Fermont de Vincent Vallières

[xilef]

STÉPHANE LAPORTE
« Fermont, Fermont »



Vincent Vallières vient de lancer un album, l’une de ses nouvelles chansons s’intitule Fermont, elle raconte l’histoire d’un homme qui est allé travailler dans le Grand Nord et qui s’ennuie de sa blonde :

J’ai pris la job à Fermont

C’est tout ce qui me restait à faire

Y avait plus d’ouvrage en ville

J’étais en train de devenir débile

La paye est bonne c’est vrai

Mais j’te jure que je m’ennuie au complet

Le soir cordé dans le mur

Comme un piquet de clôture

On sort le fer d’icitte

Pour l’envoyer au bout du monde

Et moi je compte les secondes

Qui me séparent de toi

J’espère que notre amour

Sera jamais comme ces villes fantômes

Abandonnées au nord à l’ombre

Comme tant de promesses oubliées...

C’est beau. C’est le grand thème de l’exil. La Manic de Georges Dor, 47 ans plus tard. Il y a des gens à Fermont qui n’ont pas apprécié. Qui l’ont pris personnel. Ils n’ont pas aimé entendre qu’ils vivent dans une ville fantôme où l’on s’ennuie comme un phoque en Alaska. Ils ont écrit au département des plaintes planétaires : Facebook. Et bien sûr, c’est devenu une polémique. Si la musique adoucit les mœurs, les réseaux sociaux les aigrissent. Même la mairesse en a ajouté, disant que ça ne reflétait pas la réalité des habitants.

J’espère bien! Une chanson n’est pas le reflet de la réalité. Une chanson est le reflet de l’âme. Et les poètes ont souvent l’âme en peine. Même Venise est triste pour Aznavour.

De toute façon, vous vous attendiez à quoi? Que Vallières allait chanter Fermont comme Sinatra chante New York!?

Start spreading the news

I’m leaving today

I want to be a part of it

Fermont, Fermont!

Cela aurait fait scandale aussi, car les Fermontois auraient compris Fermons Fermont, et ils n’auraient pas été contents. Alors là, pas du tout!

Les chanteurs ne sont pas Google Map. Ils ne prennent pas des photos des villes pour rapporter mathématiquement, adresse par adresse, ce qu’est l’endroit. Ce ne sont pas des arpenteurs. Ce sont des créateurs. Ils racontent ce qu’un lieu provoque en eux. Pas chez vous. En eux. À vous après d’être touché ou pas par leur inspiration.

Prenez Rio. Tout le monde rêve à Rio. Pourtant quand Sacha Distel chante Rio, c’est pour raconter l’histoire de pompiers tarés incapables de trouver les tuyaux, les lances et la grande échelle pendant que l’usine de café brûle. Avez-vous déjà entendu le maire de Rio se plaindre de la chanson Incendie à Rio parce qu’elle ne décrivait pas la réalité de ses employés municipaux? Ben non. Si ça se trouve, il la chante lui aussi dans les noces, en dansant le continental.

Faut arrêter de toujours se sentir visé par tout ce qui respire. Faut arrêter de se servir de Facebook comme d’un punching bag. C’est perdre son temps de grimper dans les rideaux, pour défendre l’honneur insulté de sa cité à cause d’une chanson. Une chanson n’est pas une charte. Elle ne doit pas être équitable. Être objective. Au contraire, une chanson est complètement subjective. Son auteur n’est pas un politicien. Il ne représente personne d’autre que lui, et il a droit de dire qu’à Winnipeg les nuits sont longues ou que Paquetteville peut bien dormir tranquille, si ça lui chante de le faire. Et faut surtout pas que les ennemis Facebook changent ça.

Si vous voulez répondre au Fermont de Vallières, écrivez votre Fermont à vous. La chanson d’un couple qui y vit heureux, parce qu’il est ensemble. On n’est jamais trop au nord, on n’est jamais trop loin, quand on est avec celle qu’on aime.

Vallières, qui est le plus aimable des garçons, s’est excusé d’avoir offensé des gens avec sa toune. Il s’est dit désolé. Il ne faut jamais être désolé d’écrire des belles chansons.

En ce moment sur iTunes, l’album le plus téléchargé du palmarès francophone est Fabriquer l’aube de Vincent Vallières. Et la chanson la plus populaire est Fermont. Faut croire que les gars de Montréal, Québec, Sherbrooke ou Gaspé s’ennuient aussi de leurs blondes. Et leurs blondes s’ennuient d’eux. Il y a tellement de bouts du monde.


article paru dans La Presse+

[xilef]

Chanson Fermont: Vincent Vallières s'explique

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[MsPontchartrain]

Ils sont susceptibles les gens de Fermont. (Mon Facebook n'est pas public, je n'aurai pas de plaintes).