Publié : mer. févr. 18, 2004 7:14 am
Info moderato
Mario Girard
collaboration spéciale, La Presse
Depuis le début des grands conflits mondiaux d'il y a deux ans, plusieurs ont renoué avec l'information. Et depuis, plusieurs sont devenus accros. Mais comme chaque tendance a toujours son contraire, d'autres mènent leur vie en assurant un contrôle de l'information dans leur quotidien.
George W. Bush consomme très peu d'information, se contentant de se la faire résumer par un employé de son service des communications. C'est lui qui l'a dit. Jean Chrétien, du temps qu'il était premier ministre, regardait très peu les nouvelles télévisées de fin de soirée de peur de troubler son sommeil. C'est Aline qui l'a dit. Elle l'a confié à Patrice Roy dans un documentaire diffusé à Radio-Canada peu avant les Fêtes. Si deux chefs d'État, pour des raisons diverses, préfèrent fermer à l'occasion l'éléphantesque valve de l'information dans leur vie, qu'en est-il du commun des mortels?
Le contrôle de l'information dans notre quotidien est une démarche qu'on intègre à notre vie, mais il arrive que le contraire soit possible. Certains ont choisi un mode de vie qui a le dernier mot sur l'information. Claude Arbour est naturaliste. Il est le créateur de la Fondation naturaliste du lac Villiers et l'auteur de l'ouvrage Sentiers sauvages. Pour mener à bien ses recherches, il vit depuis 22 ans en pleine forêt, avec sa femme et ses deux enfants, dans une maison sans électricité située à 75 kilomètres au nord de Saint-Michel-des-Saints. Quand arrive l'hiver et le départ des voisins estivaux, Claude Arbour connaît alors le silence de la nature. Pendant six semaines, au printemps et à l'automne, pendant le gel ou le dégel du lac, aucun moyen de transport n'est possible. La famille Arbour est alors coupée de tout contact.
«Longtemps, notre seule source d'information fut la radio, qu'on pouvait faire fonctionner avec des piles. Lorsque les garçons ont atteint l'adolescence, on a rajouté un téléviseur, qui fonctionnait grâce à une génératrice. Évidemment, le temps était compté. Mais depuis le départ de nos fils partis étudier en ville, ma femme et moi avons mis un frein à tout cela. C'est très rare qu'on regarde la télé. On préfère lire des bouquins ou des articles dans des magazines spécialisés qu'on repère l'été et qu'on se garde pour l'hiver.»
Cet homme des bois nouveau genre, qui préfère de loin se préoccuper du sort des balbuzards pêcheurs que des faits divers, se sent-il déconnecté pour autant? «Comme on ne s'intéresse qu'aux gros événements et qu'on a beaucoup de temps pour y réfléchir, on arrive à mieux les analyser. Quand tu te retrouves avec des amis pour en discuter, tu te rends compte que tu arrives avec une opinion unique, très différente des autres et qui est plus nuancée. J'ai remarqué que les autres partagent souvent la même opinion alors que la mienne est plus personnelle.»
Soeur Marie-Paul est, depuis maintenant 14 ans, religieuse à l'abbaye Sainte-Marie des Deux-Montagnes, une communauté contemplative qui rassemble une quarantaine de moniales bénédictines. «Quand je suis entrée ici, nous étions totalement coupées de toutes sources d'information, si bien que pendant de nombreuses années, je ne savais pas qui était le premier ministre du Canada.»
Si certains monastères demeurent encore réticents à l'intrusion de l'information, celui de soeur Marie-Paul vient de connaître une petite révolution. Depuis quelque temps, grâce à l'ouverture d'esprit d'une nouvelle abbesse, l'information franchit doucement les limites de la clôture monastique. «Notre nouvelle abbesse croit que les religieuses doivent être au courant de ce qui se passe dans le monde pour bien accomplir leur rôle. Nous croyons qu'être renseignées nourrit nos prières», poursuit soeur Marie-Paul.
Cette petite révolution a évidemment causé tout un choc aux religieuses qui sont cloîtrées depuis 60 ans. L'information parvient maintenant de trois façons à l'abbaye. D'abord par quelques journaux, par l'Internet, que soeur Marie-Paul utilise pour renseigner son abbesse, mais aussi par la voie d'un rapporteur. Régulièrement en effet, un diplomate canadien à la retraite vient résumer et commenter l'actualité internationale aux religieuses, qui ne manquent pas de le bombarder de questions. «Comme nous ne sommes pas submergées par l'information, nous sommes avides d'approfondir nos connaissances. Il arrive qu'une religieuse apprenne de notre rapporteur des nouvelles d'un conflit déjà traité trois mois plus tôt. Nous sommes surprises d'apprendre que plus aucun média n'en parle mais que le conflit a toujours cours», raconte soeur Marie-Paul.
Soeur Marie-Paul est la soeur économe de sa communauté. Il lui arrive donc de sortir et d'aller dans les magasins. C'est là qu'elle jette un coup d'oeil sur les tabloïds. «Quand je vois ces titres, je me dis qu'il faut se demander ce que l'être humain doit faire avec cette information. C'est bien beau de savoir qu'il y a une détresse humaine, mais on doit se servir de cet éveil pour agir, pour l'intégrer à notre vie. Nous, quand sont arrivés les événements du 11 septembre, ou alors quand Bush a décidé d'attaquer l'Irak, notre rôle a été de nous tourner vers la prière. On a pris cette information et on l'a mise dans notre vie. C'est ce qu'on doit tous faire, il me semble.»
un peu long mais tres interressant
Mario Girard
collaboration spéciale, La Presse
Depuis le début des grands conflits mondiaux d'il y a deux ans, plusieurs ont renoué avec l'information. Et depuis, plusieurs sont devenus accros. Mais comme chaque tendance a toujours son contraire, d'autres mènent leur vie en assurant un contrôle de l'information dans leur quotidien.
George W. Bush consomme très peu d'information, se contentant de se la faire résumer par un employé de son service des communications. C'est lui qui l'a dit. Jean Chrétien, du temps qu'il était premier ministre, regardait très peu les nouvelles télévisées de fin de soirée de peur de troubler son sommeil. C'est Aline qui l'a dit. Elle l'a confié à Patrice Roy dans un documentaire diffusé à Radio-Canada peu avant les Fêtes. Si deux chefs d'État, pour des raisons diverses, préfèrent fermer à l'occasion l'éléphantesque valve de l'information dans leur vie, qu'en est-il du commun des mortels?
Le contrôle de l'information dans notre quotidien est une démarche qu'on intègre à notre vie, mais il arrive que le contraire soit possible. Certains ont choisi un mode de vie qui a le dernier mot sur l'information. Claude Arbour est naturaliste. Il est le créateur de la Fondation naturaliste du lac Villiers et l'auteur de l'ouvrage Sentiers sauvages. Pour mener à bien ses recherches, il vit depuis 22 ans en pleine forêt, avec sa femme et ses deux enfants, dans une maison sans électricité située à 75 kilomètres au nord de Saint-Michel-des-Saints. Quand arrive l'hiver et le départ des voisins estivaux, Claude Arbour connaît alors le silence de la nature. Pendant six semaines, au printemps et à l'automne, pendant le gel ou le dégel du lac, aucun moyen de transport n'est possible. La famille Arbour est alors coupée de tout contact.
«Longtemps, notre seule source d'information fut la radio, qu'on pouvait faire fonctionner avec des piles. Lorsque les garçons ont atteint l'adolescence, on a rajouté un téléviseur, qui fonctionnait grâce à une génératrice. Évidemment, le temps était compté. Mais depuis le départ de nos fils partis étudier en ville, ma femme et moi avons mis un frein à tout cela. C'est très rare qu'on regarde la télé. On préfère lire des bouquins ou des articles dans des magazines spécialisés qu'on repère l'été et qu'on se garde pour l'hiver.»
Cet homme des bois nouveau genre, qui préfère de loin se préoccuper du sort des balbuzards pêcheurs que des faits divers, se sent-il déconnecté pour autant? «Comme on ne s'intéresse qu'aux gros événements et qu'on a beaucoup de temps pour y réfléchir, on arrive à mieux les analyser. Quand tu te retrouves avec des amis pour en discuter, tu te rends compte que tu arrives avec une opinion unique, très différente des autres et qui est plus nuancée. J'ai remarqué que les autres partagent souvent la même opinion alors que la mienne est plus personnelle.»
Soeur Marie-Paul est, depuis maintenant 14 ans, religieuse à l'abbaye Sainte-Marie des Deux-Montagnes, une communauté contemplative qui rassemble une quarantaine de moniales bénédictines. «Quand je suis entrée ici, nous étions totalement coupées de toutes sources d'information, si bien que pendant de nombreuses années, je ne savais pas qui était le premier ministre du Canada.»
Si certains monastères demeurent encore réticents à l'intrusion de l'information, celui de soeur Marie-Paul vient de connaître une petite révolution. Depuis quelque temps, grâce à l'ouverture d'esprit d'une nouvelle abbesse, l'information franchit doucement les limites de la clôture monastique. «Notre nouvelle abbesse croit que les religieuses doivent être au courant de ce qui se passe dans le monde pour bien accomplir leur rôle. Nous croyons qu'être renseignées nourrit nos prières», poursuit soeur Marie-Paul.
Cette petite révolution a évidemment causé tout un choc aux religieuses qui sont cloîtrées depuis 60 ans. L'information parvient maintenant de trois façons à l'abbaye. D'abord par quelques journaux, par l'Internet, que soeur Marie-Paul utilise pour renseigner son abbesse, mais aussi par la voie d'un rapporteur. Régulièrement en effet, un diplomate canadien à la retraite vient résumer et commenter l'actualité internationale aux religieuses, qui ne manquent pas de le bombarder de questions. «Comme nous ne sommes pas submergées par l'information, nous sommes avides d'approfondir nos connaissances. Il arrive qu'une religieuse apprenne de notre rapporteur des nouvelles d'un conflit déjà traité trois mois plus tôt. Nous sommes surprises d'apprendre que plus aucun média n'en parle mais que le conflit a toujours cours», raconte soeur Marie-Paul.
Soeur Marie-Paul est la soeur économe de sa communauté. Il lui arrive donc de sortir et d'aller dans les magasins. C'est là qu'elle jette un coup d'oeil sur les tabloïds. «Quand je vois ces titres, je me dis qu'il faut se demander ce que l'être humain doit faire avec cette information. C'est bien beau de savoir qu'il y a une détresse humaine, mais on doit se servir de cet éveil pour agir, pour l'intégrer à notre vie. Nous, quand sont arrivés les événements du 11 septembre, ou alors quand Bush a décidé d'attaquer l'Irak, notre rôle a été de nous tourner vers la prière. On a pris cette information et on l'a mise dans notre vie. C'est ce qu'on doit tous faire, il me semble.»
un peu long mais tres interressant