle était de seulement 20,00. «Avec une cote comme ça, le dernier admis n'aurait pas pu entrer en psychologie ou en psychoéducation», lance Égide Royer.
Or, l'enseignement est un «métier important, qui nécessite une solide culture personnelle et une excellente connaissance de la langue», fait valoir le chercheur.
«Les systèmes éducatifs les plus efficaces vont chercher leurs candidats en enseignement dans le tiers supérieur [des étudiants]», souligne-t-il.
Égide Royer croit qu'il faut offrir des bourses de 1000$ par an aux hommes les plus performants qui s'inscrivent en enseignement.
«Il faut augmenter le niveau d'exigence pour attirer les meilleurs, dit-il. J'ai hâte qu'on dise que c'est difficile, d'être admis en enseignement.»
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L'école jusqu'à 18 ans
Égide Royer énumérera, demain, 14 autres mesures visant à améliorer la réussite des garçons. Voici quelques extraits de sa présentation :
* Tout comme en Ontario et dans plus de 20 États américains, rendre la fréquentation scolaire obligatoire jusqu'à 18 ans.
* Prévoir des moments privilégiés où les gars se retrouvent entre eux et les filles entre elles, particulièrement lors des activités parascolaires et des jeux libres.
* Offrir aux enseignants une formation sur la manière de travailler avec les parents, tout particulièrement les pères des garçons qui présentent des besoins particuliers.
* Réaliser un dépistage systématique des problèmes émergents de comportement chez les garçons de 3, 4 et 5 ans.
* Mettre en place des mesures de prévention et d'intervention précoces auprès des garçons qui éprouvent des difficultés de langage, de lecture ou de comportement.
* Former nos enseignants à tenir compte des différences de genre dans le développement, l'apprentissage et le comportement. C'est le cas en Iowa, où l'écart de réussite entre les gars et les filles est de 2,6 %, a révélé le Journal, le mois dernier.
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