Publié le 02 mars 2010 à 14h54 | Mis à jour à 17h25
Refus d'enlever le niqab: des organismes appuient le ministère
Lia Lévesque
La Presse Canadienne
Montréal
Le cas de l'étudiante d'origine égyptienne du cégep Saint-Laurent expulsée d'un cours de francisation parce qu'elle refusait d'enlever son niqab a suscité bien des réactions, plutôt favorables à l'attitude du ministère de l'Immigration.
Par exemple, la Fédération des femmes du Québec (FFQ), qui est contre le fait que l'on interdise le port du hijab aux employées de l'État, trouve qu'il y a cette fois une distinction à faire avec le niqab, qui cache le visage.
En entrevue, la présidente de la FFQ, Alexa Conradi, a expliqué qu» «il y a une distinction importante à faire et c'est le fait qu'on voit le visage dans le cas du hijab, alors que dans le cas de la burqa et du niqab, on voit simplement les yeux ou rien du tout. Et ça, c'est un empêchement sérieux à la communication à beaucoup d'égards et ça empêche aussi les femmes d'être libres de leurs mouvements.»
Mme Conradi estime que les autorités ont fait leur bout de chemin pour tenter d'accommoder l'étudiante, en lui permettant, notamment, de faire son exposé oral de dos à la classe, afin de ne pas faire face aux hommes. «Dans ce cas-ci, il m'apparaît que la demande d'accommodement exerçait une pression trop grande sur l'organisation des services» dans la classe, a opiné Mme Conradi.
«L'institution a raison, un moment donné, après négociations, après tentatives de trouver des solutions, de tracer sa limite. Et sa limite a été après une tentative d'entente commune», a fait valoir Mme Conradi.
Ministère
L'attaché de presse de la ministre Yolande James, Luc Fortin, a confirmé les faits rapportés dans La Presse.
«On a des objectifs précis dans nos cours de francisation, des objectifs pédagogiques, et on ne pouvait pas accepter que ces objectifs-là soient compromis, ni même le climat d'apprentissage en classe.»
M. Fortin a précisé que l'étudiante en question «a été rencontrée et elle a été avisée par écrit que si elle n'enlevait pas son niqab, elle allait devoir quitter la classe de francisation. Elle a quitté et elle a déposé sa plainte à la Commission des droits de la personne. Et maintenant, on est en attente de l'avis de la Commission», a-t-il résumé.
Et comme la cause est pendante devant la Commission, la ministre James ne commentera pas davantage, a-t-il fait savoir.
Enseignants
De son côté, la Fédération nationale des enseignants (FNEEQ-CSN), qui représente des professeurs de cégeps, revient à la charge avec sa demande d'adopter une Charte de la laïcité pour mieux baliser les accommodements raisonnables.
En entrevue, son président Jean Trudelle a précisé qu'habituellement, ses membres ont plutôt affaire à des demandes de reports d'examens pour cause de fête religieuse, par exemple, ou des demandes ayant trait au port de vêtements de sport dans les cours d'éducation physique. Mais ce cas lui apparaît inédit. «Pour moi, c'est un cas exagéré, mais c'est une opinion personnelle. Ca me semble exagéré.»
«Nous, on réclame la mise en place d'une Charte de la laïcité qui aurait le mérite de baliser un peu ces choses-là, qu'on puisse se référer à quelque chose. Pour l'instant, c'est un peu du cas par cas», a déploré M. Trudelle.
Un autre syndicat, le Syndicat des professeurs de l'Etat du Québec, le syndicat indépendant qui représente justement ces enseignants en francisation du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, entre autres, se dit satisfait de la façon dont ce cas au cégep Saint-Laurent a été réglé.
En entrevue, le président du SPEQ, Luc Perron, a dit estimer que dans ce cas, beaucoup avait été fait pour tenter d'accommoder l'étudiante qui tenait à porter son niqab. «C'est un cas qui n'est pas acceptable. La personne qui porte le niqab, pour nous, dans un contexte d'enseignement, on a fait les accommodements qu'il fallait au début, de façon progressive. Finalement, l'étudiante ne voulait en aucune façon accepter les règles du jeu qui sont interactives par rapport à l'intégration en français.»
Dans ce genre de cours, explique M. Perron, on enseigne non seulement le français et ses règles de grammaire, mais aussi la communication et les valeurs de la société québécoise «pour que la personne qui arrive au Québec s'insère le mieux possible sur le plan socio-professionnel».
«On a fait beaucoup. Il y a eu une belle patience professionnelle; il y a eu un accommodement certain sur le plan professionnel. Mais, par la suite, il faut effectivement que ce soit aussi à la personne immigrante même à jouer un rôle aussi, qui soit de collaboration», a opiné M. Perron.
Il conclut donc que le ministère a fait ce qu'il fallait dans ce contexte.
Musulmans
Des groupes musulmans consultés ne défendaient pas non plus le port du niqab.
Sohail Raza, président du Congrès musulman canadien, estime que «le niqab n'est pas compatible avec le mode de vie canadien, avec n'importe quel mode de vie, en fait».
M. Raza rappelle qu'il y a présentement un ressac en France et en Suisse contre le port de signes religieux ostentatoires. «Nous ne voulons pas vivre ça au Canada. Il faut que l'on en discute sérieusement au sein de la communauté musulmane. Ce sont des enjeux sociaux qui doivent être débattus. Ce n'est qu'une question de temps avant que cela se retrouve devant le Parlement. Comme en France, il va falloir qu'on en discute et qu'on prenne position une fois pour toutes.»
Raheel Raza, son épouse, une militante des droits des femmes musulmanes, qui a fondé le groupe Forum 4 Learning,
rappelle que le Coran ne requiert pas de se couvrir le visage, mais seulement de se vêtir avec modestie.
«En tant que musulmane, je trouve cela totalement ridicule. C'est une gifle au visage de ceux d'entre nous qui se considèrent comme des musulmans modérés.»
«Quand nous venons au Canada, nous ne venons pas dans la République islamique du Canada. Nous venons ici parce que nous voulons de la liberté; nous voulons la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Porter ma foi au visage n'invite certainement pas à l'harmonie, c'est un acte très hostile. C'est dire aux gens de garder leurs distances», a-t-elle fait valoir.
Son groupe fait la promotion d'une meilleure connaissance de la diversité religieuse et culturelle.
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