Gros bof, ce Bye bye 2019
Hugo Dumas
L’époque de rectitude politique actuelle, où le moindre écart débouche sur une controverse monstre, ne permettrait plus à RBO de bricoler des Bye bye caustiques et grinçants comme ceux d’il y a à peine 12 ans.
Oubliez ça. Groupe X porterait plainte à l’ombudsman. Groupe Y manifesterait devant la grande tour brune. Et les patrons, entre deux réunions sur la diversité, s’excuseraient en tremblant et en s’autoflagellant. Promis, juré, on ne recommencera plus.
Voilà le contexte de consensus extrême dans lequel ce Bye bye 2019 a été confectionné. Résultat ? Une revue de l’année lisse, prudente, pas décoiffante, qui a déclenché très peu de rires francs.
La coopérative Desjardins, qui « a de la fuite dans les idées », a été solidement écorchée (et trois fois plutôt qu’une), mais c’était inévitable et mérité. Les sujets plus explosifs comme la « loi 21 », Donald Trump ou l’affaire Mike Ward ont été esquivés et le Bye bye 2019 a tiré sur des cibles faciles comme le pauvre comédien des pubs d’A&W, l’horrible pub de mycose des ongles ainsi que la dragonne Caroline Néron (à deux reprises).
Ceci dit, Guylaine Tremblay a enfilé les bijoux de Caroline Néron comme une pro. Excellente technique, excellente imitation, tout comme celle, éclair et presque cachée, de la députée solidaire Catherine Dorion par Julie Le Breton.
Les auteurs du Bye bye 2019 ont accouché de beaux flashs, qui ont cependant été noyés dans des trucs moins rigolos.
Le ver d’oreille Coton ouaté de Bleu Jeans Bleu, revisité en Mon hijab à moé, aurait mérité plus de temps d’antenne et de visibilité.
Le sketch de Passe-Partout contenait aussi des répliques percutantes, qui égratignaient la bien-pensance ambiante, un peu à la façon du demi-blackface de Justin Trudeau. Cette portion a toutefois été écrasée par une vignette trop longue sur le Pacte de Dominic Champagne et Greta Thunberg, dont le texte niais ne gagnera pas d’Olivier.
La société d’État a également fait son acte de contrition dans la parodie Tout le monde invite tout le monde, où Guy A. Lepage accueillait Véronique Cloutier, qui recevait Pénélope McQuade, qui interviewait Jean-Philippe Wauthier. Bravo pour l’autodérision. Mais pas une seule ligne sur Pierre Karl Péladeau, qui a fait les manchettes bien plus souvent que Denise Bombardier, mettons ?
La pub du calendrier 2020, où Claude Legault et Guylaine Tremblay se criaient dessus, aurait dû être retranchée. C’était franchement agressant. Même guillotine pour les producteurs de lait, qui ont hurlé dans nos télés pendant de longues minutes. Coupez, il n’y a rien de drôle à voir des gens gueuler comme des perdus en se jetant par la fenêtre.
Et le pastiche de Batman-Blackface de Justin Trudeau ? Bof. Jean-Charles Lajoie (épatant Claude Legault) et Mike Bossy sur TVA Sports ? Moyen. Le truc sur la pilosité féminine ? Très pipi-caca-poil, justement. Une grosse coche sous Les Appendices.
Parmi les bons moments, l’influenceur Ricky Beaulieu (Mehdi Bousaidan) a été super rigolo. Salut, la gang ! Aussi : le médium de la télévision ne rendait pas justice à l’ingéniosité derrière le numéro des Chick’n Swell sur les inondations de Sainte-Marthe.
Le taxi musical de Céline Dion, qui a pris en otage le pauvre chauffeur Amir, a redonné du souffle à ce Bye bye 2019 qui en manquait. Anne-Élisabeth Bossé a parfaitement traduit la folie et la manie de la diva de Charlemagne de constamment répondre aux questions en chantant.
Autant dans les personnages dits ordinaires (caissière, mère des enfants accros à Fortnite) que dans les vedettes (Pénélope McQuade), Anne-Élisabeth Bossé a été brillante. Guylaine Tremblay possède également ce talent.
J’aurais pris davantage de références à la culture populaire (chansons, émissions de télévision, publicités) que l’équipe n’en a offert mardi soir à Radio-Canada. De quoi les gens parlent-ils le lendemain de la diffusion du Bye bye ? Des imitations. De Claude Legault en Guy A. Lepage. De la Céline d’Anne-Élisabeth Bossé. Pas du mari qui offre un assistant vocal à sa conjointe.
Les acteurs de ce Bye bye 2019, particulièrement Claude Legault, Anne-Élisabeth Bossé et Guylaine Tremblay, ont tous bien joué la partition qui leur a été fournie. Une partition sans coup de timbale, sans fausse note, qui ne méritera pas une ovation debout ni de rappel.
https://www.lapresse.ca/arts/television ... e-2019.php