Semences non sollicitées: tomates, roses et… mauvaises herbes
Ottawa a reçu plus de 750 signalements à travers le pays.
Des tomates, des agrumes, des fraises et des roses : le Canada a identifié quelques-unes des variétés des semences « non sollicitées » qui ont mystérieusement abouti dans les boîtes aux lettres de centaines de citoyens au cours des dernières semaines en provenance de « pays asiatiques ». Depuis la médiatisation de cette affaire, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) dit avoir reçu plus de 750 signalements issus de toutes les provinces.
« Sept cent cinquante, ce n’est pas rien, et l’on continue à en recevoir », a expliqué Mireille Marcotte, gestionnaire nationale des enquêtes phytosanitaires de l’ACIA, lors d’une entrevue avec La Presse.
Malgré le caractère initialement inoffensif des variétés découvertes, il ne faut surtout pas les mettre en terre, prévient-elle.
« Il n’y a pas eu d’analyse effectuée par rapport à la présence de pathogènes, de virus ou d’insectes. On a fait une inspection visuelle des semences. À première vue, ça ne semble pas problématique, mais on aime mieux ne pas prendre de risque », dit-elle.
Deux autres variétés ont été identifiées par les inspecteurs de l’ACIA : il s’agit de mauvaises herbes communes au Canada : la bourse-à-pasteur et la sagesse-des-chirurgiens.
Stratagème de commerce en ligne ?
L’ACIA ne sait toujours pas pourquoi les destinataires ont été visés, mais plusieurs d’entre eux déclarent avoir commandé des semences en ligne par le passé.
Pour l’instant, la piste de l’agroterrorisme est écartée. L’hypothèse privilégiée est plutôt celle d’une arnaque de type « brushing ». Cette manœuvre consiste à envoyer des articles non sollicités à des personnes afin d’utiliser cette fausse transaction pour écrire des commentaires élogieux en leur nom sur des sites d’achat en ligne comme Amazon. Le stratagème vise à stimuler les ventes d’une entreprise qui se voit ainsi mieux cotée.
« On ne croit pas qu’il y ait de mauvaises intentions autres que celle d’essayer de s’attirer de la sympathie, pour attirer des clients vers leur entreprise. On ne pense pas qu’il y ait vraiment quelque chose de dangereux sur les semences. »
Mireille Marcotte, de l’Agence canadienne d’inspection des aliments
Le Canada n’est pas le seul pays visé par cette étrange vague d’envois de paquets de semences : 22 États américains, l’Australie et des pays de l’Union européenne rapportent aussi des campagnes avec un modus operandi similaire. De nombreux paquets en provenance de l’Asie sont déclarés comme contenant des jouets ou des bijoux, mais on y trouve en fait des sachets transparents avec des semences, certaines avec un autocollant « Made in China ».
Au sud de la frontière, le quotidien The New York Times a révélé plus tôt cette semaine que le département de l’Agriculture des États-Unis avait identifié 14 types de plantes dans les envois : le chou, l’hibiscus, la menthe, la lavande, l’ipomée (morning glory), la moutarde, la rose, le romarin et la sauge.
Washington a publiquement déclaré que les colis semblaient venir de Chine. Le Canada indique pour sa part que les emballages proviennent de « plusieurs pays différents ».
« Ce sont des pays asiatiques. On ne sait pas si les semences proviennent vraiment de ces pays-là ou s’ils ont été envoyés à partir de ces pays-là. C’est l’autre chose que l’on essaye de déterminer », a précisé Mme Marcotte.
Modifier ses mots de passe
Chose certaine, il ne faut pas ouvrir les sachets, car les semences pourraient avoir été enrobées de pesticides ou d’engrais, des produits chimiques qui comportent des risques pour la santé s’ils sont manipulés à mains nues.
Certaines semences pourraient aussi être des espèces envahissantes qui posent des risques pour l’environnement ou l’industrie agricole. Il faut donc s’abstenir de les jeter au compost ou à la poubelle et immédiatement contacter son bureau régional de l’ACIA.
Le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) conseille aux citoyens qui ont reçu des semences non sollicitées de changer leurs mots de passe sur les sites d’achat en ligne qu’ils utilisent.
Contacté par La Presse, le Centre antifraude du Canada a indiqué avoir déjà reçu des signalements de Canadiens qui ont reçu des marchandises d’un site web de commerce électronique qu’ils n’avaient jamais commandé. « Nous les traitons actuellement comme une fraude d’identité et recommandons à l’individu de s’assurer qu’il n’y a pas de frais non autorisés sur ses comptes bancaires », nous a écrit un porte-parole de l’organisme par courriel.
Les gens ne devraient jamais payer pour retourner les produits, ajoute l’organisme.
https://www.lapresse.ca/actualites/2020 ... herbes.php