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David Servan-Schreiber «Guérir à en mourir»

Publié : lun. juil. 11, 2011 9:56 am
par Anya
Publié le 25 juin 2011 à 10h15 | Mis à jour le 27 juin 2011 à 14h34
Guérir à en mourir

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Nathalie Petrowski
La Presse

C'est ce qu'on appelle une cruelle ironie du sort: un homme, neuropsychiatre de profession, obsédé par le cancer du cerveau qui l'a affligé à 30 ans, consacre sa vie à lutter contre l'ennemi.

Il ne boit pas, ne fume pas, fait de la course à pied tous les jours, se déplace à vélo plutôt qu'en auto, renonce à la viande, bouffe des brocolis et des bleuets, s'empiffre d'oméga-3 et remplace le café par du thé vert. Puis, encouragé par ce nouveau mode de vie qui lui a rendu la santé, il écrit deux livres sur le sujet. Les livres se vendent à des millions d'exemplaires et redonnent espoir à des millions de malades qui élèvent notre homme au rang de gourou et de messie de l'anticancer. Cet homme-là, c'est David Servan-Schreiber. Il vient d'avoir 50 ans et il va bientôt mourir.

En juin 2010, le cancer du cerveau qu'il avait réussi à endormir pendant 20 ans s'est réveillé abruptement. En février dernier, après vaccins et traitements aux billes rétroactives, ses médecins ont constaté que son glioblastome de grade 4 était inopérable et que ses jours étaient désormais comptés.

Servan-Schreiber aurait pu s'avouer vaincu et s'abandonner à la paralysie qui affecte toute la partie gauche de son corps. Il a préféré reprendre la plume pour écrire On peut se dire au revoir plusieurs fois, un livre-testament qui vient d'arriver en librairie et qui est terriblement poignant, pas tant parce que son auteur cherche à s'y justifier, mais parce qu'il y écrit avec la conscience aiguë de sa mort prochaine.

Par un curieux synchronisme, au même moment, de l'autre côté de l'Atlantique, le magazine Time vient de consacrer sa couverture à un cancérologue, vedette de la télé, atteint lui aussi d'un cancer. Le docteur Oz a eu plus de chance que Servan-Schreiber. Son cancer du côlon, détecté dans son premier stade, est pour ainsi dire guéri. Mais le docteur Oz raconte que, parce qu'il était en bonne santé et avait un mode de vie sain fondé sur les principes de l'anticancer, il se croyait invincible. Tellement invincible qu'il a tout fait pour retarder sa colonoscopie. Pourquoi ai-je failli tout saboter?, écrit-il dans son mea-culpa, avant d'expliquer que si les gens aussi rationnels et informés que lui évitent les tests de dépistage, c'est d'abord et avant tout pour s'épargner l'épreuve trop douloureuse d'un diagnostic positif et ses terribles conséquences.

Le mea culpa de David Servan-Schreiber est différent dans la mesure où le neuropsychiatre a pratiqué ce qu'il prêchait, sauf sur un point: «En m'imposant un rythme de travail harassant et excessif, je n'ai pas assez pris soin de moi», écrit-il, ajoutant que le succès de son livre Guérir, paru en 2003, l'a poussé à se donner à fond dans la défense de ses idées partout dans le monde, quitte à s'infliger surmenage et décalages horaires qui ont miné son système immunitaire. «Je pense que j'étais animé par une envie très humaine d'oublier ma condition et de mener ma vie comme tout le monde. Je crois surtout que je me suis laissé aller à une sorte de péché d'orgueil, car j'en étais venu à me sentir quasi invulnérable. Or, il ne faut jamais perdre son humilité face à la maladie.»

Servan-Schreiber avoue qu'il a eu la faiblesse de croire qu'il était protégé du seul fait qu'il respectait les préceptes de l'anticancer. Il a cru que cela lui donnait une licence pour négliger le sommeil, le repos et la recherche du calme intérieur. Il s'est trompé. Il en paie le prix, même si rien ne dit que le calme et le repos, pas plus que l'exercice physique, les bleuets et les brocolis, ne lui auraient évité une rechute. Face à cette maladie complexe qu'est le cancer, David Servan-Schreiber est la preuve qu'il n'existe pas de recette miracle ni de sauveur. S'il n'y avait qu'une leçon à tirer de tout cela, c'est peut-être que le meilleur remède contre le cancer, c'est encore la lucidité.

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Re: David Servan-Schreiber «Guérir à en mourir»

Publié : lun. juil. 11, 2011 10:04 am
par Anya
David Servan-Schreiber: «Il faut s’accrocher jusqu’au bout»
Rencontre | Sans pathos, avec une sérénité socratique, le neuropsychiatre, auteur du best-seller Anticancer, parle de son combat contre la maladie qui le rattrape
Eve Roger Le Nouvel Observateur, tous droits réservés 18.06.2011 | 00:01

Rendez-vous à 18 heures dans l’appartement familial des Servan-Schreiber, à Neuilly. Après quelques minutes d’attente, David entre dans le petit salon où se déroulera l’interview, accompagné de ses deux frères, Emile et Franklin. Malgré sa jambe gauche paralysée, le neuropsychiatre parvient à avancer. Franklin, derrière lui, soulève la jambe de son frère avec sa propre jambe. Belle image que ce ballet fraternel, deux hommes au même regard bleu intense, soudés comme des siamois. David Servan-Schreiber, pantalon beige, chemise et pull bleu clair, s’installe dans un fauteuil, le bras gauche immobilisé dans une écharpe. Près de lui, Emile et Franklin, ainsi que Catherine, son attachée de presse et amie depuis la publication de Guérir, en 2003.

Matthieu Ricard, moine bouddhiste et écrivain, habite au Népal dans l’Himalaya. Ce jour-là, il profite de son séjour parisien pour venir saluer David Servan-Schreiber, son ami depuis dix ans. Tous deux de formation scientifique, ils partagent la conviction que la méditation a des effets positifs sur la santé mentale et physique.

Comment allez-vous aujourd’hui? Comment vous sentez-vous?
(David Servan-Schreiber parle en chuchotant, très lentement, au rythme du stylo de l’intervieweuse sur le bloc-notes.) Je me sens bien. Je suis content d’être là, avec vous, et d’avoir cet entretien, avec le soutien de Catherine.

Comment a évolué votre état de santé depuis un an?
Il y a un an, tout allait très bien. J’acceptais des voyages, des conférences… Je jogguais encore, je jouais au squash plusieurs fois par semaine. J’allais assez souvent me promener dans Paris avec ma femme, Gwenaëlle. On préparait une semaine de vacances ensemble, au Portugal. J’avais accepté de participer à Lisbonne à une grande conférence mondiale sur la résistance au processus de vieillissement. J’y suis allé seul finalement et, pendant trois jours, j’ai pensé à la mort. C’était une espèce de séance méditative qui m’a fait du bien.

Vous pensiez à votre propre mort? Existe-t-il dans ce cas-là des pensées qui rassurent ou qui consolent?
La première idée qui console, c’est qu’il n’y a rien d’injuste dans la mort. Dans mon cas, la seule différence, c’est le moment où cela arrive, pas le fait que cela arrive ( ndlr: il a fêté ses 50 ans en avril ). La mort fait partie du processus de vie, tout le monde y passe. En soi, c’est très rassurant. On n’est pas détaché du bateau. Ce n’est pas comme si quelqu’un disait: «Toi, tu n’as plus de carte, tu ne peux plus monter.» Ce quelqu’un dit simplement: «Ta carte s’épuise, bientôt, elle ne marchera plus. Profites-en maintenant, fais les choses importantes que tu as à faire.»

Quelles sont-elles, ces choses importantes qui restent à faire?
Déjà, dire au revoir aux gens qui sont sur le bateau et qu’on aime. Ensuite, dire pardon à ceux à qui il faut dire pardon, et s’entendre dire pardon de ceux dont on a besoin qu’ils nous disent pardon.

Vous l’avez déjà fait? Ça a marché?
Pas toujours… Je peux essayer avec Catherine si vous voulez! (Elle rit.)

Pourquoi faut-il se dire au revoir?
C’est très important, même si c’est assez lourd. Il faut prendre rendez-vous avec quelqu’un en lui disant: «J’ai des choses importantes à te dire», et le moment venu, annoncer: «Il faut que je te dise au revoir.»

Dire au revoir plusieurs fois, c’est une façon de dédramatiser ce moment?
Oui, c’est une façon de ne pas donner aux autres le sentiment qu’on les attire dans un piège. Même si c’est un peu vrai…

On ne sait pas toujours comment réagir avec une personne qui vous annonce une maladie grave. Quelles sont les paroles qui sonnent juste?
Je pense que c’est beaucoup plus facile que ce que l’on se raconte. Il faut dire des choses qui manifestent que la personne est importante pour nous, qu’on a envie d’être là pour l’accompagner. Le plus simple, c’est de mettre un bras sur son épaule et dire: «Je suis désolé d’apprendre ça, vraiment, cela me fait beaucoup de peine.» Il faut que ce soit sincère. Généralement, ça l’est.

Ces paroles-là vous consolent?
Non, on ne peut pas se consoler avec cette histoire, mais ça me rassure, oui.

Pourquoi avez-vous voulu écrire ce livre?
(On sonne à la porte d’entrée.) Le plus important dans la situation que je vis maintenant, c’est de se mettre au carré. De prendre le temps de réfléchir à certaines choses: qu’est-ce qu’on se dit? Comment on se le dit? Comment on s’y prend quand on est devant le mur? Même quand on y a réfléchi comme moi depuis longtemps, même quand on l’a enseigné comme moi, même quand on a écrit dessus comme moi, cela reste une véritable épreuve.

Cela vous aide d’y avoir réfléchi avant?
C’est incomparable. (Entre Matthieu Ricard.) Salut, Maître! (Matthieu Ricard lui caresse l’épaule et s’installe dans une chaise à côté de lui.) Bienvenue. Tu viens d’où?
Matthieu Ricard (Chuchotant à son tour.) J’étais en Corse, et avant ça, j’étais au Népal et un peu partout. Je continue…
DSS (Reprenant.) Cela m’a aidé à ne pas me sentir pris de court, c’est déjà énorme. La première fois (sa tumeur au cerveau a été diagnostiquée en 1992, il avait 31 ans), je me suis senti très démuni, j’avais le sentiment d’être à poil dans un champ, avec des chasseurs de chaque côté, prêts à tirer. (Il se tourne vers Matthieu Ricard.) Ce n’est pas une image très bouddhique. Aujourd’hui, je suis à poil dans un champ avec des tireurs de chaque côté, mais je suis plus préparé. Cela fait longtemps que je savais que ça allait arriver. Et puis j’ai accompagné des amis à travers le champ.

Bernard Giraudeau, par exemple?
Je l’ai accompagné, mais pas totalement. A la fin, il était trop loin. J’étais moi-même malade, c’était trop compliqué de garder le lien. Il y en a eu d’autres, mais il ne faut pas trop faire de pathos non plus et transformer cela en séances de Grand-Guignol!

Votre dernier livre est aussi une défense de votre méthode «Anticancer» qui insiste, à côté des traitements conventionnels, sur l’importance de l’alimentation, de l’exercice physique et du contrôle du stress dans la lutte contre la maladie…
Je ne voudrais pas que ce qui m’arrive jette un doute sur ma méthode. Je suis censé être Monsieur Anticancer qui fait tout bien – ce qui est vrai d’ailleurs –, et paf!, c’est moi qui fais une rechute. Les gens peuvent se dire: «Si même lui, il n’y arrive pas, comment est-ce que moi, je peux faire?»

Que dites-vous à ceux qui douteraient d’«Anticancer»?
Je leur dis que c’est légitime qu’ils se posent la question. Personnellement, je n’ai aucun doute sur le fait que les méthodes d’«Anticancer» ont un impact majeur pour renforcer les défenses naturelles du corps contre cette maladie, ainsi que bien d’autres d’ailleurs. La science qui soutient ça est solide. Mais il faut savoir deux choses. La première, c’est que je n’ai jamais promis de traitement miracle. Il n’y a pas de traitement miracle contre le cancer, qui est une maladie très difficile. La deuxième, c’est qu’il ne faut surtout pas arrêter les traitements conventionnels: ils ne sont pas efficaces à 100%, mais ils sont essentiels, car ils réduisent la progression de la maladie, voire la font reculer, parfois très nettement. Et ce n’est pas parce qu’on a un copain chez qui la chimio n’a pas marché qu’on va se mettre à crier partout que la chimio ne marche pas! Je leur dis enfin qu’il faut s’accrocher jusqu’au bout parce qu’il y a des traitements qui ralentissent le processus du cancer.

Le programme «Anticancer» a-t-il ralenti la progression de votre tumeur?
Si vous me le demandez, je suis convaincu qu’«Anticancer» a joué un rôle important dans le fait que je survis au cancer depuis maintenant dix-neuf ans, alors qu’au premier diagnostic mes chances n’étaient que de six ans. Je n’ai pas fait d’étude sur 1000 personnes en double aveugle avec un contrôle placebo pour prouver que cela marche. Je ne suis qu’un cas clinique. Mais même mon cancérologue a fini par aller dans mon sens. Lors d’un rendez-vous en janvier dernier, il m’a pris par le bras et m’a dit: «Ecoutez David, tout ce que vous faites à côté, c’est quasi certain que ça marche. Alors, quoi que vous entendiez, quoi qu’on vous dise, ne lâchez pas.» J’étais très fier.

Avez-vous des regrets au sujet de votre mode de vie?
Moi, je suis passé à côté d’«Anticancer». J’ai vraiment cru que manger comme il fallait – du curcuma, des oignons… – m’autorisait à être moins vigilant sur le stress dans ma vie. Je pensais que quinze minutes de yoga et de méditation tous les matins suffisaient. Mais cela ne contrebalance pas le fait que parcourir trois villes européennes dans la même journée, avec une conférence à chaque fois, c’était trop. Je pense aujourd’hui qu’il faut commencer par maîtriser les sources incessantes de stress.

Vous avez des regrets?
Non.

C’est paradoxal…
Je dirais… ambivalent.

En quoi ce livre vous aide-t-il, vous porte-t-il?
Je suis mieux depuis que j’ai recommencé à écrire. Ecrire engage un processus incroyable: il transforme une expérience personnelle difficile et douloureuse en une contribution qui, avec un peu de chance, sera universelle et chaleureuse. L’idée que mon expérience peut aider d’autres personnes me fait beaucoup de bien. Ce n’est pas gagné, mais il y a une vraie chance, je l’espère. (Il croise les doigts.)

Vous écrivez qu’il ne faut jamais baisser les bras. Quels sont vos espoirs aujourd’hui?
L’espoir se situe clairement dans la combinaison des thérapies conventionnelles et des thérapies complémentaires. Il a été prouvé que certains traitements classiques marchent d’autant mieux qu’ils sont associés à des thérapies complémentaires.

Matthieu Ricard, quand on est au pied du mur, tout près de la mort, que dit la philosophie bouddhiste?
Matthieu Ricard Comme le disait David, la mort est tellement essentielle qu’il faut s’y préparer afin que ce ne soit pas un choc. Le fait qu’un bouddhiste réfléchisse constamment à la permanence et à la mort n’a rien de morbide. C’est au contraire une façon de donner de la valeur à chaque instant qui passe. Dans un ermitage, un ermite va retourner tous les soirs son bol comme si c’était la dernière fois qu’il l’utilisait. Ce n’est pas pour s’attrister mais pour signifier que chaque moment est de l’or fondu qui coule doucement.

Avez-vous dit au revoir à votre ami, David Servan-Schreiber?
Matthieu Ricard On peut s’épargner ça quand même, non? Je ne suis vraiment pas sentimental de ce point de vue-là. Dans le monde où je vis, dans l’Himalaya, cela se fait dans la simplicité, sans pathos! Si le moment est venu, on accompagne la personne avec des conseils spirituels, avec une présence d’amour, d’amitié. Mais faire des sentiments, «ah! mon cher ami, comme je t’ai aimé», ce n’est pas le moment! C’est le moment de trouver le calme et la sérénité. On demande notamment aux gens de ne pas pleurer, de ne pas hurler pour ne pas troubler la personne qui s’en va. Ce moment, quand il arrive, doit se faire comme un prolongement de la pratique spirituelle et pas comme un arrachement. Le monde n’est pas injuste parce que l’on meurt à un moment ou à un autre. Et puis c’est la qualité de la vie qu’on mène jusqu’au dernier moment qui compte. En fait, la mort est l’aboutissement d’une belle vie.

Vous êtes d’accord David Servan-Schreiber? On ne peut pas réussir sa mort si on n’a pas réussi sa vie?
On le peut, mais c’est plus compliqué. C’est plus simple si on a donné un sens.

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Re: David Servan-Schreiber «Guérir à en mourir»

Publié : lun. juil. 11, 2011 10:09 am
par Anya
Un extrait du livre testament de David Servan-Schreiber : la leçon de courage
Publié le 15-06-11 à 16:20 Modifié à 17:48

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David Servan-Schreiber avec son père Jean-Jacques et sa mère Sabine. (Sipa)

"Mon père, Jean-Jacques, avait des méthodes bien à lui pour nous apprendre le courage". Le neuropsychiatre, victime d'une grave rechute d'un cancer du cerveau, publie "On peut se dire au revoir plusieurs fois". En voici un premier extrait.

Le Nouvel Observateur du 16 juin 2011 publie les bonnes feuilles du livre de David Servan-Schreiber "On peut se dire au revoir plusieurs fois" (Robert Laffont). Une défense de son oeuvre scientifique et une conversation avec la mort.

En voici un premier extrait :

> La leçon de courage de Jean-Jacques

"Mon père, Jean-Jacques, avait des méthodes bien à lui pour nous "apprendre le courage". Je me souviens de ce séjour en Floride où il me conduisait chaque soir, à l'heure où la mer est la plus calme, à bord d'un bateau de ski nautique pour m'initier à ce sport. Je savais qu'il y avait des requins dans les parages. C'était déjà suffisamment angoissant de jour. Tard le soir, j'étais mort de frousse. Mais requins ou pas, il fallait sauter dans l'eau, sinon mon père se chargeait de m'y jeter. Il n'avait pas peur des requins, lui. Je n'avais qu'à faire comme lui. Les requins, m'expliquait-il, mangent des poissons plutôt que des enfants, et il y a très peu d'accidents. Il estimait que le ski nautique valait la peine qu'on prenne de menus risques. Inutile de dire que j'étais très motivé pour sortir de l'eau à la vitesse de l'éclair, rester très concentré sur mon équilibre et apprendre rapidement à ne pas tomber... Rien n'est plus flippant que de skier entre chien et loup sur des eaux noires où l'on croit deviner l'ombre d'un requin. Rien. Pas même une gravissime rechute de cancer. [...]

Quand on a traversé le risque et qu'on a survécu, on n'est plus tétanisé devant le danger. On "apprend le courage". C'est exactement ce que voulait mon père, qui était lui-même d'une hardiesse folle. Pas seulement dans les sports de glisse, où il avait une prédilection pour le ski extrême en terrain avalancheux. Vers 1940, alors qu'il passait son bac français à Grenoble, il avait escaladé la façade du lycée et décroché le drapeau à croix gammée suspendu au-dessus du portail. Il avait 15 ans, et portait un short de l'armée anglaise... Dans les moments critiques où il faut "tenir" contre l'adversité, l'idée qu'on a de ce sang-là dans les veines, qu'on a été entraîné au combat par ce trompe-la-mort est d'un grand secours [...]"

> Lire l'intégralité du dossier "Le livre testament de David Servan-Schreiber" et d'autres extraits de "On peut se dire au revoir plusieurs fois" (Robert Laffont) dans le Nouvel Observateur du 16 juin 2011.

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Re: David Servan-Schreiber «Guérir à en mourir»

Publié : lun. juil. 11, 2011 10:53 am
par Jannic
Un immense MERCI pour toutes ces belles trouvailles.

J'apprécie énormément :love:

Re: David Servan-Schreiber «Guérir à en mourir»

Publié : lun. juil. 11, 2011 12:51 pm
par EveLaVraie
Très beau et très triste à la fois! :(

Re: David Servan-Schreiber «Guérir à en mourir»

Publié : lun. juil. 11, 2011 1:47 pm
par Fabi
Merci beaucoup Anya! :)

Re: David Servan-Schreiber «Guérir à en mourir»

Publié : lun. juil. 11, 2011 3:14 pm
par Anya
:) De rien

Re: David Servan-Schreiber «Guérir à en mourir»

Publié : dim. juil. 24, 2011 11:01 pm
par Jannic
Publié le 24 juillet 2011 à 21h05 | Mis à jour à 21h05


Le neuropsychiatre David Servan-Schreiber est mort

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Lyne Barbeau
La Presse Canadienne
Montréal


Le neuropsychiatre et écrivain français David Servan-Schreiber, qui s'est notamment fait connaître pour sa longue et courageuse bataille contre un cancer du cerveau, s'est éteint dimanche, après avoir survécu pendant 19 ans à la maladie. Il était âgé de 50 ans.

Auteur de plusieurs livres à succès, dont Guérir (2003) et Anticancer (2007), vendus à plusieurs millions d'exemplaires à travers le monde, David Servan-Schreiber, qui luttait depuis quelques années contre une grave récidive de son cancer, privilégiait l'approche naturelle pour faire face entre autres à la dépression, au stress et à l'anxiété.

Le message le plus important de son oeuvre, selon le Québécois Richard Béliveau, docteur en biochimie et ami du scientifique, est que l'être humain peut jouer un rôle majeur dans sa santé.

«À une époque où l'on se déresponsabilise, où l'on pense que c'est la pollution et les autres qui sont responsables de ce qui nous arrive, note M. Béliveau, le fait de dire «Je peux faire quelque chose pour ma santé» est le message le plus important de l'oeuvre de David Servan-Schreiber.»


Lui-même chercheur et auteur d'ouvrages sur la prévention du cancer par la saine alimentation, c'est un Richard Béliveau très ému qui a appris le décès de son collègue par le frère de celui-ci, dimanche après-midi.

«David laisse un héritage de réflexion sur l'impact du mode de vie, sur la probabilité de survivre et de développer des maladies chroniques. De par son intelligence, son charisme, sa présence, sa connaissance, il a pu amener ce message à un niveau absolument extraordinaire.»

Tout en soutenant qu'il n'y a pas de traitements conventionnels totalement garantis contre le cancer, David Servan-Schreiber rappelait que ces traitements avaient leur rôle à jouer. Ce qui ne l'empêchait pas de proposer également une approche pouvant maximiser les défenses naturelles grâce à une saine hygiène de vie.

On peut se dire au revoir plusieurs fois, paru en 2010, aura été son ouvrage testament.

«David laisse un message selon lequel notre mode de vie influence de façon déterminante notre probabilité de développer ou non des maladies chroniques et de survivre aux maladies chroniques, souligne le docteur Béliveau.

«Il y a un message extraordinaire, et c'est ce message-là qu'il faut garder», conclut le chercheur québécois.

David Servan-Schreiber était issu d'une famille célèbre. Son père, le journaliste Jean-Jacques Servan-Schreiber, qui s'est éteint en 2006, a notamment fondé le journal français L'Express

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Re: David Servan-Schreiber «Guérir à en mourir»

Publié : mar. juil. 26, 2011 10:45 am
par Anya
Entrevue: Guy Corneau, Psychanalyste, auteur et conférencier: David Servan-Schreiber, décédé dimanche à 50 ans, était son ami
Intervenants : Guy Simard
Durée : 11:19
Date : 26/07/2011
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Re: David Servan-Schreiber «Guérir à en mourir»

Publié : ven. juil. 29, 2011 2:14 pm
par Anya
David Servan-Schreiber le dernier voyage
Vendredi 29 juillet 2011
Par Irène Frain - Paris Match

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Avec ses livres, il a donné de l’espoir à des milliers de malades du cancer, mais une récidive a eu raison de son appétit de vivre.

Yeux vifs et transparents, intelligence et attention constamment à l'affût, il était l'illustration achevée du rayonnement de la tribu Servan-Schreiber. Tantôt solaire, tantôt lunaire. Avec ce je ne sais quoi de romantique tourment qui le rendait si charismatique. Du coup, on avait fini par croire à l'incroyable: sa tumeur au cerveau, David la vaincrait. Il avait le mental, il avait la méthode, celle-là même qu'il avait exposée dans ses deux best-sellers, «Guérir» et «Anticancer». Et après tout, pourquoi pas? Dix-sept ans après l'annonce fatale, il était toujours là. Alors qu'on lui avait à peine donné trois années de survie...

«Et puis c'est un Servan-Schreiber!» renchérissait tout le monde. Un homme de défis, comme tous les siens depuis l'installation en France du patriarche, Joseph, dans les années 1880. De ces inlassables pionniers, décrypteurs du réel, caisses de résonance de la modernité et inlassables trouveurs de solutions...

On rappelait aussi que, dès ses premiers pas, son père, le vibrionnant patron de presse Jean-Jacques, l'avait programmé pour le combat. En ces années 60, fort de la phénoménale réussite de son magazine «L'Express», JJSS ne jurait que par la politique. Et rêvait que sa famille soit la version française du clan Kennedy. Ne pouvant avoir d'enfant de son épouse Madeleine Chapsal, il avait divorcé pour se marier avec la jeune Sabine Becq de Fouquières, héritière d'une longue lignée aristocratique. Aussitôt, la vie sembla approuver ces ambitions dynastiques: David fut vite suivi de trois frères, Emile, Franklin et Edouard. Tous assignés à la réussite. Un jour qu'on s'extasiait devant les succès de l'aîné, leur mère rétorqua: «Il n'y a pas de ratés dans la famille. David est simplement normal.»

Mais sa grand-mère avait tôt discerné qu'il avait un petit quelque chose qui le prédestinait à autre chose que la politique: un don exceptionnel d'empathie. Il s'était manifesté dès le bac à sable. Un jour que David y avait rencontré un gamin de son âge affublé de lunettes à verres épais en raison d'une grave affection oculaire, il avait fondu en larmes... Et si l'on en faisait un médecin? s'était alors dit la grand-mère. Et, en catimini, elle avait encouragé le petit sur cette voie.

Pour y parvenir, comme pour le reste, il y fallait être premier partout. Aucun problème: c'était le cas. En dépit de sa montagne d'activités, JJSS suivait de près l'éducation de ses fils. Et par chance, sa passion, c'était d'entraîner ses fils à la reconnaissance et au contrôle de leurs émotions. Par les sports dangereux. Et à la Kennedy, une fois encore. Alpinisme, équitation, ski hors piste, il n'y va pas avec le dos de la cuillère. Dolto, connais pas. La règle de base, dans la tribu, c'est le poème de Kipling: «Tu seras un homme, mon fils». Un jour, JJSS contraint ses gamins à aller faire du surf au milieu des requins. Un autre, à slalomer entre glaciers et précipices. Tant pis s'ils chutent, pourvu qu'ils se relèvent. David, à plusieurs reprises, se blesse gravement. Mais se relève à chaque fois. Entre rires et larmes, et toujours cornaqué par son père, il apprend ainsi que le pire ennemi, face au danger, c'est la peur. Et que la seconde règle de survie, c'est de former un groupe et de rester soudés par la niaque et le dépassement de soi.

La carrière politique de JJSS sera un bide de première mais il réussira sa famille: les quatre frères, malgré la diversité de leurs talents et de leurs caractères, formeront bloc à jamais. Est-ce dans cette puissante fraternité ou grâce à sa vigilante grand-mère que David, juste après son bac - il a tout juste 17 ans - trouve la force d'imposer à JJSS son choix de la médecine? On n'en sait rien. Pour autant, dès son arrivée à la fac, il ne renie pas son père, loin de là. En cette fin des années 70, son géniteur vient de prophétiser la phénoménale expansion de l'ordinateur personnel. En France, personne ou presque n'en soupçonne la portée ni même l'existence. Convaincu avant l'heure, David tente l'impossible: introduire la micro-informatique balbutiante dans le service hospitalier où il fait ses premières armes. Et réussit... Mais après la vente de «L'Express», JJSS a englouti sa fortune dans des campagnes électorales désastreuses. Quasiment ruiné, il décide d'aller s'installer aux USA. Loin d'en profiter pour s'affranchir de ce père si incorrigible que Chirac l'a surnommé «le turlupin», David le suit. La tribu avant tout. Dans les années 80, on retrouve donc le père et le fils côte à côte dans la même université de Pittsburgh, en Pennsylvanie. Jean-Jacques y enseigne la réflexion stratégique. David, lui, y découvre l'univers des neurosciences. Sur ce campus où les intelligences sont en ébullition permanente et les discussions avec des prix Nobel, de l'ordre de la banalité, il trouve très vite sa voie: il sera chercheur. Sa passion, c'est le fonctionnement du cerveau. Et comme par hasard, l'intelligence émotionnelle. Ce sera le sujet de sa thèse. Diplômes et publications prestigieuses, communications brillantissimes, il collectionne tous les succès. Au prix de nuits ultracourtes et de repas constamment pris sur le pouce: «Tous les jours, confessera-t-il ensuite, je mangeais du bœuf haché et un bagel arrosé d'un Coca, que j'engloutissais dans l'ascenseur.» Pas moyen de se défaire du culte de la performance et de la perfection hérité de son père. Même au milieu des mourants bardés de perfusions...

Un test qu'il réalise sur lui-même révèle sa tumeur. Il a 31 ans

Ces êtres au bord du gouffre, pour autant, David sait comme personne les accompagner vers la fin. Convaincu cependant, comme tant de jeunes médecins, qu'il restera à jamais dans ce qu'il nommera plus tard le «club des vivants». Mais tout de même, de temps à autre, la sensation de l'inachevé le saisit. Et de la vanité des choses. Toutes ces femmes qu'il n'arrive pas à garder. Non plus qu'à quitter. D'où ses missions humanitaires au Tadjikistan, en Inde ou ailleurs. Pour les fuir, pour se fuir? Il ne sait. Et en tout cas, là-bas, sans le vouloir, il se retrouve à chaque fois confronté à d'autres façons de manger, de se soigner, de communiquer, de mourir, et tout simplement de vivre. Interrogations et doutes: et si l'empathie extraordinaire des chamans et des moines tibétains expliquait certaines de leurs spectaculaires guérisons? Si la méditation, la lenteur, le silence potentialisaient l'effet des molécules médicamenteuses? Et qu'en est-il des bienfaits des plantes? De la marche, du sport? Mais à chaque fois, retour aux USA. Au campus, à l'hôpital, à la vitesse, à l'inévitable culte occidental de la performance et de la perfection, qui finit si souvent en perfusions...

Jusqu'à ce jour de 1993, où, au cours d'une expérience dans son propre laboratoire de recherche, c'est sur lui, David, que tombe la foudre. Un test qu'il réalise sur lui-même lui révèle qu'il est atteint d'une tumeur au cerveau. Ironie cruelle du destin. Il a 31 ans.

Atterrissage d'une violence inouïe. Le brillantissime médecin, en quelques instants, se retrouve dans la peau misérable du patient. Et pas moyen de se voiler la face: de cette maladie, il sait tout, puisque c'est sa spécialité... C'est là qu'après un bref moment où il s'avoue «sonné», la culture Servan-Schreiber le sauve. Le réflexe du courage, du défi, de la recherche pragmatique de solutions. Tout en se soumettant au parcours du combattant du cancéreux, il compulse pendant des mois les résultats des dernières recherches scientifiques. Et finit par conclure que 40% des cancers sont imputables au mode de vie.

On lui donne au maximum trois ans. Qu'importe, il décide de tout changer de son quotidien. Alimentation saine, exercice physique régulier, méditation, oméga 3. Trois, quatre, six années passent et il est encore là. Malgré tout, en l'an 2000, récidive. Qu'importe encore, il repart au combat. Cette fois, en plus d'une opération, il subit une chimio. Nouvelle victoire. La tribu, comme les médecins, n'en revient pas. Puis une idée germe chez son oncle Jean-Louis, fondateur du magazine «Psychologies»: et si David mettait sa méthode en mots? Son neveu s'y attelle sans trop y croire. Mais dès leur publication, ses deux livres «Guérir» en 2003, puis en 2006, «Anticancer», pulvérisent dans le monde entier les records de vente.

Au plus haut de ce triomphe, cependant, nouvelle grimace du destin: son père se révèle atteint d'Alzheimer. Une fois encore, le malheur a frappé au cerveau. Mais comme d'habitude, pas question de se laisser broyer par l'ironie du destin. Avec tous les Servan-Schreiber, David organise une présentation de «Guérir» à Paris, à la Mutualité. Et à la fin, récite à son père, face à un public subjugué, une adaptation du poème de Kipling: «Tu as été un homme, mon père». Puis fond en larmes. Jean-Jacques sourit, semble comprendre. Une fois encore, la force de l'empathie...

Et une fois de plus, retour au combat - son combat. Chaque jour, il applique la méthode exposée dans son livre, méditation du matin, oméga 3, exerices physiques, alimentation pauvre en graisses animales... Sauf sur un point, la modération de l'hyperactivité. Conférences, symposiums, rencontres avec les lecteurs, création d'une société qui commercialise les fameux oméga 3, enfin réponses aux attaques de certains de ses confrères: DSS, comme on l'appelle désormais, se dépense comme dix, accumule voyages et décalages horaires. Alors même que quelque chose d'obscur lui souffle qu'à force, un jour, viendra le «Big One», la récidive fatale...

Elle frappe au printemps 2010, lors d'un examen de routine. Aussitôt, retour au front des opérations et de la chimio. David croit tout en connaître mais découvre, sidéré, qu'il y a toujours pire que le pire. Gwenaëlle, sa femme, qui s'aperçoit à peu près en même temps qu'elle est enceinte. L'ami Bernard Giraudeau, fervent défenseur de sa méthode, qui s'éteint. Les traitements expérimentaux angoissants. Les montagnes russes de l'espoir et du désespoir. Les nuits solitaires où il s'interroge à perte de vue sur la validité de ses thèses. Les vieux copains qui mettent les pieds dans le plat, tel Régis Debray: «Alors, ça ne marche pas, vos fraises et vos brocolis?» Les enfants si jeunes - Sacha, 16 ans, Charlie, 2 ans - qu'il faut préparer en douceur à l'inéluctable. La naissance, entre joie et larmes, de la petite Anna. Les dispositions juridiques qu'on est bien obligé de prendre. La tentation de Lourdes, comme tout le monde. Et les ombres qui ne cessent plus de s'épaissir au fond de cette vallée de souffrances.

Mais toujours, têtu, le défi. Sous la forme d'un dernier livre, «On peut se dire au revoir plusieurs fois», que David, durant tout le printemps 2011, dicte à mi-voix - ses cordes vocales sont atteintes - puis dans un chuchotis. Un récit qui, de simple chronique d'un départ annoncé, se mue au fil des pages en message d'espoir et acceptation tranquille de la fin. Toujours tourné vers les autres, dans l'empathie, une limpide et radieuse leçon de vie.

Enfin les derniers jours, dans l'été des terres de la tribu, à Veulettes-sur-Mer, en Normandie. La maison bourrée de souvenirs. Les frères, les cousins, la mère, les tantes qui se relaient à son chevet. Quand le temps est beau, David se fait installer sur une chaise longue au soleil, contemple la nature, se laisse gagner par la beauté des choses. Le vent, parfois, caresse ses traits et il se chuchote les mêmes mots: ceux d'un soldat américain à sa femme, au moment de partir à la guerre et, sans doute, à la mort: «Chaque fois que tu sentiras la brise sur ton visage, songe que ce sera moi qui serai venu t'embrasser.» Puis, un soir, les deux faces de la condition humaine, vie et mort, se rejoignent. Solaire et lunaire, alors, comme il le fut toujours, il s'en va en douceur rejoindre l'esprit du vent.

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