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L’étourdie
17 mai 2014 |Michel David | Québec
On comprend mieux pourquoi Philippe Couillard n’a pas voulu de Julie Boulet dans son cabinet : ou elle est décidément trop étourdie pour gérer un ministère ou encore elle a menti et a été bien sotte de penser qu’on pourrait la croire à ce point ignorante de ce qui se passait autour d’elle.
M. Couillard était bien placé pour savoir à quoi s’en tenir à son sujet. Julie Boulet était sa ministre déléguée à la Santé quand elle a dû démissionner à peine un mois après avoir été nommée par Jean Charest en 2003 parce que la pharmacie dont elle était toujours copropriétaire avait accepté des cadeaux d’un fabricant de médicaments. Ses fonctions ministérielles incluaient la responsabilité de la Loi sur l’assurance maladie interdisant cette pratique et la RAMQ avait intenté des poursuites contre le même fabricant.
Déjà, Mme Boulet avait plaidé l’ignorance. « Je ne le savais pas […] Ce n’est pas moi qui fais l’administration », avait-elle expliqué. Il faut croire que son associé avait le sens des affaires puisque les piluliers offerts gracieusement aux pharmaciens permettaient de doubler leurs honoraires pour les ordonnances en les réclamant sur une base hebdomadaire plutôt que mensuelle.
Revenue au cabinet à titre de ministre déléguée aux Transports, elle avait de nouveau été rattrapée par son passé. Cette fois, on lui avait reproché d’avoir loué gratuitement à une clinique des locaux attenants à sa pharmacie, qu’elle cherchait à vendre et dont la valeur se trouvait de fait augmentée. Cette fois, elle avait déclaré avoir agi dans l’intérêt de ses concitoyens de Saint-Tite, qui tenaient à leur clinique. M. Charest avait passé l’éponge, mais cela n’en contrevenait pas moins au code de déontologie de l’Ordre des pharmaciens.
Finalement, rien n’était de sa faute. Quand sa limousine avait été interceptée pour excès de vitesse, précisément au moment où elle faisait campagne pour renforcer le Code de la route, elle avait blâmé son chauffeur. Que voulez-vous, elle n’avait pas pu lui demander de ralentir puisqu’elle s’était endormie.
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Ses anciens collègues du cabinet Charest ont paru surpris que Mme Boulet, une fois devenue ministre des Transports en titre, ait pu ignorer que tous devaient récolter chaque année une somme de 100 000 $ pour garnir la caisse électorale du PLQ. Elle-même assure n’avoir jamais fait la moindre sollicitation. Pourtant, le président de Maskimo, Louis Marchand, a affirmé devant la commission Charbonneau qu’elle lui avait dit être « très, très, très déçue » qu’il n’assiste pas à son cocktail de financement.
Il faut dire qu’elle n’a jamais été très curieuse des questions de financement. En 2005, le PQ avait tenté de l’associer au scandale des commandites en raison d’un mystérieux « fonds numéro 2 » de 33 374 $ dont elle avait bénéficié quand elle avait été candidate libérale dans Champlain à l’élection fédérale de 2000. Mme Boulet avait dit n’avoir aucune idée de sa provenance.
En 2009, quand le vérificateur général avait blâmé le ministère des Transports pour avoir contourné les règles afin d’avantager l’entreprise d’asphaltage de son collègue David Whissell, elle avait assuré ne pas être au courant. Comment aurait-elle bien pu sa- voir ce qui se passait dans son ministère, n’est-ce pas ?
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Si la députée de Laviolette entretenait encore le moindre espoir de réintégrer le Conseil des ministres, elle ne devrait plus se faire d’illusions. Jusqu’à plus ample informé, M. Couillard ne semble toutefois pas croire que son étourderie mérite d’être exclue du caucus.
Alors que son ancien chef de cabinet l’a décrite comme une ministre particulièrement contrôlante, il est difficile de croire que Mme Boulet n’ait rien su des activités de financement auxquelles se livraient ses adjoints. M. Couillard serait cependant mal placé pour lui reprocher cet aveuglement. En 2006, un journaliste de Radio-Canada nommé Bernard Drainville avait recueilli les confidences d’une de ses attachées politiques qui s’employait à solliciter des fonds durant les heures de travail. M. Couillard avait assuré qu’il n’avait donné aucune autorisation à cet effet. C’est étonnant tout ce qu’on peut faire dans le dos de son patron.
Mme Boulet n’a pas osé pousser l’ingénuité jusqu’à prétendre qu’elle ignorait que des représentants d’entreprise qui obtenaient des contrats de son ministère fréquentaient assidûment ses cocktails de financement, mais elle a dit croire qu’ils venaient « à titre personnel ».
Les policiers qui ont interrogé l’ancien directeur du PLQ, Joel Gauthier, ont cependant vu le « financement sectoriel » d’un oeil différent. « Les employés de ces entreprises servent de prête-noms pour financer le parti. Leurs dons sont par la suite remboursés par l’entreprise. Par ce stratagème, les entreprises contournent la loi électorale et réussissent à financer le Parti libéral », peut-on lire dans les déclarations sous serment. Si Mme Boulet avait su cela, elle aurait sûrement été horrifiée.