Juste question de changer d'air un peu...un viel article
Publié : jeu. nov. 10, 2011 6:07 pm
J'ai lu et j'ai trouvé intéressant alors je vous le copie ici: l'Après Télé-réalité:
Phanie
MessagePublié: 21 Déc 2003 08:26
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Magicien des Mots
Inscrit le: 25 Avr 2003
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Voici un article pris dans le Nouvel Observateur en France, concernant l'envers des télé-réalités
L’envers d’un rêve cathodique
Les éclopés de la télé-réalité
«A la recherche de la nouvelle star» (M6): la dernière trouvaille des fabricants de real-TV, après «le Loft», «Koh-Lanta», «Star Academy », ne déroge pas à la règle. «Rien que du bonheur», promettent les producteurs aux dizaines de milliers de candidats venus tenter leur chance. Plus dure est la chute. Pour une poignée d’élus, riches et célèbres, on ne compte plus les déçus de ces machines à rêve. Ils racontent leur expérience. Enquête sur la vraie réalité de cette télé-là
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Jusqu’ici, tout va bien. Des centaines de jeunes, cheveux rouges, rasés, gominés, des blacks, des beurs, des garçons accrochés à leurs mères, de belles plantes en treillis délavés, des filles ordinaires. Ils sont venus de Sarcelles, Reims, Orléans, Strasbourg… Ils attendent, parfois depuis l’aube, devant les studios de RTL. La même idée en tête. «Et si c’était moi…», l’heureux élu, la «nouvelle star» de la version française du télé-crochet anglais à succès «Pop Idol», diffusé sur M6 depuis le 27 mars. Plus de 40000 candidats de toute la France, 4000 «castés» ce jour-là, une poignée à l’arrivée. Les voix s’échauffent. L’une d’elles transperce la foule: «Au bout du compte, on est toujours tout seul au monde.»
Un à un, les candidats pénètrent dans les studios. Ils ont deux minutes pour convaincre le jury avec un morceau de leur choix et repartir avec le fameux badge bleu, passeport pour la sélection suivante. Les vrais talents côtoient les chanteurs de salles de bains. Frêle et gracieuse, Elisabeth, 21 ans, vendeuse dans une parfumerie, sort en larmes: «C’est de l’abattage. Ils nous traitent comme des chiens.» Des larmes encore, et de l’amertume pour Charles, fils d’agriculteurs d’Arras, pour Gaylor, futur informaticien, pour Sarah, serveuse à Paris. Et les cris de joie d’Ophélie, de Versailles, une blonde aux cheveux mousseux. Le père fixe le badge bleu, mi-fier, mi-résigné: «C’est son choix. Si elle échoue dans cette voie, elle fera peut-être Sciences-Po.»
40000 inscrits pour «A la recherche de la nouvelle star», autant pour le «Loft2», plus de 30000 pour la prochaine édition de «Koh-Lanta»… Les émissions de télé-réalité se multiplient – M6 et TF1 rivaliseront cette saison encore avec «l’Auberge espagnole», «l’Ile de la tentation 2», «Opération séduction 2», «Star Academy 3», «l’Homme idéal»… – et drainent un nombre toujours plus grand de candidats. Ils s’inscrivent pour le jeu: «pour se marrer, pour le fun», comme ils disent. La plupart avouent aussi qu’ils espèrent décrocher une nouvelle vie au bout de l’aventure. Le même refrain: «Si jamais quelqu’un me repère, si je pouvais percer…»
Ils ont en tête Loana, Jean-Pascal, Jenifer ou Steevy, ces nouvelles «stars» qu’ils auraient pu avoir comme copains de lycée. Ceux-là ont cartonné, sans rien faire, ou si peu… Et les autres? Les Kenza, Julia, Kamel, Bernard, Brandon, Gwenaëlle… que deviennent-ils? Une trentaine d’entre eux, anciens du «Loft» 1et 2, de «Koh-Lanta», d’«Opération séduction», de «l’Ile de la tentation», de «Pop Stars» et «Star Academy», ont bien voulu nous raconter les coulisses de ces machines à rêve. La réalité de cette télé-là n’est guère reluisante. Pourtant, peu avouent qu’ils regrettent leur choix: ils ont connu l’euphorie, les strass, les paillettes, et puis «toute expérience est bonne à prendre». Il leur faut du temps pour confier qu’ils n’en ressortent pas indemnes…
Ils voulaient le bonheur et la gloire, certains ont récolté la honte et l’humiliation. Laurent a participé l’été dernier à «l’Ile de la tentation», le jeu de TF1 dans lequel des couples, séparés pendant dix jours, doivent résister à des dizaines de célibataires. Lui et sa compagne Aurélie tenaient un camion-pizza à Aix-en-Provence. Un jour, une femme les a abordés: «On cherche des couples pour une émission de télé sur une île paradisiaque. C’est rémunéré 10000 francs.» Des vacances payées, l’occasion, peut-être, pour Aurélie de débuter une carrière de mannequin, et un petit défi, «rester fidèle», à quelques mois de leur mariage… Ils décollent pour le Honduras. Pendant le tournage, Laurent se lie d’amitié avec une «tentatrice», Erika. Le montage fait croire à une histoire d’amour. «Tout était truqué», jure Laurent. Mais à Aix les voitures klaxonnent devant le camion-pizza: «Erika, Erika!» Aurélie craque. «J’ai tout perdu: ma femme et ma réputation», se lamente Laurent. Un autre couple, Diana et Brandon, strip-teaseurs, paient cher leur escapade sur l’île. Et leur inconscience. Elle lui a été infidèle. Il a poursuivi son rival avec un bâton devant des millions de téléspectateurs. Et dès le lendemain de la diffusion, il se faisait traiter de cocu dans la rue. Diana aussi en a bavé, confie Brandon: «Des gens lui criaient "sale pute" dans le métro, ils voulaient toucher ses seins.»
La télé-réalité fonctionne sur l’identification: pas de distance, pas de respect. Le public s’approprie les candidats. Il les hait ou les adore, pour rien, un sourire, une attitude, un «c’est clair» repris en boucle au zapping. Bernard a mal digéré le montage de «Koh-Lanta 2». Odieux, pervers, calculateur, une image de traître, c’est tout ce qu’a gagné ce quadra lyonnais. «Ma famille l’a très mal vécu.» Deux ans après la fin du jeu, Kenza, montrée à l’antenne comme une manipulatrice, ne s’est toujours pas remise de sa sortie du Loft sous les injures et les cannettes. «J’ai encore les sons, les images dans la tête. C’est comme un viol.»
Même quand le public vous adopte, l’après-télé-réalité, ce n’est pas «que du bonheur», contrairement aux promesses des producteurs. Un beau jour, Thomas, le gagnant du «Loft2», a fondu en larmes en public. «J’avais peur, même des gens qui me saluaient gentiment. Je suis devenu parano.» L’angoisse s’accroît encore quand les candidats réalisent benoîtement que cette notoriété ne repose sur rien. Beaucoup finissent par se demander: «Qu’est-ce qui m’arrive? Qui suis-je?» «Personne», répondent les gens du show-biz. «J’ai tout de suite vu que le milieu me prenait pour un petit merdeux», confesse Jean-Pascal de la «Star Ac». Des anciens du «Loft» et d’«Opération séduction»: «On était invité dans les soirées pour amuser la galerie.» «Et on entendait: "Regardez ces crétins. Dans trois mois, c’est fini"», précise l’un d’eux. Sourires narquois, regards condescendants… «On nous en veut parce qu’on n’a pas galéré quinze ans pour y arriver, raconte Kenza. Mais on n’est arrivé à rien!» Les merveilleux projets des premiers jours tombent généralement à l’eau. «On m’a promis la lune: des films avec Gérard Depardieu ou Jacques Villeret, des pubs, des disques… puis rien», confie Kamel du «Loft2», le petit beur tourangeau qui voulait être chauffeur de bus. Mais d’autres propositions pleuvent: animations dans les foires au bricolage ou les salons du mariage, enregistrement de messages pour téléphone portable… Une ex de «Pop Stars», Séverine, garde-malade à Nîmes: «On m’a proposé de poser nue dans "Entrevue". Ils m’ont dit: "Regarde Marlène du ‘Loft’, tout le fric qu’elle a fait!" Mais moi, je veux être chanteuse!»
Certains, en revanche, vendraient leur mère pour quelques billets. Ils savent qu’ils ont peu de temps pour «croquer dans le système». «Allez refuser une tournée en discothèque payée 1500 euros l’heure!», s’emporte Julia, la frêle brune du «Loft2». Karine du «Loft» a même tenté de déposer auprès de la société des auteurs son célèbre «Tranquiiille»! La gloire est médiocre, mais l’argent facile. A condition d’éviter les requins. Félicien, le Basque du «Loft 2», a ainsi avancé 50000 euros pour un disque qui n’est jamais sorti. Aurélie et Laurent, les pizzaiolos d’Aix, ont raconté leurs misères cathodiques au père d’une animatrice de TF1, qui a tout publié sans les prévenir. Et quand les lumières s’éloignent, beaucoup touchent le fond. Plus d’amis, plus d’ennemis, plus d’envies. Un ancien du «Loft 2»: «J’ai peur qu’on me demande ce que je suis devenu. J’aurai pas le courage de dire: j’attends que mon téléphone sonne.» Insomnies, crises de panique… à les entendre le retour sur terre constitue un autre défi… «Alors qu’on a été peu exposé médiatiquement, on a presque tous fait une dépression après le jeu», confie une candidate de «Koh-Lanta 2».
L’aventure, qui devait faire d’eux des stars, renvoie même certains à la case départ. Deux ans après le «Loft», des tentatives pour devenir acteur, animateur, «coach en développement personnel», journaliste, Fabrice n’est plus un produit attractif. «Pour moi, c’est foutu, dit carrément Sophie, 34ans, l’une des tentatrices de TF1. Tous mes efforts depuis quinze ans pour percer dans le milieu se sont effondrés. Je ne suis plus crédible.» Elle qui se rêvait animatrice télé est retournée à sa petite entreprise de pom-pom girls. Eblouis par la lumière, ils se sont brûlé les ailes. Qui ira pleurer sur leur sort? «Ils l’ont bien cherché», direz-vous. C’est aussi l’argument des fabricants de télé-réalité. Après tout, ils ne les ont pas forcés à s’exhiber, ni à proposer, comme cet ancien du «Loft», d’être filmé «vingt-quatre heures sur vingt-quatre, même dans les toilettes».
Cette soif de paraître dédouane de toute culpabilité les grands manitous de la real-TV, qui disparaissent d’ailleurs dès la fin du tournage. «Les gens qui t’appelaient vingt fois par jour pour te demander si t’as bien fait pipi ne te prennent plus au téléphone», s’étonne Julia du «Loft 2». «Il faut bien couper le cordon», répète souvent la productrice Alexia Laroche-Joubert. Même indifférence chez M6: «On leur a donné une chance. Après, on n’y peut rien s’ils n’ont pas de talent…»
Le sentiment d’abandon des candidats est d’autant plus violent qu’ils ont été choyés dès les premiers instants. Une bande d’idiots ? Si quelques naïfs croient encore au Père Noël, ils sont surtout atrocement humains: suffisants, égocentriques, assoiffés de gloire et de câlins. «Pourquoi rêve-t-on d’être célèbre? demande la Sophie de "l’Ile de la tentation". Parce qu’on a besoin d’amour.» Ne riez pas. Leur fragilité est un ingrédient essentiel de ces jeux-là. On ne compte plus les candidats sans mère, sans père, sans repères. Des proies idéales. Les producteurs les cajolent pour obtenir d’eux ce qu’ils veulent. «La prod devient notre famille de substitution, ils s’investissent dans tous nos problèmes», confie Kenza. Ils promettent sans s’engager, du rose, rien que du rose. «Pendant le tournage, la productrice me prenait la main en disant: "Ta vie va changer"», raconte une candidate.
«Ayez confiance», voilà le mot d’ordre. Surtout au moment de signer le contrat. Il est généralement présenté rapidement, parfois quelques heures seulement avant le début des tournages. Un vrai pacte de Faust. Aucun droit sur le montage des émissions, les candidats cèdent leur image en échange d’un prétendu ticket pour la gloire. Les photos publiées pendant la diffusion ne leur rapportent pas un centime! C’est de la promo. A prendre ou à laisser, y a du monde derrière la porte. Les 21 garçons d’«Opération séduction» ont bien essayé de consulter un avocat avant le début du jeu… Vexée, la production leur a fait la leçon: «Hé, les gars, vous ne savez pas la chance que vous avez!» Melissa, elle, a participé pendant deux mois à «Pop Stars2», un programme qui aurait rapporté plus de 30millions d’euros. La jeune femme, qui était pourtant une des vedettes du show, a empoché… 1500 euros! C’est le salaire moyen des petits soldats de la télé-réalité, quel que soit le programme! D’après nos estimations, producteurs et diffuseurs leur ont reversé moins de 1% de leurs recettes publicitaires. Le cynisme peut aller loin: M6 Interactions, producteur du disque «On va s’aimer», le flop des lofteurs, réclame désormais de l’argent aux interprètes. « Quand on s’est plaint des conséquences de l’émission, on nous a dit :"Vous n’avez rien perdu, on a amené du monde dans votre commerce" », confie aussi Laurent, le pizzaiolo.
Quelques chanceux ont décroché le jackpot, les autres ont gagné un peu d’argent, vu du pays, rencontré des vedettes. Bref, ils doivent être redevables ou se taire. «Si on donne des informations aux journalistes, on risque une amende de 15000 euros. Le producteur Glem nous a fait signer une clause de confidentialité», s’excuse un candidat de « l’Ile de la tentation ». Autre moyen de museler les râleurs: la culpabilisation. «Parce que j’avais critiqué l’émission, l’animateur m’a dit: "Tu as déçu des millions d’enfants", raconte William du "Loft 2". Les producteurs m’ont insulté. Je pleurais, j’avais l’impression d’être déloyal.»
Quelques effrontés ne se laissent pas abattre.Ainsi un ex-candidat de «l’Ile de la tentation» a pris la rue de la Grande-Illusion (sic) qui mène, triste clin d’œil, à la grande tour de TF1. «Je n’avais plus de boulot à cause de l’émission. Je venais leur demander un coup de main. On m’a dit: "On ne peut rien faire pour toi, il y a la ‘Star Ac’ derrière."» Stéphane Arteta et Sophie des Déserts
Sophie des Deserts Stéphane Arteta
Le sourire des rescapés
Tout n’est pas noir dans le petit monde de la télé-réalité. Certains s’en sortent royalement bien. C’est le cas de Loana ou de Steevy, de Jenifer, la gagnante du premier «Star Academy», qui a vendu 900000 albums, de son ex-camarade Jean-Pascal, 500000 exemplaires avec son single «l’Agitateur». Les L5, le groupe de filles de «Pop Stars», a vendu plus d’un million d’albums, Marlène, du «Loft 2», a gagné près de 100000 euros grâce à son duo avec Phil Barney… D’autres, pas forcément plus célèbres ni plus riches qu’avant, ne regrettent rien: Sandra, du «Loft 2», se dit «très heureuse. C’était une super-expérience».
Amelle, qui a remporté «Koh-Lanta 2», a réintégré son poste d’assistante sociale avec bonheur. Edwige, la candidate de «Pop Stars 2» restée célèbre pour son «Même Lara Fabian se reconnaît en moi», a encaissé les moqueries avec philosophie. Ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui ont été le moins exposés médiatiquement, et qui se faisaient le moins d’illusions. Certains qui rêvaient plus fort font contre mauvaise fortune bon cœur. Comme Kamel du «Loft 2»: «Je n’ai pas obtenu grand-chose derrière, mais je signe des autographes, je vais dans des soirées… C’est toujours mieux que ma vie d’avant.» S. A. et S. des D. --Message edité par phanie--
Phanie
MessagePublié: 21 Déc 2003 08:26
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Messages: 2934
Voici un article pris dans le Nouvel Observateur en France, concernant l'envers des télé-réalités
L’envers d’un rêve cathodique
Les éclopés de la télé-réalité
«A la recherche de la nouvelle star» (M6): la dernière trouvaille des fabricants de real-TV, après «le Loft», «Koh-Lanta», «Star Academy », ne déroge pas à la règle. «Rien que du bonheur», promettent les producteurs aux dizaines de milliers de candidats venus tenter leur chance. Plus dure est la chute. Pour une poignée d’élus, riches et célèbres, on ne compte plus les déçus de ces machines à rêve. Ils racontent leur expérience. Enquête sur la vraie réalité de cette télé-là
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Jusqu’ici, tout va bien. Des centaines de jeunes, cheveux rouges, rasés, gominés, des blacks, des beurs, des garçons accrochés à leurs mères, de belles plantes en treillis délavés, des filles ordinaires. Ils sont venus de Sarcelles, Reims, Orléans, Strasbourg… Ils attendent, parfois depuis l’aube, devant les studios de RTL. La même idée en tête. «Et si c’était moi…», l’heureux élu, la «nouvelle star» de la version française du télé-crochet anglais à succès «Pop Idol», diffusé sur M6 depuis le 27 mars. Plus de 40000 candidats de toute la France, 4000 «castés» ce jour-là, une poignée à l’arrivée. Les voix s’échauffent. L’une d’elles transperce la foule: «Au bout du compte, on est toujours tout seul au monde.»
Un à un, les candidats pénètrent dans les studios. Ils ont deux minutes pour convaincre le jury avec un morceau de leur choix et repartir avec le fameux badge bleu, passeport pour la sélection suivante. Les vrais talents côtoient les chanteurs de salles de bains. Frêle et gracieuse, Elisabeth, 21 ans, vendeuse dans une parfumerie, sort en larmes: «C’est de l’abattage. Ils nous traitent comme des chiens.» Des larmes encore, et de l’amertume pour Charles, fils d’agriculteurs d’Arras, pour Gaylor, futur informaticien, pour Sarah, serveuse à Paris. Et les cris de joie d’Ophélie, de Versailles, une blonde aux cheveux mousseux. Le père fixe le badge bleu, mi-fier, mi-résigné: «C’est son choix. Si elle échoue dans cette voie, elle fera peut-être Sciences-Po.»
40000 inscrits pour «A la recherche de la nouvelle star», autant pour le «Loft2», plus de 30000 pour la prochaine édition de «Koh-Lanta»… Les émissions de télé-réalité se multiplient – M6 et TF1 rivaliseront cette saison encore avec «l’Auberge espagnole», «l’Ile de la tentation 2», «Opération séduction 2», «Star Academy 3», «l’Homme idéal»… – et drainent un nombre toujours plus grand de candidats. Ils s’inscrivent pour le jeu: «pour se marrer, pour le fun», comme ils disent. La plupart avouent aussi qu’ils espèrent décrocher une nouvelle vie au bout de l’aventure. Le même refrain: «Si jamais quelqu’un me repère, si je pouvais percer…»
Ils ont en tête Loana, Jean-Pascal, Jenifer ou Steevy, ces nouvelles «stars» qu’ils auraient pu avoir comme copains de lycée. Ceux-là ont cartonné, sans rien faire, ou si peu… Et les autres? Les Kenza, Julia, Kamel, Bernard, Brandon, Gwenaëlle… que deviennent-ils? Une trentaine d’entre eux, anciens du «Loft» 1et 2, de «Koh-Lanta», d’«Opération séduction», de «l’Ile de la tentation», de «Pop Stars» et «Star Academy», ont bien voulu nous raconter les coulisses de ces machines à rêve. La réalité de cette télé-là n’est guère reluisante. Pourtant, peu avouent qu’ils regrettent leur choix: ils ont connu l’euphorie, les strass, les paillettes, et puis «toute expérience est bonne à prendre». Il leur faut du temps pour confier qu’ils n’en ressortent pas indemnes…
Ils voulaient le bonheur et la gloire, certains ont récolté la honte et l’humiliation. Laurent a participé l’été dernier à «l’Ile de la tentation», le jeu de TF1 dans lequel des couples, séparés pendant dix jours, doivent résister à des dizaines de célibataires. Lui et sa compagne Aurélie tenaient un camion-pizza à Aix-en-Provence. Un jour, une femme les a abordés: «On cherche des couples pour une émission de télé sur une île paradisiaque. C’est rémunéré 10000 francs.» Des vacances payées, l’occasion, peut-être, pour Aurélie de débuter une carrière de mannequin, et un petit défi, «rester fidèle», à quelques mois de leur mariage… Ils décollent pour le Honduras. Pendant le tournage, Laurent se lie d’amitié avec une «tentatrice», Erika. Le montage fait croire à une histoire d’amour. «Tout était truqué», jure Laurent. Mais à Aix les voitures klaxonnent devant le camion-pizza: «Erika, Erika!» Aurélie craque. «J’ai tout perdu: ma femme et ma réputation», se lamente Laurent. Un autre couple, Diana et Brandon, strip-teaseurs, paient cher leur escapade sur l’île. Et leur inconscience. Elle lui a été infidèle. Il a poursuivi son rival avec un bâton devant des millions de téléspectateurs. Et dès le lendemain de la diffusion, il se faisait traiter de cocu dans la rue. Diana aussi en a bavé, confie Brandon: «Des gens lui criaient "sale pute" dans le métro, ils voulaient toucher ses seins.»
La télé-réalité fonctionne sur l’identification: pas de distance, pas de respect. Le public s’approprie les candidats. Il les hait ou les adore, pour rien, un sourire, une attitude, un «c’est clair» repris en boucle au zapping. Bernard a mal digéré le montage de «Koh-Lanta 2». Odieux, pervers, calculateur, une image de traître, c’est tout ce qu’a gagné ce quadra lyonnais. «Ma famille l’a très mal vécu.» Deux ans après la fin du jeu, Kenza, montrée à l’antenne comme une manipulatrice, ne s’est toujours pas remise de sa sortie du Loft sous les injures et les cannettes. «J’ai encore les sons, les images dans la tête. C’est comme un viol.»
Même quand le public vous adopte, l’après-télé-réalité, ce n’est pas «que du bonheur», contrairement aux promesses des producteurs. Un beau jour, Thomas, le gagnant du «Loft2», a fondu en larmes en public. «J’avais peur, même des gens qui me saluaient gentiment. Je suis devenu parano.» L’angoisse s’accroît encore quand les candidats réalisent benoîtement que cette notoriété ne repose sur rien. Beaucoup finissent par se demander: «Qu’est-ce qui m’arrive? Qui suis-je?» «Personne», répondent les gens du show-biz. «J’ai tout de suite vu que le milieu me prenait pour un petit merdeux», confesse Jean-Pascal de la «Star Ac». Des anciens du «Loft» et d’«Opération séduction»: «On était invité dans les soirées pour amuser la galerie.» «Et on entendait: "Regardez ces crétins. Dans trois mois, c’est fini"», précise l’un d’eux. Sourires narquois, regards condescendants… «On nous en veut parce qu’on n’a pas galéré quinze ans pour y arriver, raconte Kenza. Mais on n’est arrivé à rien!» Les merveilleux projets des premiers jours tombent généralement à l’eau. «On m’a promis la lune: des films avec Gérard Depardieu ou Jacques Villeret, des pubs, des disques… puis rien», confie Kamel du «Loft2», le petit beur tourangeau qui voulait être chauffeur de bus. Mais d’autres propositions pleuvent: animations dans les foires au bricolage ou les salons du mariage, enregistrement de messages pour téléphone portable… Une ex de «Pop Stars», Séverine, garde-malade à Nîmes: «On m’a proposé de poser nue dans "Entrevue". Ils m’ont dit: "Regarde Marlène du ‘Loft’, tout le fric qu’elle a fait!" Mais moi, je veux être chanteuse!»
Certains, en revanche, vendraient leur mère pour quelques billets. Ils savent qu’ils ont peu de temps pour «croquer dans le système». «Allez refuser une tournée en discothèque payée 1500 euros l’heure!», s’emporte Julia, la frêle brune du «Loft2». Karine du «Loft» a même tenté de déposer auprès de la société des auteurs son célèbre «Tranquiiille»! La gloire est médiocre, mais l’argent facile. A condition d’éviter les requins. Félicien, le Basque du «Loft 2», a ainsi avancé 50000 euros pour un disque qui n’est jamais sorti. Aurélie et Laurent, les pizzaiolos d’Aix, ont raconté leurs misères cathodiques au père d’une animatrice de TF1, qui a tout publié sans les prévenir. Et quand les lumières s’éloignent, beaucoup touchent le fond. Plus d’amis, plus d’ennemis, plus d’envies. Un ancien du «Loft 2»: «J’ai peur qu’on me demande ce que je suis devenu. J’aurai pas le courage de dire: j’attends que mon téléphone sonne.» Insomnies, crises de panique… à les entendre le retour sur terre constitue un autre défi… «Alors qu’on a été peu exposé médiatiquement, on a presque tous fait une dépression après le jeu», confie une candidate de «Koh-Lanta 2».
L’aventure, qui devait faire d’eux des stars, renvoie même certains à la case départ. Deux ans après le «Loft», des tentatives pour devenir acteur, animateur, «coach en développement personnel», journaliste, Fabrice n’est plus un produit attractif. «Pour moi, c’est foutu, dit carrément Sophie, 34ans, l’une des tentatrices de TF1. Tous mes efforts depuis quinze ans pour percer dans le milieu se sont effondrés. Je ne suis plus crédible.» Elle qui se rêvait animatrice télé est retournée à sa petite entreprise de pom-pom girls. Eblouis par la lumière, ils se sont brûlé les ailes. Qui ira pleurer sur leur sort? «Ils l’ont bien cherché», direz-vous. C’est aussi l’argument des fabricants de télé-réalité. Après tout, ils ne les ont pas forcés à s’exhiber, ni à proposer, comme cet ancien du «Loft», d’être filmé «vingt-quatre heures sur vingt-quatre, même dans les toilettes».
Cette soif de paraître dédouane de toute culpabilité les grands manitous de la real-TV, qui disparaissent d’ailleurs dès la fin du tournage. «Les gens qui t’appelaient vingt fois par jour pour te demander si t’as bien fait pipi ne te prennent plus au téléphone», s’étonne Julia du «Loft 2». «Il faut bien couper le cordon», répète souvent la productrice Alexia Laroche-Joubert. Même indifférence chez M6: «On leur a donné une chance. Après, on n’y peut rien s’ils n’ont pas de talent…»
Le sentiment d’abandon des candidats est d’autant plus violent qu’ils ont été choyés dès les premiers instants. Une bande d’idiots ? Si quelques naïfs croient encore au Père Noël, ils sont surtout atrocement humains: suffisants, égocentriques, assoiffés de gloire et de câlins. «Pourquoi rêve-t-on d’être célèbre? demande la Sophie de "l’Ile de la tentation". Parce qu’on a besoin d’amour.» Ne riez pas. Leur fragilité est un ingrédient essentiel de ces jeux-là. On ne compte plus les candidats sans mère, sans père, sans repères. Des proies idéales. Les producteurs les cajolent pour obtenir d’eux ce qu’ils veulent. «La prod devient notre famille de substitution, ils s’investissent dans tous nos problèmes», confie Kenza. Ils promettent sans s’engager, du rose, rien que du rose. «Pendant le tournage, la productrice me prenait la main en disant: "Ta vie va changer"», raconte une candidate.
«Ayez confiance», voilà le mot d’ordre. Surtout au moment de signer le contrat. Il est généralement présenté rapidement, parfois quelques heures seulement avant le début des tournages. Un vrai pacte de Faust. Aucun droit sur le montage des émissions, les candidats cèdent leur image en échange d’un prétendu ticket pour la gloire. Les photos publiées pendant la diffusion ne leur rapportent pas un centime! C’est de la promo. A prendre ou à laisser, y a du monde derrière la porte. Les 21 garçons d’«Opération séduction» ont bien essayé de consulter un avocat avant le début du jeu… Vexée, la production leur a fait la leçon: «Hé, les gars, vous ne savez pas la chance que vous avez!» Melissa, elle, a participé pendant deux mois à «Pop Stars2», un programme qui aurait rapporté plus de 30millions d’euros. La jeune femme, qui était pourtant une des vedettes du show, a empoché… 1500 euros! C’est le salaire moyen des petits soldats de la télé-réalité, quel que soit le programme! D’après nos estimations, producteurs et diffuseurs leur ont reversé moins de 1% de leurs recettes publicitaires. Le cynisme peut aller loin: M6 Interactions, producteur du disque «On va s’aimer», le flop des lofteurs, réclame désormais de l’argent aux interprètes. « Quand on s’est plaint des conséquences de l’émission, on nous a dit :"Vous n’avez rien perdu, on a amené du monde dans votre commerce" », confie aussi Laurent, le pizzaiolo.
Quelques chanceux ont décroché le jackpot, les autres ont gagné un peu d’argent, vu du pays, rencontré des vedettes. Bref, ils doivent être redevables ou se taire. «Si on donne des informations aux journalistes, on risque une amende de 15000 euros. Le producteur Glem nous a fait signer une clause de confidentialité», s’excuse un candidat de « l’Ile de la tentation ». Autre moyen de museler les râleurs: la culpabilisation. «Parce que j’avais critiqué l’émission, l’animateur m’a dit: "Tu as déçu des millions d’enfants", raconte William du "Loft 2". Les producteurs m’ont insulté. Je pleurais, j’avais l’impression d’être déloyal.»
Quelques effrontés ne se laissent pas abattre.Ainsi un ex-candidat de «l’Ile de la tentation» a pris la rue de la Grande-Illusion (sic) qui mène, triste clin d’œil, à la grande tour de TF1. «Je n’avais plus de boulot à cause de l’émission. Je venais leur demander un coup de main. On m’a dit: "On ne peut rien faire pour toi, il y a la ‘Star Ac’ derrière."» Stéphane Arteta et Sophie des Déserts
Sophie des Deserts Stéphane Arteta
Le sourire des rescapés
Tout n’est pas noir dans le petit monde de la télé-réalité. Certains s’en sortent royalement bien. C’est le cas de Loana ou de Steevy, de Jenifer, la gagnante du premier «Star Academy», qui a vendu 900000 albums, de son ex-camarade Jean-Pascal, 500000 exemplaires avec son single «l’Agitateur». Les L5, le groupe de filles de «Pop Stars», a vendu plus d’un million d’albums, Marlène, du «Loft 2», a gagné près de 100000 euros grâce à son duo avec Phil Barney… D’autres, pas forcément plus célèbres ni plus riches qu’avant, ne regrettent rien: Sandra, du «Loft 2», se dit «très heureuse. C’était une super-expérience».
Amelle, qui a remporté «Koh-Lanta 2», a réintégré son poste d’assistante sociale avec bonheur. Edwige, la candidate de «Pop Stars 2» restée célèbre pour son «Même Lara Fabian se reconnaît en moi», a encaissé les moqueries avec philosophie. Ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui ont été le moins exposés médiatiquement, et qui se faisaient le moins d’illusions. Certains qui rêvaient plus fort font contre mauvaise fortune bon cœur. Comme Kamel du «Loft 2»: «Je n’ai pas obtenu grand-chose derrière, mais je signe des autographes, je vais dans des soirées… C’est toujours mieux que ma vie d’avant.» S. A. et S. des D. --Message edité par phanie--